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Hypothèse 7 : JCQ et engagement

II. Perspectives théoriques

L’enjeu de notre travail est de mieux connaitre les variables qui influent sur l’engagement et le turnover des travailleurs saisonniers. Principalement exploratoires, nos résultats montrent les effets directs de nos variables. Ainsi, ils peuvent contribuer à comprendre l’impact de certains éléments contextuels et individuels dans le cadre de contrat de travail saisonniers. La personnalité, par exemple, qui constitue l’un des résultats le plus surprenant de notre étude. Il est probable que la brièveté du contrat, comme la typologie métiers saisonniers puissent expliquer ces résultats. Pour ceci, comme d’autres résultats, des études supplémentaires sont nécessaires, comme l’apport de nouveaux éléments.

Aussi, comme nous l’avons évoqué, la satisfaction professionnelle est omniprésente dans la littérature concernant le turnover. Cependant, des auteurs suggèrent qu'un autre concept pourrait également affecter le turnover des employés. Une étude de McCole (2015) a eu pour objectif d'examiner la fidélisation du personnel à travers le prisme du « sens de la communauté » (SOC, c'est-à-dire le « sentiment d’appartenance à un groupe » (Drouin, 2008, p. 268) auprès de centres de villégiature. Des différences significatives ont été constatées dans les niveaux de SOC entre ceux qui sont retournés au travail et ceux qui l’ont quitté. De plus, un modèle de régression logistique a montré que le SOC était un bon prédicteur de la fidélisation des saisonniers. Ceci étant, les facteurs ayant une incidence sur le turnover semblent être différents pour les employés embauchés pour la première fois que pour les employés expérimentés. Ainsi, ces résultats suggèrent que des approches différentes pour améliorer la fidélisation devraient être adoptées et que les recherches ne doivent pas porter uniquement sur la satisfaction au travail.

Une étude de Yeh (2013) montre l’importance d’un autre facteur original, le « tourism involvement », avec l’engagement professionnel et la satisfaction. Selon lui, cet « engagement touristique », en traduction littérale, se définit par un état psychologique de motivation ou d'intérêt entre un individu et des activités récréatives liées au tourisme. Or, nous constatons que de nombreux saisonniers découvrent et s’essaient à la saisonnalité en étant dans un premier temps utilisateurs des animations, au sens large, touristiques. Ils gardent parfois la pratique de ces activités en étant travailleurs saisonniers. Cet élément est donc très pertinent dans l’étude de leur rapport au travail. En outre, Yeh propose une recherche dans le secteur hôtelier, dont les métiers

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sont prédominants en station. Ainsi, les données ont été recueillies auprès de 336 employés au sein de 20 hôtels internationaux à Taïwan et ont été analysées par le biais d’une modélisation d’équations structurelles. Les résultats montrent que l’ « engagement touristique » est positivement lié à l'engagement au travail, et que ces deux éléments sont liés positivement à la satisfaction au travail. Aussi, il a été constaté que l’engagement médiatise la relation entre l’ « engagement touristique » et la satisfaction professionnelle. Ces résultats très prometteurs donnent à penser que des études plus approfondies doivent être menées.

Une étude conduite en 2010 auprès de cadres diplômés en école de gestion de moins de 30 ans a évalué différents facteurs sur le turnover, tels que l’implication, l’engagement, l’enracinement et la satisfaction. Il semble que la satisfaction ait une influence majeure, comparée aux autre variables, sur l’intention de turnover (Horts & Nguyen, 2010). Cela met en relief une autre perspective potentielle pour notre recherche. Il existe une théorie de l’adaptation au travail (TWA). Celle-ci propose une relation entre l'adéquation personne-environnement, la satisfaction professionnelle et le travail. Elle a un effet important dans la réussite professionnelle. Différentes études vont dans ce sens (Bretz & Judge, 1994; Rounds, Dawis, & Lofquist, 1987), et bien que des variables puissent modérer cette relation (récompense, profil, genre, etc.), ce modèle reste très pertinent. Nous n’avons pas utilisé ce modèle dans notre étude mais des recherches futures pourraient s’en inspirer pour déterminer sa pertinence sur les travailleurs saisonniers.

