Partie III Propri´ et´ es m´ ecaniques ` a froid
Chapitre 2 Mod´ elisation de la d´ eformation 91
2.1.1 Limites des principaux mod` eles existants
2.1.1.1 Mod`ele des volumes libres
Le mod`ele des volumes libres se caract´erise par l’utilisation d’un m´ecanisme monoatomique pour
mod´eliser la d´eformation. Un atome saute dans un trou de taille suffisamment grande (d´efaut d’´
ecoule-ment ou ”flow defect”) et un sens est privil´egi´e dans le saut au travers de la contrainte de cisaillement,
aboutissant `a une loi de d´eformation de la forme :
˙
γvisco = exp
−γv
∗
vf
2νexp
−∆G
m
kT
sinh
τΩ
2kT
(IV.4)
o`u le termeCf = exp
−γvv
∗ fcorrespond `a la concentration en d´efauts d’´ecoulement qui d´epend de la
temp´erature et de la vitesse de d´eformation. On peut remarquer que la d´eformation mod´elis´ee est une
d´eformation purement viscoplastique.
Le mod`ele des volumes libres pr´esente certaines limitations :
– Le probl`eme qui montre le plus les limitations du mod`ele des volumes libres est la d´efinition
de la concentration en d´efauts d’´ecoulement (Cf) pour laquelle on trouve g´en´eralement des
va-92
2.1. R´eflexion sur les mod`eles existants
leurs de l’ordre de 10−10 `a 10−13 ([Bl´etry, 2004; Wen et al., 2003; Daniel et al., 2002]), ce qui
est tr`es inf´erieur aux concentrations en lacunes observ´ees dans des mat´eriaux cristallins lorsque
les m´ecanismes de fluage par diffusion sont impliqu´es. Le calcul de la concentration en d´efauts
d’´ecoulement pose probl`eme parce que c’est un terme en exponentiel qui est donc tr`es sensible
`
a la moindre variation de volumes libres dans l’alliage. On trouve ´egalement typiquement des
valeurs d’´energies d’activation apparentes de l’ordre de 4-5 eV (voir [Reger-Leonhardet al., 2000;
Bl´etry, 2004] dans le cas de verres base Zr) ce qui reste difficilement interpr´etable si on consid`ere
un m´ecanisme monoatomique.
– La description de la d´eformation se fait par un mod`ele monoatomique, ce qui semble aller `a
l’encontre des r´esultats existants. En effet, des volumes d’activations de l’ordre de 100 `a 200 ˚A3
sont g´en´eralement trouv´es [Bl´etry, 2004; Heggen et al., 2005] correspondant `a 10 `a 20 atomes
mis en jeu dans les m´ecanismes de d´eformation. De plus, des exp´eriences de cisaillement sur des
bulles de savons effectu´ees par Argon et Shi [Argon and Shi, 1982] ont montr´e que la d´eformation
impliquait un volume avec un diam`etre d’environ 5 atomes. F. Spaepen, qui est `a la base de ce
mod`ele, a r´ecemment affirm´e que la th´eorie des volumes libre devait ˆetre ´etendue `a des m´ecanismes
de r´earrangements comprenant plusieurs atomes [Spaepen, 2006].
– Ce mod`ele prend uniquement en compte la d´eformation viscoplastique alors que la d´eformation
visco´elastique a une importance primordiale sur le comportement m´ecanique des verres m´
etal-liques et en particulier dans les premiers stades de la d´eformation. Si on ne prend pas en compte
la visco´elasticit´e, il devient difficile de mod´eliser correctement des essais tels que ceux de
spectro-m´ecanique ou de relaxation.
Le mod`ele des volumes libre permet cependant de mod´eliser correctement et simplement les contraintes
d’´ecoulement des verres m´etalliques ainsi que les courbes de compression (en introduisant ´
eventuelle-ment une contribution ´elastique `a la d´eformation).
2.1.1.2 Mod`ele d’Argon
Le mod`ele `a haute temp´erature d´evelopp´e par Argon [Argon, 1979] aboutit `a une ´equation de base
ayant une forme similaire `a celle utilis´ee dans le mod`ele des volumes libres mais pour la d´eformation
visco´elastique :
˙
γviscoelast =αγ0νsinh
τ γ0Ωf
kT
exp
−∆G
kT
(IV.5)
avecα la fraction de mati`ere participant `a la d´eformation (que l’on peut consid´erer comme ´egale `a une
concentration en d´efauts).
Le mod`ele d’Argon n’a ´et´e finalement que peu utilis´e pour mod´eliser le comportement m´ecanique
des verres m´etalliques. Les principaux freins `a son utilisation sont les suivants :
– La d´efinition de la concentration en d´efauts, qui est le centre du mod`ele des volumes libres, est
absente dans la vision d´evelopp´ee par Argon. En effet, il n’y a pas de d´efinition claire du param`etre
α ni de son ´evolution avec la temp´erature ou la d´eformation.
