• Aucun résultat trouvé

Chapitre III : Vieillissement musculaire

II. Conséquence du vieillissement sur la structure et la fonction du muscle

1. Modification de la composition et de la structure des fibres musculaires

penser que le calcul de la masse musculaire relative conduit à une meilleure estimation de la sarcopénie chez les personnes ayant un indice de masse corporelle « anormal ».

4. Vieillissement musculaire ou sarcopénie?

Le vieillissement musculaire est caractérisé par une perte de masse et de force musculaire. Cependant, l’association de ces deux paramètres pour définir la sarcopénie ne fait pas l’unanimité et certains auteurs préfèrent qualifier la perte de force musculaire liée à l’âge de « dynapénie » (Clark & Manini, 2008 ; Mitchell et al, 2012). En effet, les partisans de la conception classique de la sarcopénie considèrent que les altérations de la force et de l’endurance musculaire sont uniquement imputables à l’atrophie musculaire. Néanmoins, cette conception omet la diminution avec l’âge de la force spécifique (c’est-à-dire la force développée par rapport à la surface du muscle) qui souligne des altérations contractiles avec l’âge totalement indépendantes de l’atrophie musculaire : altération du contrôle neuronal, troubles cognitifs, perturbations du système cardiovasculaire et articulaire (Doherty, 2003).

Ainsi, de meilleures connaissances sur les conséquences cliniques de la sarcopénie et l’établissement de seuils de diagnostics aideraient à régler définitivement le débat. Etant donné le manque d’une définition claire et précise, et afin de s’affranchir des divergences autour de la sarcopénie dans la littérature, au cours de cette thèse, nous parlerons de « vieillissement musculaire » et non de « sarcopénie ».

II. Conséquence du vieillissement sur la structure et la fonction du

muscle squelettique

1. Modification de la composition et de la structure des fibres musculaires

a- Controverse sur la proportion des différents types de fibres musculaires

Le vieillissement conduit à d’importants changements de la structure et de la composition des fibres musculaires squelettiques. Au début des années 1980, Jan Lexell a

décrit ces changements suite à des analyses post-mortem du muscle vastus lateralis de

vieillissement était associé à une diminution de l’aire occupée par le muscle (- 18 %) et du nombre total de fibres musculaires (- 25 %) (Lexell et al, 1983 ; Lexell et al, 1988).

Cependant, dans le muscle vastus lateralis, aucune différence significative dans la proportion

des différents types de fibres n’a été observée. Ce résultat reste néanmoins controversé dans la littérature. En effet, alors que certains auteurs n’observent pas ou peu de changement dans la proportion des différents types de fibres (D'Antona et al, 2003 ; Klitgaard et al, 1990 ; Kosek et al, 2006; Lexell & Taylor, 1991 ; Lexell et al, 1988 ), d’autres montrent une augmentation significative des fibres de type I (Dreyer et al, 2006 ; Poggi et al, 1987 ; Verdijk et al, 2007), ou une diminution significative des fibres de type II (Dreyer et al, 2006 ; Nilwik et al, 2013; Verdijk et al, 2007 ).

Ces différences peuvent être expliquées par la grande diversité inter-individuelle mais aussi par la variabilité de la composition du muscle en fonction de la région biopsiée (Lexell & Taylor, 1991). De plus, dans leur revue, Narici et Maffulli expliquent que lors du vieillissement, une perte à la fois des fibres de type I et des fibres de type II survient mais à des temps différents (Narici & Maffulli, 2010). Alors qu’il y aurait une perte préférentielle des fibres de type II jusqu’à 70-80 ans, une chute du nombre de fibres de type I se produit par la suite, créant une nouvelle « balance ». Ceci suggère alors que la proportion des fibres de type I et de type II devient similaire chez les personnes âgées de plus de 85 ans (Andersen, 2003 ; Narici & Maffulli, 2010).

b- Unités motrices et fibres hybrides

Le vieillissement est associé à une diminution du nombre de motoneurones α (Doherty

& Brown, 1993), ce qui a pour conséquence une perte d’unités motrices dans les muscles des personnes âgées (Campbell et al, 1973 ; McNeil et al, 2005; Vandervoort, 2002 ). Campbell a rapporté que le nombre d’unités motrices reste relativement constant jusqu’à l’âge de 60 ans, puis chute rapidement à un taux de 3 % par an, ce qui correspond à une perte de 60 % à l’âge de 80 ans (Campbell et al, 1973). Cependant, des fibres musculaires dites « orphelines » sont

souvent ré-innervées par une des unités motrices existantes via des bourgeonnements

collatéraux (Roos et al, 1997). Outre la réduction du nombre, lors du vieillissement, chaque motoneurone innerve plus de fibres musculaires que dans un muscle jeune, les unités motrices deviennent ainsi beaucoup plus large (Stalberg et al, 1989). Toutes ces altérations dans le remodelage des unités motrices, c’est-à-dire dans les processus de dénervation/réinnervation,

34   

semblent conduire à un regroupement des fibres musculaires en fonction de leur type (Lexell & Downham, 1991). Cette dénervation semble affecter préférentiellement les fibres de type II,

et elle est suivie d’une ré-innervation via le bourgeonnement collatéral d’unités motrices

voisines normalement associées à des fibres de type I (Andersen, 2003; Roos et al, 1997 ; Vandervoort, 2002 ). Ce phénomène peut ainsi conduire à des déficiences dans le contrôle moteur et dans la production de la force.