En outre, la satisfaction au travail a aussi une interaction importante avec l’engagement organisationnel, que nous avons évoqué mais pas pris en compte dans notre étude. Williams & Hazer (1986) ont proposé un modèle du turnover comprenant le leadership, la satisfaction au travail et l'engagement organisationnel par le biais d’une modélisation par équations structurelles. Ils suggèrent que les études sur le turnover qui n'incluent pas à la fois la satisfaction professionnelle et l'engagement organisationnel, et la relation de cause à effet entre ces deux variables « doivent être considérées avec prudence » (Mathieu et al., 2016b, p. 114). Une méta- analyse basée sur 155 études analysant le lien engagement organisationnel, satisfaction et turnover confirme cet approche et en tire les conclusions suivantes : les intentions / cognitions sont à la base de presque tous les liens d'attachement au turnover, la satisfaction et l'engagement contribuent chacun indépendamment à la prédiction de l'intention / cognition, et les intentions / cognitions sont prédites plus fortement par la satisfaction que par l'engagement (Tett & Meyer, 2006). Certains chercheurs estiment que l'engagement organisationnel se développe à travers la

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satisfaction au travail et que l'engagement organisationnel médiatise l'influence de la satisfaction au travail sur les intentions de turnover (Price & Mueller, 1981; Williams & Hazer, 1986). D'autres auteurs évoquent la relation inverse à savoir que l'engagement organisationnel précède la satisfaction professionnelle (Bateman & Strasser, 2017). Cependant, ce point de vue n'a pas été étayé par des recherches ultérieures (Williams & Hazer, 1986). En fait, dans leur méta-analyse des antécédents, des corrélats et des conséquences de l’engagement organisationnel, Meyer, Stanley, Herscovitch, & Topolnytsky (2002) ont considéré la satisfaction professionnelle comme un corrélat (plutôt qu’un antécédent) des intentions de turnover. Ainsi, selon eux, la satisfaction professionnelle n'a pas d'effet prédictif significatif direct sur les intentions de turnover. Au contraire, la satisfaction au travail semble prédire un engagement organisationnel qui, à son tour, prédit négativement les intentions de changement d’entreprise (Williams & Hazer, 1986). Des recherches futures sur les travailleurs saisonniers permettraient d’évaluer l’influence de la satisfaction (nos résultats en montrent déjà une partie), celle de l’engagement organisationnel et leur interaction. Enfin, concernant la mesure de la satisfaction, il serait pertinent d’essayer d’utiliser une échelle plus globale, qui pourrait s’associer facilement avec différents outils. Par exemple, l’échelle de satisfaction globale de vie professionnelle (ESVP) (Fouquereau & Rioux, 2002) permettrait une mesure plus large et plus appropriée dans ce type de recherche.

Une implication théorique de notre recherche est la mise en relief de certains résultats, ou plutôt des résultats non significatifs, qui le sont habituellement dans la littérature classique (les effets de la personnalité, par exemple). Il semble que l’aspect temporaire du contrat ait un rôle dans nos résultats. Des résultats obtenus par des recherches récentes auprès de travailleurs temporaires semblent soutenir cette hypothèse (Flickinger et al., 2016). Dans l’avenir, il serait pertinent de comparer des sujets en contrat de longue durée et en contrat court afin de contre valider ce résultat.

Une autre variable n’a pas été évaluée dans notre étude. Il s’agit de l’effet de la mobilité professionnelle qui constitue un élément important dans la saisonnalité. Des recherchent récentes montrent les effets de cet indicateur en interaction avec la personnalité sur le sens au travail : « Ces résultats soulignent plus particulièrement l’importance de la perception qu’a l’individu de son expérience de mobilité professionnelle dans la compréhension du sens du travail » (Arnoux- Nicolas et al., 2016). Aussi, il se trouve que « trouver un sens à son travail est associé à des états

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psychologiques positifs, comme le bien-être psychologique et l’engagement affectif. Ainsi, le sens du travail aurait des effets protecteurs voire bénéfiques pour la santé des personnes » (Morin, 2008). Nous pourrions envisager, dans des recherches futures, de prendre en compte ces données afin de proposer un modèle encore plus complet.

Enfin, nous avons évoqué, lors de la discussion des résultats liés aux stratégies de coping, une variable qui nous semble importante, il s’agit du contrat psychologique. Pour rappel, il s’agit de promesses/obligations tacites entre employeur et salarié. Celles–ci peuvent être de différentes natures, transactionnelle (rémunération, avantage en nature, etc.) ou relationnelle (loyauté, sécurité de l’emploi, etc.). La réalisation peut se définir avec trois indicateurs : respect, dépassement ou rupture. Or, le contrat psychologique est récurrent pour les saisonniers. En effet, comme nous l’avons constaté sur le terrain, les contrats écrits ne sont pas lus, voir non signés. Ainsi la parole donnée a d’autant plus de valeur. Il se trouve que les recherches montrent des liens entre la rupture du contrat psychologique et la satisfaction au travail (Sutton & Griffin, 2004), l’implication organisationnelle (Raja, Johns, & Ntalianis, 2004), la performance au travail (Charles-Pauvers, Comeiras, Peyrat-Guillard, & Roussel, 2006), mais aussi avec l’engagement au travail et le turnover (Bal, Cooman, & Mol, 2013). Il serait très pertinent d’intégrer cette variable dans des recherches futures en tenant compte des indicateurs de réalisation du contrat psychologique. Un projet de recherche est en cours sur ce thème.

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