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L’histoire du peuplement de la Casamance, tout comme celle de l’Afrique de l’Ouest, est marquée par la succession des différentes vagues migratoires sur cet espace depuis plusieurs siècles et par l’héritage des empires coloniaux français, portugais et britannique. Elle reste mal connue, surtout avant l’arrivée des Européens, dans la mesure où les sources historiques sont rares et les informations qui en sont issues, souvent contradictoires. Cependant, malgré l’indigence des sources écrites et leurs écarts d’interprétation, deux faits semblent être tenus pour certains. Le premier porte sur l’installation des Diola dans la région, antérieure au XVIème siècle et le second, que les Baïnounk

font partie des premiers arrivants en Casamance à l’est du méridien de Bignona (Mark, 1985 ; Roche, 1985).

Les travaux sur la Casamance (Bocande, 1849 ; Béranger-Ferraud, 1874 ; Maclaud, 1907a et 1907b ; Lasnet, 1900 ; Hanin, 1933 ; Thomas, 1959, 1960, 1963, 1964, 1965 ; Pélissier, 1958 et 1966 ; Linares, 1970 et 1971 ; Diatta, 1982 ; Roche, 1985 ; Cormier-Salem, 1992 ; Awenengo- Dalberto, 2005 ; Journet-Diallo, 2007 ; Ngaïdé, 2009 ; Méguelle, 2013) ont montré que la Casamance était sujette à de profondes mutations à la fin du XIXème siècle du fait de la

recomposition territoriale historiquement récurrente sur cet espace pendant environ huit siècles (Ngaïdé, 2009). Ces mutations sont clairement exprimées par la succession des entités territoriales comme le Gabou (une dissidence de l’empire du Mali), le Fouladou (une dissidence du Gabou), la Colonie du Sénégal et ses dépendances et enfin, à partir de 1960, la République du Sénégal. Chacune de ces organisations politiques recouvre des "territorialités" particulières, des modes différents d’organisation de l’espace, des stratégies territoriales et représentations qui lui sont propres. Les logiques et les pratiques qui en sont issues ont varié en fonction des contextes et des circonstances. De ce contexte historique, découle l’implantation humaine actuelle dans les différentes zones de la Casamance. Dès lors, le peuplement de la Basse-Casamance ne peut être analysé et compris sans prendre en compte les royaumes africains existant avant la pénétration européenne en Afrique de l’Ouest. En outre, il faut souligner que la Casamance est l’une des entités socio-culturelles du Sénégal sur lesquelles se sont bâties toutes les dynamiques démographiques qui ont conduit à la distribution spatiale actuelle de la population sur la Basse-Casamance.

Notre objectif n’est pas de retracer ici l’histoire du peuplement de la Basse-Casamance, déjà très complexe à établir, même pour les spécialistes. Il est plutôt de replacer le peuplement de la zone étudiée dans le contexte de l’analyse des systèmes agraires qui ont donné à cet espace toute l’originalité de sa civilisation telle qu’elle a été décrite par Pélissier (1966).

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I – La Basse-Casamance, une des trois entités de la Casamance

La Casamance doit son histoire, son nom, ses principales ressources et peut-être aussi son avenir à son "fleuve" (Diédhiou, 2001). Elle occupe une superficie d’environ 28 000 km², soit le 1/7 de la superficie du Sénégal. Le nom Casamance, replacé dans son contexte historique et actuel, constitue un véritable enjeu à la fois socio-économique et géopolitique (Marut, 1994).

Dans l’ensemble sénégalais, la Casamance se caractérise par certains traits originaux qui sont à la fois des facteurs de rapprochement et d’identification régionale et par une grande diversité interne (Bonnefond et Loquay, 1985). Cette dénomination est utilisée pour désigner à la fois le fleuve qui traverse cette région et l’espace compris entre la République de Gambie au Nord, la Guinée-Bissau au Sud, l’Océan Atlantique à l’Ouest et le marigot Koulountou, un affluent du fleuve Gambie, qui constitue à l’est la limite qui la sépare du Sénégal-Oriental. Ses limites tiennent donc à la fois de la nature et de l’histoire. Seck (1955) et Roche (1985) nous apprennent par ailleurs qu’il a été tenu compte de la forte personnalité de la Casamance pour lui conserver en début de période coloniale, une sorte d’unité administrative. Divisée d’abord en quatre cercles avec un administrateur supérieur résidant à Ziguinchor, cette région était dénommée "Territoire de la Casamance". C’est par la suite que l’administration coloniale de cette région a été confiée à deux cercles : le cercle de Ziguinchor comprenant la Basse et Moyenne Casamance, et le cercle de Kolda. C’est depuis le 1er juin 1944

