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Chapitre III : Vieillissement musculaire

III. Perturbations mitochondriales et accumulation lipidique intramusculaire

costamères, et assure la protection des fibres musculaires contre les dommages liés à la contraction (Bloch & Gonzalez-Serratos, 2003). Ainsi, une diminution de cette force peut contribuer à l’augmentation des blessures et à une guérison plus lente chez les personnes âgées. Tout ceci suggère que les changements de la matrice extracellulaire des muscles squelettiques contribuent à la détérioration de la fonction musculaire lors du vieillissement, mais la contribution relative de ces différents changements est actuellement difficile à identifier.

III. Perturbations mitochondriales et accumulation lipidique

intramusculaire lors du vieillissement

1. Mitochondries et vieillissement musculaire

Avec l’âge, il se produit une altération de la fonction mitochondriale ayant diverses conséquences, et notamment une diminution de la production énergétique, pouvant être associée à l’atrophie musculaire. En effet, des modifications biochimiques et bioénergétiques, associées à des changements de la dynamique mitochondriale, apparaissent lors du vieillissement (Peterson et al, 2012).

a- Changements biochimiques

Le vieillissement musculaire est associé à une augmentation de la production de ROS

par la mitochondrie, incluant l’anion peroxyde O2•- et le peroxyde d’hydrogène H2O2 (Hutter

et al, 2007). Ces derniers peuvent alors causer des dommages oxydatifs au niveau des structures environnantes, mais aussi au niveau de l’ADN mitochondriale, qui est à proximité du site de production des ROS. L’oxydation causée par les ROS conduit par la suite à l’apparition de protéines défectueuses, de lipides oxydés et de mutations de l’ADN mitochondriale (ADNmt), ce qui peut induire de nombreux dysfonctionnements cellulaires et mitochondriaux. Ces processus sont impliqués dans la théorie mitochondriale du vieillissement, qui soutient que l’accumulation des dommages causés par les ROS au fil du temps conduit à des altérations mitochondriales liées au vieillissement (Harman, 2006). L’accumulation de ces dommages oxydatifs peut être attribuée à une réduction de l’activité de

la chaîne de transfert des électrons, où ces derniers resteront plus longtemps au niveau des complexes I et III, augmentant ainsi la possibilité de donner des électrons à l’oxygène (Kushnareva et al, 2002). Cependant, il existe des enzymes dites « anti-oxydantes » capables d’éliminer ces ROS et de réduire l’état oxydé de la cellule, permettant de prévenir ces déficits liés à l’âge (Figure 29) (Lee et al, 2010 ; Johannsen & Ravussin, 2010).

En plus de l’augmentation de la production de ROS, le vieillissement est également associé à des altérations du contenu et de l’intégrité de l’ADNmt. Dans le muscle, plusieurs études ont montré une diminution du nombre de copies d’ADNmt (Lanza et al, 2008; Short et al, 2005 ; Welle et al, 2003 ), qui est accompagnée d’une augmentation de lésions de l’ADN. Une étude a montré que les délétions affectent plus de 70 % des molécules d’ADNmt dans le muscle squelettique de personnes âgées de plus de 80 ans (Chabi et al, 2005). L’impact fonctionnel de ces lésions est-il une conséquence ou la cause du vieillissement ? Cette question est encore largement débattue (Hiona & Leeuwenburgh, 2008). En effet, alors que certains ont montré qu’une diminution de la production énergétique mitochondriale se produit avant l’apparition de mutations de l’ADNmt (Conley et al, 2007), d’autres ont observé une corrélation forte entre le taux de mutations de l’ADNmt et l’atrophie des fibres musculaire ou une déficience bioénergétique (Bua et al, 2006; Wanagat et al, 2001 ). De plus, des travaux ont mis en évidence que des souris transgéniques, ayant un fort taux de mutations dans leur ADNmt, ont une quantité élevée de mitochondries anormales, un vieillissement prématuré, une sarcopénie sévère et une courte durée de vie (Hiona et al, 2010; Trifunovic et al, 2004 ).

