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Chapitre I Les déterminants musculaires de la performance

4. Les déterminants de la résistance à la fatigue musculaire

4.2. Les changements métaboliques

Lors d’une contraction isométrique maximale prolongée, la force développée diminue, alors que dans un premier temps, la concentration intramusculaire en Ca2+ est élevée, suggérant une dégradation de la production de force au niveau des myofibrilles due à une mauvaise disponibilité en ATP (Figure 8, encadré en rouge). Dans un second temps, la diminution de la force est associée à une baisse de la quantité de Ca2+ libérée par le RS (Figure 8, encadré en orange ; Allen et al. (2008)). Deux acteurs métaboliques peuvent alors induire la survenue de la fatigue : une baisse d’énergie sous forme d’ATP et/ou une baisse de concentration en calcium. Nous allons voir, quels facteurs métaboliques induits par l’exercice peuvent affecter la disponibilité en ATP et Ca2+, et participer ainsi à la survenue de la fatigue musculaire.

Le cycle du calcium

Comme rappelé précédemment, le cycle du Ca2+ est indispensable pour assurer la contraction musculaire (Paragraphe I.1). Par ailleurs, une parfaite cinétique de libération et recapture de cet ion permet le maintien de la contraction, ce qui fait de la cinétique du Ca2+ un déterminant majeur de la résistance à la fatigue. Le calcium est libéré du RS par le canal à la ryanodine (forme RyR1 dans le muscle squelettique) qui régule ainsi le flux sortant de Ca2+ du RS. L’arrivée d’un potentiel d’action permet l’ouverture rapide de RyR1 et la libération massive de Ca2+. La stabilité de fonctionnement de RyR1 est liée à la fois à son interaction avec les récepteurs à la dihyrdopyridine (DHPR), et à la fonction de molécules chaperonnes comme la calstabine-1 (Bellinger et al. 2008). Au cours de la contraction prolongée, on constate une rupture des liens fonctionnels entre les calstabines-1 et RyR1. Certaines de ces molécules chaperonnes fuient, ce qui altère la fermeture de ce canal, induit une fuite calcique, l’accumulation de Ca2+ dans le sarcoplasme, l’altération de la contraction, et la fatigue musculaire.

Par ailleurs, lors de contractions efficaces, le Ca2+ libéré lors des premiers temps du couplage excitation-contraction est rapidement recapté par le RS au moyen de pompes ioniques dependantes de l’ATP. Il s’agit des SERCA, présentes sous deux types d’isoformes, 1 au niveau des fibres rapides, et 2a au niveau des fibres lentes. L’altération de la fonction de ces pompes

19 va majorer la présence de Ca2+ dans le sarcoplasme et précipiter la survenue de la fatigue musculaire. Cette altération de la fonction des SERCAs est très souvent concomittante de la baisse des capacités de resynhtèses de l’ATP survenant au cours du travail musculaire prolongé. Le statut énergétique des fibres musculaires et la baisse de la disponibilité en ATP majore le risque de survenue de la fatigue en altérant les mécanismes de recapture du Ca2+ dans le RS.

Les contractions prolongées peuvent être à l’origine d’une altération de la cinétique de libération-recapture du Ca2+ dans le RS, ce qui se traduira à très court terme par une faillite de la contraction. L’augmentation du Ca2+ intracellulaire est liée à la fois à sa fuite depuis le RS au travers RyR1, et à une altération de sa réintégration dans le RS par les SERCAs.

Lactate et H+

Au cours d’un effort, les ions H+s’accumulent en relation avec l’hydrolyse de l’ATP et la production d’acide lactique (qui se produit dès lors que la glycolyse anaérobie prend une part importante dans la fourniture énergétique). L’accumulation de H+ a longtemps été considérée comme une cause importante de la baisse de production de force. En effet, l’accumulation d’ion

Figure 8. Relation entre la concentration intracellulaire en Ca2+ et la force isométrique

développée lors de différentes phases de fatigue, au niveau des fibres musculaires de souris. (Allen et al. 2008)

Etat des connaissances – Chapitre I

20 H+, induit une acidose intracellulaire qui affecte le couplage excitation-contraction, en altérant la libération des ions calciques par le RS et l’affinité des ions Ca2+ à la Troponine C (Wolosker and de Meis 1994). L’accumulation d’ions H+ diminue donc le nombre de ponts acto-myosines, et par conséquent la force développée (Blanchard and Solaro 1984).

