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5. Dynamique de la réponse aux conditions hivernales

5.1. Phénologie

La phénologie est l’étude de l’apparition d’évènements biologiques cycliques en relation avec les variations saisonnières du climat (Schwartz, 2003). Chez les végétaux pérennes, on distingue une phase active durant l’été, d’une phase inactive (du point de vue macroscopique) en hiver. Ainsi, à la fin de l’été, la croissance s’arrête, les feuilles tombent (chez les arbres à feuilles caduques) et les bourgeons deviennent incapables de croissance. Puis au printemps, les bourgeons redeviennent capables de croître et déploient un nouvel appareil végétatif (rameaux, feuilles) et/ reproducteur (fleurs). L‘évolution de ce cycle annuel de développement est dépendant des conditions environnementales.

5.1.1. Arrêt de croissance et sénescence foliaire

A l´approche de la saison défavorable, les arbres vont progressivement diminuer leurs capacités de croissance et mettre en place les mécanismes leur conférant une plus grande

résistance, i.e. évitement de l’exposition des organes sensibles au gel. Un arrêt de la

croissance, une sénescence foliaire et une entrée en dormance des bourgeons sont donc observés à l'approche de l'hiver. L’arrêt de croissance et d’élongation des rameaux est un pré-requis à l’entrée en dormance et à l’endurcissement chez la majorité des espèces ligneuses

(Ruttink et al., 2007).

Après l’arrêt de croissance, les feuilles vont entrer en sénescence. Le démarrage du processus de sénescence foliaire est sous le contrôle de facteurs environnementaux qui ne sont à l’heure actuelle pas encore totalement éclaircis, et probablement différents entre espèces. Quatre hypothèses ressortent :

• retard et ralentissement par des températures chaudes automnales (Heide, 2003 ;

Matsumoto et al, 2003 ; Shutova et al., 2006) ;

• (ii) accélération, au contraire, par des températures chaudes automnales (Kramer,

• (iii) déclenchement par une photopériode seuil (Lee et al., 2003 ; Keskitalo et al., 2005) ;

• (iv) déclenchement par des températures froides, une baisse du rayonnement avec ou

sans effet seuil (Koike, 1990 ; White et al., 1997 ; Jolly et al., 2005 ; Migliavacca et

al., 2008 ; Delpierre et al., 2009).

De plus, la vitesse de déroulement de la sénescence serait essentiellement sous l’influence de la température mais aussi de stress abiotiques tels que sécheresse, déficience en

lumière ou nutriments (Lim et al., 2007).

Ce mécanisme permet d’éviter à ces organes l’impact des premiers gels et de remobiliser l’ensemble des nutriments foliaires (Lüttge & Hertel, 2009). Au cours de la sénescence foliaire, un processus séquentiel se met en place au cours duquel les nutriments contenus dans la feuille vont être transportés au sein des structures pérennes. Le métabolisme emprunte la voie catabolique par l’expression d’hydrolases (protéases, lipases, nucléases ;

Bhalerao et al., 2003 ; Buchanan-Wollaston et al., 2003 ; Andersson et al., 2004 ; Guo et al.,

2004) et dégrade les macromolécules : protéines, lipides, ARN et amidon en molécules plus facilement transportables vers l’appareil racinaire via le cambium puis les branches et le

tronc. (Lim et al., 2007). Par l’intermédiaire du phloème, 80% de l’azote et du phosphore

foliaire sont exportés ainsi que 90% du contenu en sucres sous forme de glucose, fructose et

saccharose (Keskitalo et al., 2005). Tous les organites sont dégradés en commençant par les

chloroplastes qui contiennent 70% du contenu protéique foliaire (Noodèn, 1988 ; Thomson & Plat-Aloia, 1987). Les chlorophylles dégradées, le couvert végétal prend ses couleurs d’automne jaune, orange ou rouge selon l’espèce. Puis, le noyau et les mitochondries sont parmi les dernières structures dégradés, lorsque les cellules entrent en phase finale de l’apoptose (mort cellulaire programmée). A l’échelle macroscopique, la sénescence démarre

de la pointe de la feuille pour remonter jusqu’au pétiole (Lim et al., 2007). Sur ce dernier, au

niveau de la zone d’abscission, des cellulases et des pectinases hydrolysent la paroi cellulaire permettant à la feuille de tomber, éventuellement selon l’espèce, et d’intégrer la litière (Perry,

1971 ; Roberts et al., 2002).

