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Pertinence de l’association des protéines avec d’autres macronutriments

Chapitre III – Rôle de l’apport protéique

2. Optimisation de l’apport en protéines à la suite d’un exercice unique de musculation

2.4. Pertinence de l’association des protéines avec d’autres macronutriments

L’association des protéines avec d’autres macronutriments, tels que les glucides et les lipides, peut altérer certains facteurs physiologiques connus pour réguler l’anabolisme musculaire.

Co-ingestion avec des glucides

L’insuline stimule la protéosynthèse au repos (Biolo et al. 1995, Hillier et al. 1998, Biolo et al. 1999) et freine la protéolyse après l’exercice (Biolo et al. 1999, Borsheim et al. 2004, Roy 2008). Lorsque l’insuline est co-injectée avec des acides aminés, on observe une élévation des synthèses de protéines (Bennet et al. 1990, Hillier et al. 1998) et une légère atténuation de la

81 protéolyse, comparée à l’ingestion d’acides aminés seuls (Bennet et al. 1990) ou d’insuline seule (Hillier et al. 1998).

Or, l’insuline est sécrétée majoritairement en réponse à l’élévation de la glycémie. Le glucose contrôle alors directement la production d’insuline. En pratique, l’ingestion de glucides associée à 6g d’acides aminés majore l’utilisation des acides aminés à hauteur de 60%, augmentant ainsi les synthèses protéiques et réduisant la protéolyse, comparée à la prise d’acides aminés seuls (Bird et al. 2006).

Cependant, lorsque la quantité de protéines est suffisante (~25g), l’ajout de glucides, au repos (Gorissen et al. 2014) et après l’exercice (Glynn et al. 2010, Staples et al. 2011) ne permet pas de majorer la protéosynthèse, ni de limiter la protéolyse (Koopman et al. 2007, Glynn et al. 2010, Staples et al. 2011).

Ceci s’explique parce que le niveau d’insuline requis pour l’augmentation optimale des synthèses protéiques est remarquablement bas (i.e. 10-15 IU/ml). Ces valeurs sont seulement 2 à 3 fois supérieures aux valeurs de repos chez les sujets sains. Le niveau requis d’insuline pour stimuler l’anabolisme musculaire, est donc aisément atteint avec des quantités relativement faibles de protéines après l’exercice (Rennie et al. 2006).

En résumé, étant donné la faible quantité d’insuline nécessaire à la stimulation maximale de la protéosynthèse par ce mécanisme, l’apport en protéines - dans des quantités adéquates - semble suffisant à la sécrétion optimale d’insuline après l’exercice. Ainsi, lorsque la quantité de protéines est appropriée, l’ajout de glucides ne majore pas l’anabolisme des protéines musculaires, à la suite d’un exercice de musculation. En revanche, lorsque la quantité de protéines n’est pas suffisante, l’ajout de glucides pourrait potentiellement majorer les synthèses protéiques et inhiber la protéolyse, via la sécrétion d’insuline.

Co-ingestion avec des lipides

Elliot et al. (2006), ont comparé les effets de l’ingestion de lait entier ou de lait écrémé isocalorique (dépourvu d’acides gras) sur le niveau de protéosynthèse, après un exercice des membres inférieurs. Ils révèlent une meilleure utilisation de phénylalanine et de thréonine (représentative de la protéosynthèse) après l’ingestion de lait entier, sans pour autant de différence significative entre les deux groupes. En situation de repos, d’autres études confirment que l’ajout de lipides à l’apport protéique ne permet pas de maximiser les synthèses de protéines musculaires (Svanberg et al. 1999, Katsanos et al. 2009).

Etat des connaissances – Chapitre III

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Supplémentation en acides gras polyinsaturés

Outre l’apport de lipides, il a récemment été suggéré qu’une supplémentation en acides gras polyinsaturés (n-3) pouvait optimiser les réponses musculaires à un exercice en musculation (McGlory et al. 2014). Cette hypothèse fut émise à partir de deux potentiels mécanismes. En premier lieu, les acides gras polyinsaturés pourraient améliorer la qualité des structures membranaires, qui sont principalement constituées de lipides, de protéines et d’une très faible quantité de sucre. Parmi ces lipides, il y a essentiellement des phospholipides, et en moindre quantité du cholestérol. Les phospholipides sont à l’origine de la fluidité membranaire (indispensable à la capacité de déformation des cellules), de la perméabilité membranaire (facilitant l’incorporation de certains nutriments dans l’espace intracellulaire) et de la capacité de transmission et de communication cellulaire par l’intermédiaire des récepteurs membranaires. Or, l’apport en acides gras n-3 peut modifier le profil lipidique des membranes phospholipidiques des cellules musculaires. Ce mécanisme pourrait potentiellement améliorer la communication entre le milieu extra et intracellulaire, et ainsi la détection et le transport des acides aminés au niveau des cellules musculaires.