que la Casamance ne forme plus qu’un seul cercle avec 5 subdivisions (Ziguinchor, Oussouye, Bignona, Sédhiou, Kolda et Vélingara) organisées selon un ensemble formé par les trois entités suivantes : la Haute Casamance dans le cours supérieur et aux confins du Sénégal-Oriental, la Moyenne Casamance correspondant au cours moyen du fleuve et la Basse-Casamance, zone de mangroves et de multiples marécages contigüe à l’Océan Atlantique. La désignation de cet espace par un hydronyme est évocatrice du rôle que joue le fleuve dans la structuration des paysages, des activités agricoles et dans l’organisation spatiale des établissements humains. Cet ensemble, considéré dans l’imaginaire social comme un milieu "naturel", est à l’origine de formations sociales spécifiques dans les trois entités spatiales de la Casamance (fig. 1), composées administrativement des régions de Kolda, Sédhiou et Ziguinchor. Ces trois entités se différencient par leurs dimensions historiques et géographiques caractérisées par des spécificités culturelles et sociales :

- A l’est, la Haute Casamance correspond à l’actuelle région de Kolda ; c’est le domaine des Peul sédentaires cultivateurs de mil et éleveurs pour qui le riz n’est qu’une culture vivrière secondaire, mais où existent d’importants aménagements rizicoles depuis quelques décennies, notamment dans le bassin de l’Anambé avec la riziculture irriguée ;

- la Moyenne Casamance est l’actuelle région de Sédhiou où prédominent les Manding et les Balante installés respectivement au nord et au sud du fleuve Casamance. La riziculture y est

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pratiquée dans les petites vallées adjacentes au fleuve Casamance et à ses marigots. Le riz y est tout aussi important que le mil dans l’alimentation de la population ;

- la Basse-Casamance ou cours inférieur du fleuve Casamance, également appelée Casamance maritime du fait de sa proximité avec l’Océan Atlantique qui en constitue la limite ouest. Il s’agit d’un vaste ensemble géographique englobant les rias et les plaines côtières réparties entre la Gambie et la Guinée-Bissau et, limitée à l’est par la vallée du Soungrougrou au-delà de laquelle commence la région administrative de Sédhiou ou Moyenne Casamance. L’importance des précipitations et l’omniprésence du réseau hydrographique font de l’eau un agent essentiel dans la construction des paysages de Basse-Casamance. Cette partie est majoritairement peuplée par les Diola, détenteurs de techniques très élaborées d’aménagement des zones de mangrove en rizières. Elle est le domaine par excellence de la mangrove, des vasières, des bas-fonds propices à la création des rizières qu’affectionnent tant les populations de cette région et dans lesquelles, elles investissent la majeure partie de leur temps. Le façonnement des paysages traduit l’interpénétration des plateaux boisés et des rizières de bas-fonds. La riziculture y est donc à l’origine d’un aménagement remarquable des zones inondables et constitue le fondement de la civilisation agraire des Diola du fait de son rôle important dans la structuration et la dynamique des espaces et des sociétés en Basse-Casamance, tout comme celles de l’ensemble de la région des "Rivières du Sud" dont le nom a été popularisé par les travaux de Pélissier (1966), Diop (1990) et Cormier-Salem (1992, 1994 et 1999). Les "Rivières du Sud" désignent un milieu de transition entre les domaines maritime et continental : il s’agit d’une frange littorale profondément aménagée par l’homme qui s’étend du Sénégal à la Sierra Leone. Les multiples fleuves qui arrosent les plaines littorales et les estuaires qui échancrent la côte, les vasières maritimes parcourues par des chenaux de marée et colonisées par les palétuviers fondent l’identité biogéographique de cette portion du littoral ouest-africain. Son peuplement et les modes d’occupation de l’espace, caractérisés par des densités de population relativement élevées, des systèmes de production intensifs et une adaptation à l’habitat de marais maritimes, renforcent cette identité (Cormier-Salem, 1999).

