Partie V Influence de la cristallisation sur les propri´ et´ es m´ ecaniques ` a haute tem-
3.2 Perturbation de l’´ ecoulement par les nanocristaux
Nous avons d´ej`a not´e que l’´ecoulement de la matrice amorphe ´etait fortement perturb´e par la
pr´esence des nanocristaux. On a remarqu´e, en effet, que la transition entre le r´egime Newtonien et le
r´egime non Newtonien pouvait ˆetre fortement d´ecal´ee vers des vitesses de d´eformation plus faibles. On
peut donc s’attendre `a ce que l’influence de la temp´erature sur la d´eformation en r´egime Newtonien
soit ´egalement perturb´ee par la pr´esence des nanocristaux.
3.2.1 Effet d’Interface
Etant donn´e la grande quantit´e d’interfaces due `a la taille nanom´etrique des cristaux, il est
pos-sible qu’une partie non n´egligeable de la phase amorphe soit perturb´ee par la proximit´e des
cris-taux. Dans ce cas, la phase amorphe pourrait ˆetre s´epar´ee en plusieurs contributions et on aurait
Fvamorphe = Fvperturbe+Fvlibre o`u Fvamorphe est la fraction volumique de phase amorphe, Fvperturbe est
la fraction volumique de phase amorphe perturb´ee par la proximit´e d’un cristal et Flibre
v la fraction
restante non perturb´ee. La fraction perturb´ee peut donc ˆetre calcul´ee si on consid`ere qu’il s’agit d’une
couche d’´epaisseur e autour des cristaux. Cette couche amorphe `a ´ecoulement perturb´e pourrait
per-mettre de mod´eliser `a la fois la valeur du renforcement trop important et l’´energie d’activation trop
faible. En effet, la viscosit´e de cette interface perturb´ee est sup´erieure `a celle de l’amorphe libre
per-mettant d’expliquer un effet de renforcement suppl´ementaire comme c’est le cas dans les polym`eres
o`u un rayon de giration est souvent d´efinit pour rendre compte d’un renforcement suppl´ementaire par
rapport aux mod`eles composites classiques. De plus, la proximit´e du cristal ayant une sensibilit´e `a la
122
3. Discussion
temp´erature plus faible pourrait justifier une sensibilit´e `a la temp´erature ´egalement plus faible dans ces
zones perturb´ee autour des cristaux.
La figure V.10.a repr´esente l’´evolution de la fraction volumique de phase amorphe en fonction de la
fraction volumique de cristaux ; la fraction volumique totale de phase amorphe ainsi que les fractions
volumiques perturb´ees pour diff´erentes ´epaisseurs d’interfaces sont repr´esent´ees (le diam`etre des cristaux
est fix´e `a une valeur de 30nm). Etant donn´e la petite taille des cristaux, on se rend compte que la fraction
de phase amorphe `a l’interface peut rapidement ˆetre importante malgr´e des ´epaisseurs d’interface faibles
et on peut donc rapidement avoir une proportion importante d’amorphe perturb´e par la proximit´e des
cristaux. On a par exemple indiqu´e sur le graphique le point particulier correspondant `a 17 % de
cristaux ; dans le cas o`u l’´epaisseur de l’interface est de 5 nm, la fraction de phase amorphe contrainte `a
l’interface des cristaux est de 23 % soit environ un quart de la matrice amorphe r´esiduelle, ce qui peut
notablement influer sur les propri´et´es m´ecaniques macroscopiques.
3.2.2 Taille des canaux d’´ecoulement
Cette approche expliquant le renforcement et la baisse de l’´energie d’activation par une interface
amorphe bloqu´ee ne s’av`ere pas en mesure d’expliquer pourquoi le r´egime non Newtonien est autant
favoris´e par l’insertion de cristaux dans la matrice amorphe.
Dans le cadre du chapitre II, nous avons utilis´e un programme pour simuler les microstructures produites
en respectant la distribution de taille des cristaux dans le but d’en d´eduire une fraction maximale de
cristaux (voir annexe B). Ces diff´erentes microstructures nous ont permis de mesurer l’´evolution de
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
0 10 20 30 40 50
fraction volumique de cristaux (%)
fraction volumique amorphe (%)
_
Fraction totale de matrice amorphefractions amorphe perturbées à l'interface épaisseur = 5 nm epaisseur = 3 nm Fraction contrainte = 23 % 83 % 17 % fraction libre = 60 %
(a)
0
0.5
1
1.5
2
2.5
3
3.5
0 10 20 30 40 50
fraction cristaux (%)
distance moyenne / diamètre moyen
37 %
(b)
Fig. V.10 :(a) : Evolution de la fraction volumique de phase amorphe et de la fraction volumique de phase
per-turb´ee en fonction de la fraction volumique de cristaux. Diff´erentes ´epaisseurs d’interfaces perturb´ees
sont repr´esent´ees et la taille des cristaux est prise constante de diam`etre 30 nm. (b) : Evolution de
la taille moyenne des canaux d’´ecoulement entre les cristaux normalis´ee par la taille des cristaux,
en fonction de la fraction volumique de cristaux.