Au niveau protéique, les résultats sont assez controversés. L’expression des protéines impliquées dans la glycolyse semble être inchangée ou diminuée avec l’âge, ce qui est en accord avec le shift du métabolisme glycolytique vers un métabolisme plus oxydatif observé chez la personne âgée (Gelfi et al, 2006). Cependant, les données obtenues sur l’expression des protéines impliquées dans le cycle de Krebs divergent et plusieurs auteurs ont montré une diminution de l’expression de ces protéines (Lanza et al, 2008 ; Picard et al, 2010; Piec et al, 2005 ; Short et al, 2005 ).

b- Changements bioénergétiques

Lorsque l’activité physique n’est pas prise en compte dans les critères de sélections des sujets, une diminution de l’activité enzymatique mitochondriale est observée lors du vieillissement. En effet, plusieurs études ont montré une diminution de l’activité des

Figure 29: Altérations liées au vieillissement des mitochondries dans des muscles squelettiques de souris jeunes et âgées, et impact de la surexpression d’une enzyme anti-oxydante la catalase

anti oxydante, la catalase.

complexes I et IV de la chaîne respiratoire (Figure 30) (Boffoli et al, 1994 ; Chabi et al, 2005 ; Crane et al, 2010). L’activité des enzymes impliquées dans le cycle de Krebs et la glycolyse est, elle, beaucoup plus discutée. Ceci peut être expliqué par l’impact différentiel du vieillissement en fonction du type du muscle étudié. En effet, les muscles lents ont une activité enzymatique mitochondriale plus affectée que les muscles rapides (Houmard et al, 1998). De plus, les différentes techniques d’isolation des mitochondries ou de normalisation des activités enzymatiques rendent difficile la comparaison entre ces études.

Ces changements enzymatiques peuvent, à leur tour, altérer la respiration

mitochondriale ainsi que le flux d’ATP. En 2005, Short et al. ont mis en évidence une

diminution d’environ 5 % tous les 10 ans de la capacité maximal de synthèse d’ATP par les mitochondries de muscles squelettiques (Short et al, 2005). De plus, chez la personne âgée, il a été observé une baisse de 50 % de la capacité oxydative par volume de muscle et une réduction de 30 % par volume de mitochondrie (Conley et al, 2000). Cependant, la plupart des altérations de la fonction mitochondriale liées au vieillissement semblent, en réalité, le résultat de l’inactivité physique. En effet, plusieurs études n’ont montré aucun changement de l’activité enzymatique mitochondriale, de la respiration ou du flux d’ATP lorsque les personnes âgées ont le même niveau d’activité physique que les personnes jeunes avec lesquelles elles ont été comparées (Lanza et al, 2008 ; Larsen et al, 2012; Safdar et al, 2010 ).

c- Changements de la dynamique mitochondriale

Une diminution de la biogenèse mitochondriale suggérée par la baisse de la densité de mitochondrie est observée lors du vieillissement du muscle squelettique (Conley et al, 2000 ;

Crane et al, 2010). Un des principaux régulateurs de la biogenèse mitochondriale est PGC-1α

(Peroxisome proliferator-activated receptor Gamma Coactivator alpha). Une surexpression de cette protéine dans des muscles squelettiques de souris augmente la capacité oxydative, supprime la dégradation mitochondriale et prévient l’atrophie musculaire (Wenz et al, 2009).

Ainsi, il est tout à fait envisageable que la diminution des niveaux protéiques de PGC-1α,

observée lors du vieillissement, soit une des causes pouvant expliquer la chute de la biogenèse mitochondriale (Conley et al, 2007 ; Zechner et al, 2010). La baisse de la densité de mitochondrie est également associée à des altérations des processus de fission et de fusion mitochondriales dans les muscles âgés (O'Connell & Ohlendieck, 2009). Ceci peut alors avoir pour conséquence une altération de l’intégrité de l’ADNmt, de la fonction respiratoire, de la

Figure 30:Conséquences de l’altération de l’activité des complexes I, III et IV de la chaîne respiratoire mitochondriale lors du vieillissement.

D’après:Hiona & Leeuwenburgh 2008

production de ROS et de la sénescence cellulaire (Figure 31) (Lee et al, 2007 ; Marzetti et al, 2013).

Avec l’âge, le turnover mitochondrial est altéré (Calvani et al, 2013; Vina et al, 2009 ). Dans des conditions normales, la mitochondrie est dégradée par l’autophagie lysosomale, aussi appelée mitophagie (Wang & Klionsky, 2011). Lors du vieillissement, une diminution de l’autophagie a été observée dans des muscles squelettiques de rats âgés (Wohlgemuth et al, 2010). Les conséquences liées à cette baisse sont peu connues mais, comme la mitophagie est négativement corrélée à l’apoptose et aux dommages oxydatifs (Wohlgemuth et al, 2010), une réduction du flux autophagique peut contribuer à l’apparition de dysfonctions musculaires. De plus, un deuxième système va permettre de moduler le contrôle de la qualité et la dégradation mitochondriale, le système ubiquitine protéasome-dépendant ou UPS (en anglais, Ubiquitin-Proteasome System). Une altération de l’activité de ce dernier, observée lors du vieillissement, peut alors également contribuer à l’atrophie musculaire (Combaret et al, 2009 ; Strucksberg et al, 2010).

