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Les modèles dynamiques de la végétation (DVM) sont développés et utilisés pour simuler le fonctionnement biophysique des écosystèmes dont les échanges de carbone et d’eau avec l’atmosphère, la croissance des plantes, et pour certains leur distribution spatiale et son évolution. Ils sont un outil essentiel pour étudier le bilan de carbone d’écosystèmes : aux échelles du site, de l’écosystème ou de l’ensemble des surfaces continentales. Ils se basent sur la simulation en cascade d’un nombre plus ou moins restreint de processus physiologiques et physiques, qui ajustent la valeur de variables. Ces variables servent souvent de forçage à la simulation d’un autre processus ou celle du pas de temps suivant. Deux groupes de variables simulées concernent les travaux menés : la productivité primaire brute et nette, et la productivité primaire de l’écosystème (GPP, NPP et NEP) à l’échelle de temps annuelle, et les stocks de carbone, en particulier la biomasse aérienne des forêts.

Ces simulations ont pour entrées principales les données climatiques, qui peuvent concerner les conditions passées, présentes ou futures. Le climat est un déterminant évident du fonctionnement de la végétation, cependant en retour les échanges d’eau, d’énergie et de carbone influencent aussi le climat. Ces boucles de rétroaction peuvent être simulées en couplant les DVMs aux modèles climatiques, pour par exemple simuler

43 le climat et la distribution des écosystèmes passés ou futurs. Cela n’a pas été le cas dans mes travaux.

J’ai participé à des travaux sur trois DVM : SDGVM (Woodward et al., 1995), SEIB-DVM (Sato et al., 2007), ORCHIDEE (Krinner et al., 2005). C’est aussi sur ce dernier modèle que j’ai mené des travaux de validation et diagnostic des gradients de biomasse dans le cadre des projets BIOMASS et GEOLAND2, et qu’a porté la thèse récemment soutenue de Sarah Dantec-Nédélec. Ces modèles s’appuient en partie sur des concepts similaires, mais peuvent néanmoins varier : par exemple SEIB-DVM simule la croissance d’une forêt via une représentation explicite de chaque arbre et de son évolution dans le temps, alors que dans ORCHIDEE le couvert forestier est représenté par une large feuille (big leaf model en anglais) accompagnées de réservoirs de carbone correspondant aux parties ligneuses qui évoluent dans le temps. Les descriptions suivantes concernent ORCHIDEE, qui est le modèle que j’ai manipulé. Ces descriptions ne sont pas exhaustives et portent sur les parties utiles à la compréhension des travaux menés.

3.2.1 Du cycle diurne au cycle saisonnier

Comme la plupart des DVMs, ORCHIDEE distingue un petit nombre, ici 13, types fonctionnels de plante (Plant Functional Type, PFT). Ces PFTs séparent les forêts caducifoliées des forêts sempervirentes, les feuillus des conifères, et les forêts tempérées des boréales et des tropicales. Les prairies sont distinguées selon leur voie photosynthétique, en C3 ou en C4. Enfin un PFT de sol nu est représenté. Les calculs de chaque processus sont paramétrés pour chaque PFT et non par espèce. Les flux en eau, énergie et carbone sont simulés au pas de temps quasi-instantané (3 heures), à partir des conditions climatiques (température, rayonnement disponible, précipitation, concentration atmosphérique en CO2) et de l’état de la plante simulé au moment du calcul de ces échanges. Ceci implique une variabilité diurne de ces échanges en réponse à la variabilité diurne des variables climatiques en entrée. Le calcul de la quantité de carbone fixé par la photosynthèse se base sur la simulation de la résistance stomatique, elle-même dépendante de l’humidité relative de l’air (Ball et al., 1987), la résistance stomatique déterminant l’entrée de CO2 dans les tissus chlorophylliens, et sur un modèle du cycle de Calvin simulant le taux de carboxylation des plantes en C3 à partir des taux de régénération du substrat de la carboxylation (la RuBP) et de l’enzyme impliquée (Rubisco) (Farquhar et al., 1980).

Ces calculs dépendent de l’état du feuillage : présence ou non de feuilles dans les arbres, âge des feuilles dont dépendent les paramètres du modèle de carboxylation, surface foliaire. ORCHIDEE simule donc le cycle annuel du feuillage pour les PFTs caducifoliés et le cycle pluriannuel pour les PFTs sempervirents. La date d’apparition des feuilles est régi par un modèle de phénologie (Botta et al., 2000) proche de celui décrit plus bas (Picard et al., 2005) mais qui inclut de plus le besoin de vernalisation en raison de la vocation globale d’ORCHIDEE et non pas purement boréale. L’évolution de la surface foliaire est quant à

44 elle dépendante de l’allocation du produit de la photosynthèse au feuillage, donc indirectement de la productivité. Les fractions de carbone alloué au feuillage ou aux autres compartiments (biomasse ligneuse aérienne ou sous-terraine, réserves, fruits, …) sont calculées dans ORCHIDEE selon Friedlingstein et al. (1999). Les variations saisonnières de la végétation et en particulier du feuillage, et donc des échanges de carbone, sont en conséquence modélisées.

3.2.2 Accumulation pluriannuelle de biomasse

On a vu plus haut que le produit de la photosynthèse est alloué à différents organes de la plante. Le temps de résidence du carbone dans plusieurs de ces réservoirs (feuilles, fruits par exemple) est court, le stock de carbone dans ces organes est donc renouvelé rapidement et donc n’augmente pas de manière cumulative. Au contraire les réservoirs correspondant aux parties ligneuses aériennes et sous-terraines, correspondant à la biomasse forestière, sont pérennes (à long temps de résidence) et peuvent prendre des valeurs importantes. Nous nous intéressons ici à la valeur de la biomasse aérienne. Notons que le sol est le réservoir le plus important, et est alimenté par la mortalité dans les autres organes.

Pour une année donnée, le niveau de biomasse simulée par les DVM dépend de biomasse, de la productivité en bois dans les parties aériennes (NPPAGW3), et de la perte de carbone par la mortalité, simulées l’année précédente.

Biomasse (année) = Biomasse (année-1) + NPPAGW (année-1) – mortalité (année-1)

La productivité en bois dépend de la photosynthèse (GPP, production primaire brute), de la fraction allocation du carbone au bois d’une part (f_allocation_bois), et de la respiration autotrophe.

NPPAGW= NPP × f_allocation_bois, avec NPP = GPP – Ra

Dans un modèle comme ORCHIDEE, la perte de carbone par la mortalité est exprimée comme une fraction du carbone végétal fixé, c’est-à-dire comme une fraction de la biomasse. Le taux de mortalité est aussi par définition l’inverse du temps de résidence (tresidence) du carbone dans les parties ligneuses.

Mortalité = Biomasse × tauxmortalité = Biomasse / tresidence

Comme le temps de résidence du carbone est fixe, la perte de carbone par la mortalité augmente tant que la biomasse augmente, mais au bout d’une certaine durée de simulation devient équivalente à la production annuelle de bois. On atteint donc un point

45 d’équilibre pour lequel la biomasse n’augmente plus, puisque les gains et les pertes se compensent mutuellement. Le niveau de biomasse à ce pseudo-équilibre s’écrit :

Biomasse à l’équilibre = NPPAGW moyen × tresidence

Ainsi la même biomasse peut être atteinte avec des productivités annuelles très différentes, si le temps de résidence de carbone diffère lui aussi (Figure 13).

Figure 13 : Accumulation théorique de biomasse pour trois peuplements différents par leurs dynamiques. La production

primaire de bois (NPPAGW) et le temps de résidence sont fixes.

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