la taille des canaux entre les cristallites pour diff´erentes fractions volumiques de cristaux. La taille
moyenne de ces canaux normalis´ee par le diam`etre moyen des particules est repr´esent´ee figure V.10.b
en fonction de la fraction volumique de cristaux. On se rend compte que, d`es 10 % de cristaux, la
taille moyenne des canaux d’´ecoulement est de l’ordre de 3 diam`etres cristallins soit moins de 100 nm
pour les ´echantillons cristallis´es `a 410˚C. Pour des fractions volumiques d’environ 40 %, cette distance
moyenne descend mˆeme `a un diam`etre cristallin. Ces distances de l’ordre de la dizaine de nanom`etres
ont certainement un rˆole dans les perturbations de l’´ecoulement observ´ees avec l’augmentation de la
fraction volumique de cristaux.
3.3 Bilan
Il semble donc que l’effet de la modification de composition de la matrice amorphe au cours de la
cristallisation puisse ˆetre n´eglig´e et que les effets observ´es soient plutˆot li´es `a la taille nanom´etrique des
cristaux. Cette petite taille a deux cons´equences qui ne sont pas forc´ement compl`etement d´ecor´el´ees.
Une couche interfaciale peut ˆetre perturb´ee autour des cristaux, ce qui a pour cons´equence possible de
diminuer l’´energie d’activation tout en ayant un effet de renforcement ind´ependant de la temp´erature
consid´er´ee. Les canaux d’´ecoulement sont de petites dimensions et permettent d’interpr´eter la promotion
du r´egime de d´eformation non Newtonien avec la cristallisation.
Ces raisonnements ne semblent pas ˆetre confort´es par le point de comparaison o`u deux tailles de
cristaux diff´erentes donnent des r´esultats similaires `a fractions volumiques de cristaux ´equivalentes. Il
serait cependant utile d’´etudier plus en profondeur ce possible ”non-effet” de taille en rajoutant des
points de comparaisons.
Par ailleurs, on pourrait ´egalement s’appuyer sur le mod`ele de d´eformation `a chaud d´evelopp´e pour
le verre. En effet, dans ce contexte, la diminution, avec la quantit´e de cristaux, de l’´energie d’activation
apparente peut r´esulter d’une diminution de la sensibilit´e `a la temp´erature de la r´esistance m´ecanique
du milieu environnant et donc de son impact sur le cisaillement du d´efaut d’´ecoulement, comme expos´e
dans l’annexe E.
Nous envisageons dans la suite une approche diff´erente de l’interaction entre la cristallisation et la
d´eformation `a chaud et nous analysons l’effet de la d´eformation sur la cristallisation.
4 Effet de la d´eformation sur la cristallisation
L’effet de la d´eformation sur la cristallisation a donn´e lieu `a quelques publications r´ecentes mais
les conclusions de ces ´etudes sont assez parcellaires (voir chapitre I partie 4.2.4). La d´eformation dans
le r´egime Newtonien ne semble pas affecter la cristallisation alors que les conclusions dans le r´egime
non Newtonien sont moins claires, certaines publications sugg`erant que la d´eformation peut acc´el´erer la
cristallisation [Niehet al., 2001] alors que d’autres sugg`erent l’inverse [Saida and Ishihara, 2002]. Nous
avons donc d´ecid´e d’´etudier de mani`ere plus approfondie un ´eventuel couplage entre la d´eformation et
la cristallisation dans le cas du Vit1.
Des essais ont ´et´e men´es aux deux temp´eratures de cristallisation envisag´ees (373˚C et 410˚C) et
pour des vitesses de d´eformation permettant de d´eformer l’´echantillon tout au long du ph´enom`ene de
cristallisation. Les essais effectu´es `a 373˚C nous permettent de confirmer, dans un premier temps qu’il
124
4. Effet de la d´eformation sur la cristallisation
n’y a pas de couplage important dans le cas d’un r´egime de d´eformation de type Newtonien. Dans
un deuxi`eme temps, une analyse plus pouss´ee d’essais `a 410˚C nous permettra d’´etudier l’effet d’une
d´eformation dans un r´egime non Newtonien.
Dans le document
Comportement mécanique des verres métalliques massifs - Effet d'une cristallisation partielle
(Page 147-150)