Cormier-Salem (1992) assure que cette division correspond à trois grandes aires respectives de peuplement : Peul, Manding et Diola. Cette division, qui date de 1912, a été maintenue au lendemain de l’indépendance du Sénégal mais les trois entités étaient comprises dans une seule région administrative. En 1984, la Casamance a été divisée en deux régions administratives : la région de Ziguinchor qui correspondait à la Basse-Casamance et qui regroupe les départements de Ziguinchor, de Bignona et d’Oussouye et la région de Kolda qui couvrait la Moyenne et la Haute Casamance et intégrait les départements de Sédhiou, Kolda et Vélingara. En 2010, une autre subdivision a consacré le morcellement de la région de Kolda pour donner naissance aux actuelles régions administratives de Sédhiou (Moyenne Casamance) et de Kolda (départements de Kolda et

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de Vélingara). Ce remodelage de la Casamance en trois entités administratives est sans doute une réponse politique au conflit armé qui sévit dans la région depuis plus d’une trentaine d’années. L’histoire du peuplement de la Basse-Casamance, qui se distingue fortement de celle des autres régions sénégalaises, éclaire certains aspects des modifications actuelles des paysages et la distribution des sous-systèmes agraires. L’unité profonde du sud sénégalais repose en effet sur l’origine de ses populations, l’attachement profond à leurs traditions, la longue résistance à la pénétration européenne et le caractère récent de l’islamisation (Pélissier, 1966 ; Linares, 1971 ; Roche, 1985 et 2016 ; Cormier-Salem, 1992 ; Méguelle, 2013).

39 Figure 1: Organisation spatiale de la Casamance

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II - Peuplement et population de Basse-Casamance

Comme indiqué plus haut, les sources historiques relatives à l’origine du peuplement de la Basse- Casamance sont très rares. L’histoire du peuplement est également rendue difficile à retracer en raison des nombreux mouvements de population et des multiples échanges inter-régionaux qui ont eu lieu depuis au moins huit siècles comme l’attestent les amas coquilliers. En outre, on observe que les sources aussi bien orales qu’écrites renferment encore beaucoup de contradictions quant à l’origine des Diola. Enfin, outre l’inexistence d’une historiographie scientifique confirmée, l’absence d’une tradition orale1 à l’image de celle des sociétés à griots ou

de conservateurs de la tradition, constitue un obstacle de plus pour déterminer l’origine des Diola. Néanmoins, nous essayerons de faire une synthèse sur le peuplement de la Basse-Casamance basée sur le recoupement de diverses sources (historiques, anthropologiques, géographiques) qui ont abordé cette question, en rapport surtout avec les systèmes agraires. Notre analyse portera également sur la dynamique de la population et la diversité ethnique qui font de la Basse- Casamance, en dépit de la prédominance des Diola, l’une des régions les plus cosmopolites du Sénégal.

1 - Le peuplement de la Basse-Casamance

Les Diola, comme la plupart des sociétés orales africaines, ne parlent de leur origine qu’à travers le mythe. L’un de ces mythes est leur parenté avec l’ethnie sereer du Sine-Saloum. Certains auteurs (Maclaud, 1907a et 1907b ; Thomas, 1959, 1960a et 1960b, Pélissier, 1958 et 1966 ; Linares, 1971 ; Cormier-Salem, 1992) ont essayé d’interpréter ce mythe. Ils ont mentionné que, durant les XVIème et XVIIème siècles, les Manding constituaient la population dominante à l’est

de la Casamance et les Baïnounk à l’ouest. L’aire du peuplement diola était alors limitée au littoral et à la rive sud du fleuve. Cormier-Salem (1992) souligne que, durant cette période, deux mouvements de population se seraient succédés en Basse-Casamance. Le premier, peu nombreux, était constitué d’agriculteurs itinérants originaires de l’est. Le second serait, quant à lui, venu du sud durant l’âge de fer. Cette vague de population se serait sédentarisée dans cette zone où elle exploitait le milieu aquatique en aménageant des rizières dans les zones inondables. La diversification des activités et l’acquisition de techniques d’exploitation plus intensives du milieu, tel le fer, seraient à l’origine d’un accroissement de la population et d’une extension des rizières (Cormier-Salem, 1992). C’est à partir de ces premières aires de peuplement que ces populations auraient progressivement étendu leur aire d’implantation aux deux rives de la Casamance. C’est cette seconde vague de peuplement qui serait assimilée à l’arrivée des ancêtres