Différentes études ont rapportées qu’à la suite d’une supplémentation quotidienne d’huile de poisson enrichie en acides gras n-3 pendant 8 semaines, la concentration en acides gras n-3 des muscles squelettiques est supérieure (Smith et al. 2011, McGlory et al. 2014). De façon concomitante, ils ont observé une activation supérieure des protéines impliquées dans la régulation des synthèses protéiques (i.e. FAK, mTORC1) en réponse à une hyperaminoacidémie et une hyperinsulinémie (Smith et al. 2011, McGlory et al. 2014). Cependant, ces études ont été réalisées dans un contexte de laboratoire (perfusion d’acides aminés et d’insuline). Par conséquent, elles ne répondent pas obligatoirement aux questions pratiques de suites d’exercices et d’ingestion de protéines par voie orale.

S’appuyant sur ces travaux, Macnaughton et al. (2016) ont comparé les effets d’une supplémentation (5g/jour pendant 8 semaines) d’huile de poisson (riche en acides gras n-3) ou d’huile de coco (pauvre en acides gras n-3), sur les réponses anaboliques à un exercice unique et la prise de 30g de protéines de lactosérum en récupération de celui-ci. Ils n’ont observé aucune différence significative entre les deux groupes. De manière inattendue, les auteurs ont constaté que la supplémentation en huile de poisson réduit l’activité d’intermédiaires de la signalisation PKB-mTOR, comme les kinases p70S6K1 et PKB (Akt). Or, la voie PKB- mTORC1-p70S6K1 est largement impliquée dans l’augmentation des synthèses protéiques (Drummond et al. 2009) (Chapitre II).

83 Les résultats de cette récente étude sont donc en contradiction avec les premiers travaux de Smith et al. (2011), dans laquelle ils ont mis en évidence qu’une supplémentation en acides gras n-3 stimule les synthèses protéiques à la suite d’une hyperaminoacidémie.

Ces divergences de résultats peuvent s’expliquer selon plusieurs raisons.

 En premier lieu, les synthèses protéiques de l’ensemble de l’organisme ont été mesurées dans l’étude de Smith et collaborateurs, contre la protéosynthèse des myofibrilles dans l’étude de McGlory et collaborateurs.  En second lieu, le mode d’ingestion est différent (i.e. intraveineux vs voie

orale).

 En troisième lieu, le mode intraveineux utilisé dans l’étude de Smith et collaborateurs, a fourni des quantités d’acides aminés suboptimales, conduisant à une élévation maximale de la concentration plasmatique en leucine de ~165-175 µmol/L. Par opposition, la prise orale de 30g de lactosérum (0,35g/kg de protéines), induit une élévation maximale de la concentration plasmatique de leucine à ~250-300µmol/L. Cette quantité est supérieure aux besoins optimaux (Moore et al. 2009), ce qui permet de suggérer qu’aucun autre facteur n’est susceptible de majorer le flux des synthèses protéiques (i.e. « muscle full effect » (Atherton et al. 2010).

Le deuxième effet potentiel d’une supplémentation en acides gras n-3 repose sur l’effet anti-inflammatoire reconnu des acides gras polyinsaturés. L’exercice s’accompagne d’une élévation de l’inflammation au niveau musculaire. Cette inflammation post-exercice représente un mécanisme protecteur essentiel à la prévention des blessures et des infections. En effet, lorsque l’organisme se situe dans un état inflammatoire aigu (i.e. après un exercice de musculation), les mécanismes de clearance et de réparation cellulaires sont activés afin de préserver l’homéostasie des tissus et de l’organisme (Markworth et al. 2016).

Dans ce cadre, une supplémentation en acides gras n-3 induit la baisse de l’expression de la voie mTOR (McGlory et al. 2016). En effet, toute stratégie à visée « anti-inflammatoire » post-exercice pourrait alors, perturber l’activation des mécanismes endogènes, parfaitement bien régulés après l’exercice (Markworth et al. 2016). Selon les mêmes mécanismes, on retrouve également une moindre activation de mTOR après l’exercice, en réponse à l’immersion en eau froide (qui a une visée anti-inflammatoire) (Roberts et al. 2015, Figueiredo et al. 2016).

Etat des connaissances – Chapitre III

84 Ainsi, chez les sujets sains, sans inflammation chronique, une supplémentation en acides gras n-3 semble être néfaste à l’induction de l’anabolisme musculaire suite à un exercice de musculation. En revanche, cette stratégie anti-inflammatoire pourrait être intéressante pour les individus en situation d’inflammation et de stress chronique (i.e. vieillissement, infection, diabète, immobilisation, blessure, etc.). Ceci puisque l’inflammation chronique, par opposition à l’inflammation aigu, majore la sécrétion de radicaux libres, qui ont une action néfaste sur les protéines contractiles, et inhibent les synthèses de protéines tout en majorant la protéolyse.

Le bilan des premières études à ce sujet, suggère que l’ajout de lipides aux protéines après l’exercice ne semble pas jouer de rôle bien identifié sur la modulation des synthèses protéiques. De même, la supplémentation en acides gras n-3 ne permet pas de majorer la protéosynthèse à la suite d’un exercice et la prise de protéines. Cette supplémentation pourrait même inhiber l’anabolisme musculaire.

En résumé, lorsque la quantité optimale de protéines est apportée en récupération de séance de musculation, l’ajout de glucides, de lipides ou la supplémentation en acides gras n-3, ne semble avoir aucun effet additif sur l’anabolisme musculaire.