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Phéniciens contre Grecs

Dans le document Histoire de la Méditerranée (Page 25-35)

L

A Syrie phénicienne fait songer à la Ligue des villes han- séatiques. Car ce n'était ni u n Etat centralisé régnant sur u n empire, ni une sorte de minuscule Angleterre débordante d'émigrants. Pas davantage la colonisation phéni- cienne n'a été un phénomène d'expansion nationale, au sens que nous donnons aujourd'hui à ce terme 1

Les cités marchandes de la côte de Syrie et leurs fondations en Méditerranée n'étaient pas unies par un lien politique, mais par une simple communauté d'intérêts et de civilisation.

Chaque cité s'administrait elle-même. Numériquement, en comparaison des Etats continentaux du Proche-Orient, les Phéniciens devaient être très peu nombreux; mais les sites où ils s'étaient installés (comme l'île Rouad) étaient minus- cules et il fallait bien que quelques-uns allassent chercher fortune ailleurs. Dans les pays où ils abordaient, les nouveaux venus s'imposaient par leur esprit d'organisation, leur effica- cité technique (navale, architecturale, industrielle, agricole..., etc.), le clavier de leurs relations commerciales. Ils ont été, semble-t-il, des colonisateurs pacifiques, ne cherchant pas, comme les Romains, à tout unifier sous leur férule. Ils ont rendu un éminent service à la civilisation occidentale et, par elle, à l'humanité entière, en substituant des lettres aux hiéro- glyphes et en inventant l'alphabet improprement appelé

« latin », que nous utilisons encore, mais qu'eux écrivaient de droite à gauche comme l'arabe aujourd'hui.

1. E. Renan, Mission de Phénicie : « La Phénicie ne fut pas un pays;

ce fut une série de ports avec une banlieue assez étroite. »

Il n'y a probablement pas de carrefour maritime ou d'escale intéressante sur les routes commerciales méditerranéennes où les Phéniciens n'aient jadis installé quelque comptoir. Si l'on n'en trouve pas plus de traces c'est que beaucoup sont maintenant noyés sous l'eau comme Pharos d'Alexandrie ou enfouis dans les sables comme Utique. On n'a pas pu tout fouiller. Rien qu'à s'en tenir aux fruits certains des recherches archéologiques ou historiques, les implantations phéniciennes dix ou onze siècles avant Jésus-Christ forment un réseau déjà l'Hermon, chêne de Transjordanie, textiles d'Egypte. D'après la même source, on pouvait acheter à cette époque sur la place de Tyr des chevaux d'Arménie, de l'ivoire et de l'ébène d'Afrique, des vins et des laines de Damas, du blé et de l'huile de Palestine, des étoffes des Indes. L'airain phénicien était réputé dans toute la Méditerranée.

L'empreinte phénicienne sur l'Egypte était naturellement très forte. Des marins phéniciens ont travaillé pour les pha- raons comme ingénieurs hydrauliciens. Ils avaient des comp- toirs à Pharos (Alexandrie), Tanis, Bubaste, Mendès, Saïs.

raient. Aux environs de l'an 1100, ils franchissent Gibraltar et s'installent dans le site insulaire ou péninsulaire de Cadix.

Peu à peu ils civilisent la partie méridionale du pays et aménagent des voies d'accès aux fameuses mines dont ils monopolisent la production. Ils s'élancent vers l'Angleterre, vers l'Irlande, vont même peut-être jusqu'au Jutland troquer Cherchell en Afrique, Cagliari en Sardaigne, Minorque et Iviza aux Baléares, Malaga en Espagne, sans compter vraisembla- blement une traînée de relais dans les anfractuosités de la côte septentrionale d'Afrique. D'après les auteurs anciens, les navires phéniciens naviguaient à une vitesse commerciale moyenne de 500 stades (90 kilomètres) par jour. Ils met-

Exploitant un continent neuf, maîtresse du bassin occiden-

tal de la Méditerranée, Carthage allait peu à peu supplanter continentale qu'ils constituaient tendait à l'absolutisme et cherchait à s'ouvrir à tout prix une « fenêtre » sur la Médi- payèrent tribut pour pouvoir continuer leur commerce mari- time.

