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Hypothèse 7 : JCQ et engagement

I. Limites des études

Nous avons détaillé en partie méthodologie que 161 sujets ont répondu à l’ensemble des questionnaires. Cet effectif est acceptable dans la mesure où nous disposons d'informations complètes sur les sujets. Ceci étant, un échantillon plus important nous aurait donné la possibilité d'utiliser des statistiques inférentielles (régressions linéaires multiples) plutôt que corrélationnelles, notamment pour prédire l'engagement. Dans le cas présent, le fait d'avoir un grand nombre de variables indépendantes ne nous a pas permis de réaliser de telles statistiques.

Aussi, l’une des caractéristiques de notre recherche est la mortalité expérimentale importante. C’est un élément qui peut avoir un impact majeur sur la représentativité de nos résultats. Lors de la première phase de notre recherche (T1) nous avions 288 sujets. Malgré nos nombreuses relances par mail et téléphone (sans réponses ou justifications), nous déplorons une perte de 127 sujets (soit 44% de mortalité expérimentale). Bien qu’il soit difficile de connaitre l’origine de cette perte important de sujets, nous pouvons proposer plusieurs explications :

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- Le manque de temps. Lors du passage du premier questionnaire et concernant la variable contrôle « travail à temps plein », de nombreux saisonniers ont posé la question (ironique) « horaires théoriques ou réels ? » dénotant ainsi les contraintes importantes liés aux grandes amplitudes horaires quotidiennes qu’ils réalisent. En outre, les études de terrains montrent que c’est un phénomène récurrent et problématique en saison (Aberlen & Moitrier, 1996; Barbottin, 2017; Observatoire Régional de Santé, 2008). Il est donc probable qu’une partie des saisonniers n’ont pas eu le temps de répondre aux questionnaires car les horaires d’ouverture de nos bureaux n’étaient pas compatibles ;

- La confidentialité. Malgré nos explications et l’insistance dont nous avons fait preuve lors de la passation du premier questionnaire sur l’importance pour nous de la non- diffusion des données individuelles, il est probable que certains sujets aient été réticents à poursuivre l’étude. Comme nous l’avons vu dans la première partie de notre travail de recherche, les stations sont des lieux très spécifiques, où les informations peuvent circuler facilement, la proximité est importante et où il est difficile de préserver ou même d’avoir une vie totalement privée (Baghioni, 2012). Pour certains saisonniers, et d’autant plus si des problèmes étaient apparus avec l’entreprise ou ils travaillaient, ce phénomène a pu provoquer une crainte qui, bien que non-fondée, a été rédhibitoire à la poursuite de l’étude ;

- L’embarras. Lors de notre activité quotidienne, il est fréquent que des travailleurs saisonniers utilisent nos services lorsqu’ils perdent leur emploi, soit pour obtenir des informations liées au droit du travail, soit pour rechercher un autre contrat afin de finir la saison. Dans ces cas, une majorité ressent de l’embarras et nous en font part. Il est donc possible que certains saisonniers, en ne parvenant pas à terminer leur contrat, aient eu un sentiment de culpabilité et soient gênés de devoir nous l’expliquer pendant le questionnaire. Si ce sentiment et cette réaction sont compréhensibles, ils sont forts dommageables, car ce sont justement ces cas de figure qui sont au cœur de notre travail. Au-delà de l’aspect statistique, ce sont les retours de cas problématiques qui nous permettent de mieux connaitre les causes du mal-être en saison et d’essayer de pouvoir les contenir ;

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- La mobilité. La particularité de notre population d’étude est la mobilité. Subie ou choisie, elle constitue le noyau de ce mode de vie (Observatoire Régional de Santé, 2008). Ainsi, certains ont pu quitter la station et ne considéraient plus la réponse aux questionnaires comme pertinente;

- Les contraintes techniques. Pour les réponses par Internet, il faut y ajouter des contraintes techniques réelles : accès à Internet restreint, pas d’ordinateur, réseaux faible, difficulté à utiliser le questionnaire en ligne, etc. Enfin, certains sujets ont pu changer de coordonnées en oubliant de nous prévenir.

Nous ne sommes pas en mesure d’affirmer dans quelle proportion chacune de ces explications peut expliquer les non-réponses. Nous pouvons proposer des pistes d’amélioration pour limiter ces problématiques.

Les contraintes liées au temps pourraient être atténuées avec des questionnaires plus courts. Notre recherche avait une prétention exploratoire et, à l’aide de nos résultats, des futurs chercheurs pourront s’en inspirer pour sélectionner certaines variables les plus prédictives et rendre ainsi plus concis leur protocole. Rappelons que notre étude est prospective, et non purement longitudinale (mêmes outils utilisés à chaque temps d’évaluation). Nous avons ainsi évité une perte de sujets qui aurait été certainement plus conséquente. Concernant la confidentialité, il est probable qu’un questionnaire réalisé par une entité totalement extérieure à la station pourrait rassurer les sujets et de facto résoudre ce problème. En outre, la gêne après un échec professionnel pourra également être limitée grâce à une intervention extérieure liée à un argumentaire pour valoriser l’intérêt de terminer la démarche (amélioration des conditions de travail des saisonniers, soutien moral). Bien que nous ayons exposé ces éléments à tous les sujets au départ de l’étude, une amélioration sur ce point particulier nous semble opportune. Enfin, des explications sur l’utilisation du questionnaire en ligne (accompagnement lors du premier entretien, tutoriel, etc.) et un outil adapté pour récolter les réponses sur les différents supports (notamment les smartphones) permettraient certainement de résorber les contraintes techniques.

Une autre limite de notre étude est de n’avoir pas prévu de distinguer la population locale et permanente. Les problématiques ne sont pas les mêmes, en termes de logement (Observatoire

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Régional de Santé, 2008), d’addiction (Anstett & Torrocilla, 1991), de source de motivation (Lundberg et al., 2009) et de processus d’invisibilisation sociale (Baghioni, 2012; Piquerey, 2014). Il semble indispensable dans les recherches futures d’intégrer cette variable, soit en la contrôlant, soit en l’intégrant dans le modèle d’analyse.

Aussi, Memon et al. (2016) ont proposé un modèle qui met en relief le rôle de l’engagement comme médiateur en le PO-Fit et le turnover. Selon eux, bien que, de manière générale, la relation entre le P-O et le turnover soit constatée, les résultats méta-analytiques révèlent une relation relativement faible entre les deux construits. De plus, il manque des études qui pourraient expliquer la manière dont l'ajustement P-O affecte réellement l'intention de quitter son emploi. Le modèle proposé ici fournit un nouvel aperçu de la compréhension de l’intégration entre l’ajustement P-O, le turnover et l’engagement.

Nous pouvons aussi constater dans notre étude que les métiers n’ont pas été pris en compte. Bien que détaillé dans la partie méthodologique, nous avons uniquement analysé l’aspect frontoffice/backoffice. Il semble qu’au-delà de cet aspect, les domaines d’activité (HCR, métiers de la neiges, public/privé) influent sur les variables que nous avons pris en compte (Codo & Soparnot, 2014; O’Neill & Davis, 2011). Si des études sont réalisées auprès de futurs saisonniers, il serait intéressant de tenir compte de cette variable, soit en la contrôlant, ou bien si la taille de l’échantillon le permet, en comparant les différents domaines d’activité de manière plus fine que nos analyses.

Après avoir évoqué les limites de notre méthodologie et de notre recherche, nous allons évoquer les perspectives théoriques et les éléments qu’ils seraient intéressants à prendre en compte dans des recherches futures.

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