1Nous précisions qu’il existe une tradition orale en pays diola mais pas de la même manière qu’en société wolof ou manding

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des Diola parce que leur adaptation au milieu estuarien et leurs affinités avec les Balante et les Manjacque justifieraient l’hypothèse de leur origine côtière et non terrienne. Cette hypothèse semble être confirmée par certaines sources et traditions orales qui mentionnent que les Diola appartiennent aux peuples de la Sénégambie méridionale, eux-mêmes relevant des peuples des "Rivières du Sud" dont l’origine serait la vallée du Nil (Linares, 1971 ; Hanin, 1933). C’est sous les différentes pulsions historiques qu’ils seraient descendus jusqu’à l’aire géographique qu’ils occupent actuellement.

D’autres sources soutiennent que les Diola auraient vécu plus à l’est durant la période des grands empires ouest-africains à l’image de l’empire du Mali dont le prolongement vers l’ouest a été matérialisé par le royaume du Gabou créé par Tiramagan Traoré, lieutenant dissident de Soundjata (Roche, 1985 ; Ngaïde, 2009).

Une autre tentative d’explication de l’origine des Diola fait référence à leurs cousins sereer. Il n’est pas rare de retrouver dans la littérature (Maclaud, 1907 ; Hanin, 1933 ; Thomas, 1959 ; Smith, 2010) la connexion entre Diola et Sereer quant à leur origine, à travers l’histoire des différents mouvements de population en Afrique de l’Ouest. Basée pour l’essentiel sur les sources orales traditionnelles, cette littérature mentionne que les Diola et les Sereer ont une origine commune à travers la légende Aguene – Diambogne, devenue, selon Smith (2010), une métaphore de la nation sénégalaise et de son destin récent. Hanin (1933) précise à ce propos que la première famille dont la tradition ait gardé le souvenir, cellule-mère des communautés diola et sereer, aurait tenté de descendre la Gambie en pirogue, recherchant sur les rives du grand fleuve un point favorable pour les cultures. La pirogue aurait été brisée sous les coups d’une violente tempête, et au moment où elle allait sombrer, les génies des eaux en soutinrent les épaves et les poussèrent vers les bords. A l’arrière du canot se trouvait une jeune femme, Diambogne, et à l’avant, sa sœur Aguene. Ces deux jeunes femmes jumelles furent respectivement jetées sur les rives nord et sud de la Gambie. Les deux jeunes femmes naufragées et leurs compagnons formèrent les souches sereer et diola. A partir de ce moment, les Diola s’établirent dans la région des marigots avoisinant l’embouchure du fleuve Casamance, et, de là, refoulèrent les Baïnounk vers l’intérieur des terres. Les nouveaux occupants constituèrent deux rameaux principaux : les

Jamaat et les Kassa, les premiers fixés dans la région septentrionale, sur la rive droite du fleuve,

les seconds sur la rive gauche.

Pélissier (1966) faisait observer, dans son analyse sur les modalités de la mise en place ou au moins l’ancienneté relative des principales zones de peuplement de la Basse-Casamance, que le

Flup et la zone de Bandial constituent le berceau du groupe des Diola. Pour lui, c’est à partir de

cette zone originelle que les Diola rejoignent la rive nord du fleuve Casamance en direction des îles Blis et Karone (actuelle zone de Kafountine et environs insulaires), et le long des marigots

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de Bignona et de Baïla, peuplant ainsi l’actuel département de Bignona jusqu’aux confins de l’actuelle République de Gambie au nord et du Soungrougrou à l’est. Cette migration vers le nord et l’est aurait été dictée par le souci d’acquérir plus de terres inondables et fertiles.