Chapitre 2. Mod´elisation de la d´eformation
– La mod´elisation de la d´eformation d´evelopp´ee par Argon comporte, dans sa version complˆete,
deux m´ecanismes de d´eformation distincts suivant que la d´eformation se produit `a haute
tem-p´erature et faible contrainte ou `a basse temp´erature et haute contrainte. La comp´etition entre
ces deux comportements distincts rend difficile l’application du mod`ele ´etant donn´e qu’il existe
probablement une zone o`u ces deux comportements peuvent se produire simultan´ement.
– Le dernier frein `a l’utilisation du mod`ele est li´e `a la transition entre la d´eformation visco´elastique
et la d´eformation viscoplastique. Argon suppose en effet que ce sont des m´ecanismes de
perco-lation entre les d´efauts cisaill´es qui permettent `a la d´eformation initialement visco´elastique de
devenir viscoplastique. Cette coalescence ajoute une complication suppl´ementaire.
Ce mod`ele a cependant l’avantage d’avoir un formalisme math´ematique proche de celui du mod`ele
des volumes libres qui permet effectivement de rendre compte de l’allure du comportement m´ecanique.
De plus, le m´ecanisme `a la base de la d´eformation comporte plusieurs atomes ce qui est en accord avec
des r´esultats r´ecents [Bl´etry, 2004; Heggen et al., 2005].
2.1.1.3 Mod`ele des D´efauts Quasi Ponctuels
Le mod`ele des d´efauts quasi ponctuels suppose une hi´erarchisation des mouvements. Le mouvement
permettant une d´eformation est pr´ec´ed´e d’une s´erie de mouvements ´el´ementaires plus rapides. On peut
alors ´ecrire le temps caract´eristique du processus hi´erarchiquement corr´el´e :
τmol =t0
τβ
t0
1 χ(IV.6)
L’´equation repose en particulier sur le param`etre χ (0< χ <1) qui d´efinit la corr´elation existante
entre le temps caract´eristique des mouvements ´el´ementaires (τβ) et le temps caract´eristique du
proces-sus de d´eformation (τmol). Il indique l’intensit´e des effets de corr´elation : χ = 1 pour des particules
sans interaction (gaz) etχ = 0 pour une corr´elation maximale, respectivement on a alors :τmol →τβ
etτmol → ∞.
Ce mod`ele a ´et´e d´evelopp´e, `a la base, pour rendre compte du comportement m´ecanique des
poly-m`eres ce qui pose un certain nombre de probl`emes dans son application aux VMM :
– Le mouvement ´el´ementaire de constante de temps τβ est interpr´et´e, dans le cas des polym`eres,
comme correspondant `a des mouvements de rotation des unit´es de r´ep´etition des macromol´
e-cules. Ces mouvements, parfois qualifi´es de mouvement manivelle ou vilebrequin, sont une ´etape
pr´eliminaire au d´eclenchement de la d´eformation macroscopique. Ces mouvements ´el´ementaires
permettent de comprendre la relaxation diteβ qui apparaˆıt lors des exp´eriences de spectrom´
eca-nique avant la relaxation principale. Le sens physique de ce mouvement ´el´ementaire est cependant
beaucoup plus difficile `a interpr´eter dans le cas des verres m´etalliques, d’autant plus que la
re-laxationβ n’apparaˆıt pas, en g´en´eral, dans les verres m´etalliques.
– Le mod`ele des d´efauts quasi ponctuels est tr`es performant pour rendre compte des ph´enom`enes
visco´elastiques rencontr´es lors d’essais de spectrom´ecanique. Il devient cependant plus complexe
quand on veut mod´eliser les grandes d´eformations. Dans ce cas, on a le temps caract´eristique
94
2.2. Mod`ele de d´eformation
du mouvement ´el´ementaire qui est modifi´e par la contrainte de cisaillement et par la pression
hydrostatique alors que le param`etre χ varie en fonction de la d´eformation visco´elastique pour
rendre compte du d´esordre. Mˆeme si ces variations sont compr´ehensibles, elles sont difficile `a
quantifier, toujours `a cause du manque de d´efinition du m´ecanisme de d´eformation.
– Le mod`ele des d´efauts quasi ponctuels a l’inconv´enient de pr´esenter un grand nombre de
para-m`etres. Nous avons d´enombr´e 6 param`etres pour mod´eliser le temps caract´eristique de la d´
efor-mation, 3 pour mod´eliser le r´egime de d´eformation lin´eaire et encore 5 pour mod´eliser le r´egime
non lin´eaire. A ces param`etres sont souvent rajout´es des distributions (type Gaussienne ou
Gum-bell) des ´energies d’activation et des temps caract´eristiques de la d´eformation (voir notamment
[Chabert, 2002] page 44 o`u les ´equations constitutives sont rassembl´ees).
Ce mod`ele, malgr´e ces d´efauts, s’adapte bien aux polym`eres, pr´esente l’avantage de mod´eliser
correc-tement les exp´eriences de spectrom´ecanique et ´evite l’utilisation d’´energies d’activation ´elev´ees comme
c’est le cas dans les deux mod`eles pr´ec´edents.
Dans le document
Comportement mécanique des verres métalliques massifs - Effet d'une cristallisation partielle
(Page 115-118)