2. Accumulation de gouttelettes lipidiques intramyocellulaires et résistance à l’insuline

Plusieurs études ont mis en évidence une augmentation du contenu en lipides intramyocellulaires, stockés sous forme de gouttelettes lipidiques, dans le muscle squelettique lors du vieillissement (Crane et al, 2010; Cree et al, 2004 ; Petersen et al, 2003 ). Les mesures du contenu en triglycérides musculaires à partir de biopsies (Pan et al, 1997) ou par résonnance magnétique nucléaire (RMN) (Perseghin et al, 1999) ont montré une forte corrélation entre l’augmentation de la quantité de lipides intramyocellulaires et la résistance à l’insuline dans le muscle.

L’apparition de ces deux phénomènes lors du vieillissement peut être associée à l’atrophie musculaire. En effet, en plus de son rôle majeur dans l’homéostasie du glucose, l’insuline est également connue pour avoir une action anti-protéolytique et pour stimuler la synthèse protéique au niveau musculaire (Guillet & Boirie, 2005 ; Wilkes et al, 2009). Ainsi, l’insulino-résistance peut être considérée comme contribuant à la perte musculaire lors du vieillissement. En parallèle, les gouttelettes lipidiques, elles-mêmes, peuvent participer à la perte de masse du muscle squelettique. En effet, une étude a montré que l’expression d’une protéine associée aux LDs, la périlipine 2, était augmentée lors du vieillissement (Conte et al,

Figure 31: Scénario possible des altérations mitochondriales pouvant conduire à l’atrophie musculaire lors du vieillissement. Un déséquilibre de la dynamique mitochondriale conduit à une hyperfusion qui est associée à l’apparition de mitochondries géantes, caractérisées par une altération de la morphologie, une réduction de l’efficacité bioénergétique et une augmentation de la production de ROS. Une augmentation de lipofuscine dans les lysosomes contribue à des altérations de la voie lysosomale. Les ROS générés induisent également des altérations des structures environnantes, et notamment des lésions de l’ADN, pouvant perturber l’activité du système ubiquine-protéasome. De plus, une hyperfission peut conduire à une désintégration du réseau mitochondrial et à l’activation de la mitophagie. La génération de ROS par les fragments de mitochondries augmente potentiellement la fission, stimulant la dégradation des protéines musculaires et l’apoptose.

2013). Cette protéine est essentielle pour le stockage des lipides dans le muscle squelettique, mais son expression est inversement corrélée à la masse et à la force musculaire (Conte et al, 2013). Ainsi, la surexpression de cette protéine dans le muscle de personnes âgées peut contribuer à l’apparition de la sarcopénie.

De plus, l’augmentation de l’accumulation lipidique et l’apparition de la résistance à l’insuline semblent également associées aux perturbations du fonctionnement mitochondrial (Shulman, 2000). En effet, une étude a montré que, chez les personnes âgées, ces gouttelettes lipidiques ont une taille plus importante et sont moins fréquemment co-localisées avec les mitochondries dans le muscle squelettique (Crane et al, 2010). Ainsi, cette accumulation élevée de gouttelettes semble être associée à une réduction liée à l’âge de l’oxydation mitochondriale, conduisant à une augmentation de métabolites d’acides gras intracellulaires (diacylglycérol, fatty acyl Coenzyme A, céramides) qui vont perturber la signalisation de l’insuline (Lowell & Shulman, 2005; Petersen et al, 2003 ). En effet, une concentration élevée de ces métabolites peut induire l’activation d’enzymes à activité sérine/thréonine kinase, menant à des défauts dans la voie de signalisation de l’insuline dans le muscle, mais aussi dans le foie (Chow et al, 2010). Il en résulte, alors, une réduction de l’activité de transport de glucose stimulée par l’insuline, et une diminution de la synthèse de glycogène musculaire (Figure 32).

Ainsi, en plus de ses conséquences sur la perte musculaire, la résistance à l’insuline est aussi un des composants principal du syndrome métabolique, qui est un facteur de risque important pour l’apparition de maladies cardiovasculaires et du diabète de type II.