Par ailleurs, l’amélioration du pouvoir tampon de l’organisme par l’ingestion de Bicarbonate de Sodium ou de Citrate de Sodium, peut améliorer la résistance à la fatigue lors d’exercices intermittents réalisés à haute intensité (Hausswirth et al. 1995, Jones et al. 2016, Burke 2017). Ce qui suggère bien l’existence de l’effet délétère de l’acidification des cellules musculaires sur la capacité de contraction, et donc sur l’apparition de la fatigue musculaire.

La baisse du pH intramusculaire a donc une influence néfaste sur l’excitabilité membranaire (Orchardson 1978).

Phosphate inorganique (Pi)

Durant des périodes de haute demande énergétique, la concentration en ATP reste quasiment constante dans un premier temps. En revanche, la concentration en Pi s’élève au cours de l’exercice, en raison de la dissociation de la Phosphocréatine (� → + �� et de l’hydrolyse de l’ATP ��� → � � + �� . L’accumulation de Pi pourrait perturber le maintien de la production de force, en diminuant la sensibilité des myofibrilles au Ca2+ et en agissant directement au niveau des ponts d’union. En effet, l’augmentation de la concentration en Pi en condition de fatigue perturbe le déroulement des cycles de contraction-relâchement des ponts d’union. Ces résultats suggèrent que la diminution de la force produite, observée dans les premiers instants de la contraction, alors que la concentration intracellulaire en Ca2+ est élevée, serait due à l’accumulation de Pi. Ensuite, lorsque l’exercice musculaire se poursuit, la baisse de production de force est liée à la diminution de quantité de Ca2+ libérée par le RS. L’accumulation du Pi au sein de la cellule musculaire favorise sa pénétration dans le RS. Le Pi se lie alors aux ions Ca2+ pour donner du phosphate de calcium (Ca2+-Pi). Cette liaison Ca2+-Pi limite la quantité de Ca2+ présente dans les citernes du RS et pouvant être libérée au niveau du sarcoplasme (pour revue, Allen et al. 2008).

Les variations de concentration en Pi et en ATP sont donc à l’origine de la dégradation de la

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ATP et ions Magnésium (Mg2+)

Lors de l’exercice, les concentrations intracellulaires de Mg2+ augmentent. Cette augmentation de Mg2+ au cours de l’exercice serait en partie due à la liaison des ions Mg2+ aux molécules d’ATP (dégradées lors de l’exercice). De plus, l’activation des canaux calciques du RS libère des ions Mg2+, pouvant participer également à l’augmentation de leur concentration intracellulaire. Or, les ions magnésium pourraient être impliqués dans la dégradation de la libération du Ca2+ car ils interviennent dans le fonctionnement du RS. En effet, lors de l’activation musculaire, une augmentation de la concentration en Mg2+ dans le sarcoplasme réduit la libération du Ca2+ par le RS (Allen et al. 2008).

Par l’altération de la libération de Ca2+, l’accumulation intracellulaire d’ions Mg2+ participe

alors à la diminution de la capacité de maintien d’une force maximale.

En résumé, le mauvais recyclage du calcium est à l’origine de l’apparition de la fatigue. Une diminution de la libération de Ca2+ à partir du RS entraîne une diminution de la force maximale, tandis que le retard de recapture de Ca2+ ralentit la relaxation du muscle. La baisse de disponibilité en ATP est à l’origine du dysfonctionnement de la libération/recapture du Ca2+.

Plus l’exercice est fatiguant, plus la demande d’ATP est accrue, et l’hydrolyse de l’ATP pour fournir de l’énergie, induit une accumulation de métabolites (i.e. Pi, Mg2+, H+). Ces métabolites

accumulés altèrent la libération/recapture du calcium. De plus, la recapture des ions potassium est ATP-dépendante. Ainsi en cas de manque d’ATP lors d’exercices prolongés, une accumulation d’ions K+ s’opère au sein de la cellule, perturbant également le recyclage du

calcium. Les deux éléments déterminant de l’apparition de la fatigue sont donc le recyclage du Ca2+ et la disponibilité en ATP.