La dénervation/réinnervation des fibres de type II dans les muscles squelettiques âgés, a également été impliquée dans l’augmentation de la proportion des fibres hybrides co-exprimant deux ou trois types de MHC (Andersen et al, 1999; Roos et al, 1997 ). Dans des

études réalisées à partir de biopsies du muscle vastus lateralis de personnes âgées (73 ans) et

très âgées (88 ans), le nombre de fibres co-exprimant deux types de MHC, en particulier les fibres de type I-IIA, serait fortement élevé par rapport au nombre de fibres hybrides présentes dans des muscles de personnes jeunes (Andersen et al, 1999 ; D'Antona et al, 2003). Cependant, ce résultat est assez controversé dans la littérature (Larsson et al, 1997), et il semble être dépendant de la technique utilisée pour effectuer le typage contractile du muscle. En effet, pour un même échantillon, les techniques d’histochimie (marquage de l’activité ATPase), d’immunohistologie (marquage des différentes isoformes de MHC) et d’électrophorèse sur fibres isolées n’indiquent pas la même proportion de fibres hybrides (Andersen, 2003; Pette et al, 1999 ; Serrano et al, 2001 ). Ceci pourrait être expliqué par une répartition des différentes isoformes de MHC pouvant être soit uniforme, soit hétérogène tout au long de la fibre musculaire (Staron & Pette, 1987). Dans sa revue, Andersen explique que chaque noyau d’une fibre musculaire contrôle un domaine où les ARNm transcrits sont traduits en protéines et incorporés localement dans ce domaine (Andersen, 2003). En condition « normale », une coordination stricte entre les noyaux permet d’assurer qu’une fibre de type I reste une fibre de type I et qu’une fibre de type II reste une fibre de type II. Or, si cette coordination est altérée, un noyau pourra probablement produire et incorporer dans son domaine nucléaire, une isoforme de MHC qui différera de celles présentes dans le reste de la fibre (Andersen, 2003). Ainsi, il devient assez facile de comprendre pourquoi les techniques d’histochimie et d’immunohistologie, réalisées sur des coupes transversales d’environ 10 µm d’épaisseur, ne permettent pas une quantification précise des fibres hybrides, contrairement à la technique d’électrophorèse sur fibres isolées (Figure 25).

A B

Figure 25: Marquage ATPase de fibres musculaires longitudinales provenant de personnes âgées (> 85 ans). Les schémas ci-dessus montrent la répartition de

l’expression des ARNm des isoformes I et II des MHC.A:La fibre musculaire subit

un changement de phénotype qui se propage le long de la fibre. B: Exemple de

marquage montrant un changement de l’expression des isoformes de MHC au niveau marquage montrant un changement de l expression des isoformes de MHC au niveau d’un domaine nucléaire.

35   

Ainsi, il est tout à fait envisageable que chez les personnes âgées, la coordination entre les noyaux soit altérée, conduisant à une augmentation de la proportion de fibres hybrides, uniquement observée via la technique d’électrophorèse sur fibres isolées (Andersen, 2003; Andersen et al, 1999 ; D'Antona et al, 2003 ).

c- Atrophie des fibres de type II

Contrairement à la proportion des fibres musculaires, un consensus est admis dans la littérature concernant l’aire des fibres musculaires. En effet, de nombreuses études ont mis en évidence une diminution significative de l’aire des fibres de type II lors du vieillissement (Dreyer et al, 2006 ; Hakkinen et al, 2001 ; Klitgaard et al, 1990 ; Larsson et al, 1997 ; Lexell & Taylor, 1991 ; Lexell et al, 1988 ; Verdijk et al, 2007), alors que l’aire des fibres de type I est peu affectée (Dreyer et al, 2006 ; Klitgaard et al, 1990 ; Lexell & Taylor, 1991 ; Verdijk et al, 2007) (Figue 26). Les conséquences de cette atrophie spécifique des fibres de type II restent encore à approfondir. Récemment, une étude a montré que la perte de masse musculaire squelettique, observée chez les personnes âgées, semble être attribuée à une atrophie de ces fibres (Nilwik et al, 2013). En parallèle, les auteurs décrivent également que l’augmentation de la masse musculaire, observée chez les personnes âgées soumises à un entraînement physique, est la conséquence d’une hypertrophie des fibres de type II (Verdijk et al, 2009). Ces observations mettent alors en évidence l’importance et le rôle essentiel de ces fibres dans le vieillissement musculaire.

d- Déformation des fibres musculaires

Deux indices ont été utilisé dans la littérature pour quantifier la déformation des fibres

musculaires : la circularité, qui est égale à 4π x aire / périmètre2, et le facteur de forme SF (en

anglais, Shape Factor), qui est la réciproque inverse de la circularité et qui est égal au

périmètre2 / 4π x aire (Bruusgaard et al, 2006 ; Kirkeby & Garbarsch, 2000 ; Verdijk et al,

2007). Un SF égale à 1 correspond à une fibre parfaitement ronde, plus ce facteur est augmenté, plus la fibre sera déformée. Un changement de la forme des fibres musculaires est très souvent associé à des processus neuropathiques comme une dénervation chronique. Ainsi, chez les personnes âgées, suite à une perte de motoneurones, les fibres deviennent atrophiques et prennent une forme dite « angulaire ». Bien que peu d’études se soient intéressées à l’apparition ces fibres angulaires lors du vieillissement, il semble que les fibres de type II

A B

Figure 26: Marquages immunohistologiques de coupes transversales de fibres

l i d bi i d l l l d j

musculaires provenant de biopsies du muscle vastus lateralis de personnes jeunes

(A) et âgées (B). Les marquages immunohistologiques des MHC-I (rouge) et de la

laminine (gris) permettent de mettre en évidence la diminution de l’aire des fibres de type II lors du vieillissement.

36   

soient plus affectées par ces changements que les fibres de type I (Figure 27) (Andersen, 2003; Kirkeby & Garbarsch, 2000 ).