5.1.2. Entrée en dormance des bourgeons

La dormance est, d’après Lang et al (1987), une suspension temporaire de la croissance visible de toute structure végétale comportant un méristème (cambium et bourgeons). Cette suspension est effective même lorsque les bourgeons sont en situation

environnementale favorable, leur croissance ne reprendra que si cette dormance est levée. En effet, les cellules méristématiques (bourgeons et zone cambiale) ont leur cycle cellulaire

bloqué en phase G1 (Larcher, 1995 ; Shimizu & Mori, 1998 ; Gutierez et al., 2002).

On distingue, selon le facteur à l'origine de cette suspension de croissance : la paradormance (induite par d'autres organes situés sur le même individu, inhibition de la croissance des bourgeons tant que des feuilles sont en place), l’endodormance (origine intrinsèque au bourgeon, levée par une exposition à des températures froides, ou divers agents chimiques exogènes) et l’écodormance (phase de croissance limitée par les conditions environnementales, essentiellement la température).

Le signal d’entrée en dormance, et également d’initiation de l’endurcissement, semble davantage régi par la photopériode que par la température (Moshkov, 1935 ; Bogdanov, 1935). Par exemple, un délai d'exposition en dessous d'une photopériode critique a été

identifié chez Betulus pubescens : trois semaines à une photopériode de 12h par jour (Welling

et al, 1997). Mais ce signal photopériode peut être shunté en conditions particulières, telles

que des températures nocturnes élevées (Wareing, 1954), une humidité du sol et une quantité

de nutriments importantes (Rudolph, 1964 ; Büsgen & Münsch, 1931). Par ailleurs, Spirodela

polyrhiza, en condition de carence azotée, peut entrer en dormance si la photopériode passe en

dessous de 20h (Perry, 1968) ; alors que des arbres fertilisés en azote peuvent continuer leur croissance et, ceci, même jusqu’à être tués par le gel (Levitt 1956 ; Vasil-yev, 1961). Ainsi, l’initiation de la dormance pourrait être la résultante de ces différents facteurs (photopériode courte, sécheresse relative, carence en nutriments, températures nocturnes élevées) à la fin de l’été (Perry, 1971).

5.1.3. Levée de dormance

L’endodormance peut être considérée comme un mécanisme de sécurité inhibant la reprise de croissance des bourgeons avant que la saison défavorable ne soit terminée. C’est pourquoi, elle n’est levée qu’après exposition à des températures froide (Weinberger, 1950) : 3 à 4 semaines à 5°C (Vegis 1973). Ces températures peuvent même être négatives (5 à -10°C) (Hasegawa & Tsuboi, 1960). Il a également été montré qu’une application de phytohormones permet également de la lever, méthode couramment utilisée dans les régions à hiver doux (Wareing & Phillips, 1978).

De nombreuses hypothèses sur les mécanismes d’établissement et de levée de l’endodormance ont été émises. Certains auteurs ont évoqué l’interaction entre effets inhibiteurs et promoteurs de croissance (Saure, 1985), expliquant le fait qu’une application de

phytohormones stimulatrices de croissance (cytokinines, gibbérellines, auxines) permet de lever cette endodormance (Crabbé, 1994). D’autres études ont évoqué une compétition trophique entre le bourgeon et les tissus sous-jacents (Champagnat, 1989). Un effet hydrique a

également été évoqué, les bourgeons dormants ne contenant que très peu d’eau libre (Faust et

al., 1991) et la continuité hydraulique entre tissus sous-jacents et bourgeons étant

interrompue. Mais cette relation semble plus en rapport avec la résistance au gel qu’avec la

suspension de capacité de croissance (Erez et al., 1998 ; Parmentier et al., 1998).