Dans le siècle suivant, il arriva aux Assyriens ce qui arrive à tous les conquérants totalitaires : maintes régions qu'ils avaient occupées et qu'ils croyaient avoir définitivement sou- mises se révoltèrent. Leurs représailles furent implacables.

Jusque-là le monde oriental avait été relativement doux et policé, moins « barbare » en tout cas que pourrait le faire croire cette épithète que, plus tard, les Romains devaient lui donner : « terrorisé, rompu, saignant, il ne cessera désor- mais de nourrir contre son vainqueur une haine inexpiable 1 » En 722, les Assyriens, ayant reconquis le littoral syrien, battent les Egyptiens à Gaza, mais ne peuvent les poursuivre, faute de navires pour passer par mer ou de chameaux pour traverser le désert. Deux générations suivantes, nouvelle expé- dition punitive : les Bédouins fournissent cette fois les cara- vanes demandées, ce qui permet à l'armée assyrienne de faire la conquête de l'Egypte, mais Tyr refuse encore d'affréter

1. A. Moret, Histoire de l'Orient.

ses bateaux. Pour l'y contraindre, un détachement entreprend

Les cités phéniciennes de Syrie continueront à exister comme places maritimes commerciales, mais en perdant l'indépen- dance qui avait permis leur essor outre-mer. La « terre » aura asservi et comme stérilisé la « mer ». Bientôt Cyrus, prolongé par son fils Cambyse, absorbera tout l'Orient et étendra l'empire des Perses jusqu'à la Méditerranée. La Phénicie ne sera plus qu'une province marginale de cet empire conti- nental et les navires phéniciens travailleront sans scrupule au profit du nouveau pouvoir.

Le premier obstacle auquel se heurta l'expansion cartha- ginoise fut l'expansion concurrente des Grecs.

L'histoire grecque n'est pas celle des seules cités hellènes pour pouvoir continuer leur commerce, les Grecs comprirent que toute expansion vers l'Est était impossible. C'est surtout

Chaque continent fut ainsi marqué par la marine qui lui appor- tait la civilisation : l'Europe méridionale par les Hellènes, en Sardaigne. Victor Duruy prétend qu'une cité comme Sybaris pouvait mobiliser, vers l'an 620, trois cent mille combattants.

QUELQUES SITES DE LA MÉDITERRANÉE ANTIQUE

site qui devait devenir Marseille; quand en 544 les Perses dations phéniciennes, s'étaient installés à Messine, Taormina, Catane, Agrigente... et surtout à Syracuse, dont des déma- maient périodiquement autour d'Athènes ou de Sparte.

Face aux riches colonies grecques, les Carthaginois tenaient la partie occidentale de l'île avec Palerme, Marsala, les îles

avant J.-C. ils avaient battu sur les côtes de Corse une escadre grecque essentiellement composée de vaisseaux phocéens (pho- céens d'Asie et phocéens de Marseille). Ils tenaient les deux rives du détroit de Gibraltar et en interdisaient le passage aux Grecs qui avaient commencé à s'y glisser. Leur suprématie en Méditerranée occidentale était incontestable. Mais les Grecs avaient pour eux la solidité de leurs implantations en Italie méridionale et en Sicile avec Messine et, comme ils étaient aussi des marins, ils auraient peut-être un jour évincé leurs adversaires.

L'histoire ne devait pas laisser le duel se dérouler. C'est aux Romains qu'elle réservait le rôle. Car, au moment où les deux peuples marins s'affrontaient en Méditerranée occidentale, l'Orient continental et totalitaire faisait planer sur la Médi- terranée — et sur sa fille future, l'Europe — une telle menace qu'elle allait forcer les Grecs de Grèce à se retourner pour la défendre.

C H A P I T R E I I I

Dans le document Histoire de la Méditerranée (Page 25-35)

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