Malgré ces multiples versions et les contradictions que l’on peut relever dans la littérature sur l’origine des Diola, on note une unanimité des récits sur la recherche de terres propices à l’agriculture, notamment la riziculture. Cette approche est en conformité avec les propositions de la plupart des auteurs qui ont étudié la Casamance. C’est sans doute pour ces raisons que les travaux sur les sociétés de la côte occidentale de l’Afrique de l’Ouest s’accordent à placer les populations de Basse-Casamance, notamment les Diola, dans le groupe des peuples des "Rivières du Sud" ; cette région étant considérée comme la plus riche en rizières de toute l’Afrique occidentale (Gourou, 1984 ; Cormier-Salem, 1992 et 1999). On retrouve dans ces peuples, les Baïnounk, les Manjacque, les Balante, les Baga et les Kissi de la République de Guinée et les Temne de la Sierra-Léone (Fig. 2).

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La principale caractéristique des populations des Rivières du Sud, que partagent les Diola, est la pratique de la riziculture inondée considérée comme leur spécialité. La ressemblance de ces peuples avec les Diola tiendrait aussi à leurs modes de conquête de nouvelles rizières, leurs méthodes culturales tant pour le riz que pour les autres céréales, leurs techniques de fumigation et de lutte contre les maladies phytosanitaires et la forme de construction de leurs digues anti-sel ou de retenues des eaux (Cormier-Salem, 1999 ; Diédhiou, 2001). Avec des instruments semblables, ils ont su élaborer des techniques d’aménagement efficaces (Diédhiou, 2001). La similitude de ces peuples sur le plan morphologique, de l’organisation sociale et de la culture est remarquable (Gourou, 1984 ; Diédhiou, 2001 ; Cormier-Salem, 1999). En effet, ces populations littorales partagent de nombreux traits sociaux, culturels et économiques et relèvent toutes du groupe des langues ouest-atlantiques et des plus anciennes populations du Sénégal comme les Sereer (Pélissier, 1966 ; Cormier-Salem, 1999). La famille et la religion du terroir font partie des éléments qui constituent les principaux ciments de ces sociétés égalitaires2, sans structure hiérarchisée ou castes. La riziculture, associée à divers usages de la mangrove (pêche, cueillette des huîtres, ramassage des coquillages, récolte du sel, etc.), constitue le fondement de leur civilisation. L’identité régionale est produite par la forte interrelation entre les marais à mangrove et les populations. Ce système, à la fois écologique et social, trouve son expression la plus originale dans la riziculture de mangrove. Les mangroves endiguées, défrichées et dessalées sont converties en rizières au prix d’un travail accumulé sur plusieurs générations. Pour Cormier- Salem (1999), de tels aménagements rizicoles n’ont guère d’équivalent dans d’autres régions littorales ouest-africaines ni même dans d’autres régions du monde. Cette analyse sur le peuplement et l’environnement des établissements humains des peuples des "Rivières du Sud" parmi lesquels les Diola, semble donc privilégier la thèse selon laquelle ces derniers constituent un rameau de ces vieilles civilisations agraires littorales, profondément attachées à leur milieu et particulièrement à la riziculture. Cormier-Salem (1999) précise qu’à l’aube des grandes

découvertes, l’aire de répartition des riziculteurs littoraux (Diola, Balante, Baga, etc.) est étroitement inféodée à la présence de forêts de mangrove, en front de mer, le long des estuaires, rias et chenaux de marée. Ces groupes, qui relèvent tous de la branche nord des langues ouest- atlantiques, constituent le peuplement majoritaire de la région comprise entre la Gambie et le Rio Kogon. Jusqu’au XVème siècle, ils ont joué incontestablement un rôle économique et politique de

premier plan et, par leur situation, ils ont sans doute contribué à freiner la progression du groupe mande (en particulier des Manding et des Soussou) vers le littoral.

2 Le terme égalitaire est employé ici au sens où il n’existait pas chez les Diola de Basse-Casamance une structure politique sous la tutelle de laquelle ils vivaient. Nous sommes conscients des limites de ce terme. Par exemple, l’accès au foncier, du moins sa gestion, relève presqu’exclusivement des hommes.

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En dépit de la faiblesse de sources et malgré les controverses, différents travaux permettent

d’établir l’existence, depuis de nombreux siècles (sources précoloniales, coloniales, amas

coquillers…), de communautés vivant sur les littoraux ouest-africains. L’ancienneté de ces