Les cellules méristématiques sont organisées en réseau complexe au sein duquel la

communication s’effectue via les plasmodesmes comprenant notamment un reticulum

endoplasmique partagé (van der Schoot, 1996). Lors de la phase d’endodormance, ces

plasmodesmes sont obturés par des dépôts de callose (polymères de 1,3 β D glucane ; Rinne

et al., 2001). Suite à une exposition au froid, il y a une migration d'oléosines sur lesquels sont

adsorbées des β-glucanases qui, en hydrolysant les dépôts de callose, permettent de restaurer

la connexion symplasmique (Rinne & van der Schoot, 2003).

La dormance étant caractérisée par un arrêt du cycle cellulaire des cellules méristématiques, l’étude des protéines régulatrices de ce cycle cellulaire a montré que les niveaux de transcrits des histones (H2A, H4), des MAP et cdc2 kinases, de la cycline B étaient très faibles dans les bourgeons dormants et augmentaient lors de la levée de dormance (Devitt & Stafstrom, 1995). Les variations des profils d’expression entre phase dormante et active pourraient être dues à des modifications dans le degré de méthylation de la chromatine des cellules du méristème, mécanisme clé dans l’expression des gènes chez les eucaryotes (Law & Suttle, 2003).

Dans une étude sur Euphorbia esula (Anderson et al, 2005), l'expression de gènes

codant des enzymes impliquées dans le métabolisme glucidique selon l'état de dormance montre une expression supérieure des enzymes impliquées dans la synthèse d'amidon en phase de paradormance (ADP Glucose Pyrophosphorylase, Hexose Kinase et Sucrose Synthase). Par ailleurs, on retrouve, en phase d'endodormance et d'écodormance, une expression d'enzymes impliquées dans la synthèse de saccharose (Sucrose Phosphate Synthase et UDP Glucose Pyrophosphorylase). On observe également une expression des

enzymes impliquées dans la glycolyse (Wang et al., 1991) ou le métabolisme antioxydant

(Wang & Faust, 1994).

Lors de l’exposition au froid, la concentration en acide linoléique (C 18:2) dans la

membrane plasmique augmente (Wang & Faust, 1990 ; Erez et al, 1997). Cet acide gras est

par le froid (Lyons, 1973). Le niveau d’acide linoléique passe de 20% des acides gras composant les phopholipides totaux à plus de 40% ; puis, en phase d’écodormance la quantité d’acide linolénique (C18:3) représente de 40 à 55% du contenu en acides gras formé par une autre désaturase membranaire active à températures plus élevées (Wang & Faust, 1990). Ces changements dans la composition membranaire des cellules des bourgeons pourraient être

impliqués dans l’intégration du signal environnemental de levée d’endodormance (Erez et al.,

1997).

Certaines de ces hypothèses semblent reliées aux mécanismes d’acclimatation au froid, alors que certaines conditions artificielles ont montré un découplage entre les deux phénomènes. Néanmoins, la part explicative et la part strictement corrélative de chacune de ces observations reste encore obscure, notamment en terme de relation avec l’acclimatation au gel.

Une fois l’endodormance levée, le seul facteur limitant la croissance des bourgeons est l’occurrence de basses températures. Il s’agit de la phase d’écodormance : contrôlée par les

conditions environnementales (Lang et al., 1987). Durant cette période, les cellules

méristématiques au sein des bourgeons sont en phase de croissance cellulaire intense. Puis, une fois les nouveaux tissus formés, leur état d’hydratation augmente fortement, les nouvelles feuilles se gonflent jusqu’à écarter les écailles protectrices autour du bourgeon. C’est le débourrement, marquant le début de la saison de croissance. La photopériode pourrait, chez certaines espèces, exercer un effet sur la sortie de dormance et le développement ontogénique

(Heide, 1993a, b ; Vitasse et al., 2009).

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