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5. Discussion

5.3 Perspectives professionnelles

Nous avons identifié certains thèmes (mis en évidence par les études analysées)

particulièrement important pour la pratique infirmière. Ils reflètent, selon nous, des

thématiques centrales au vécu du début de la maladie. Aussi, il nous paraissait

intéressant de proposer des pistes d’actions infirmière ou du moins de

compréhension, à leur égard.

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E VÉCU ÉMOTIONNEL

Nous avons remarqué que l’aspect émotionnel est fortement présent dans la première phase de la maladie. Evoqué par plusieurs auteurs, le choc demeure la première réponse émotionnelle au diagnostic (Johnson, 2003 ; Edwards et al., 2008 ; Irvine et al., 2009 ; Barker-Collo et al., 2006 ; Koopman & Schweitzer, 1999 ; Isaksson & Ahlström, 2006). Il constitue une réaction naturelle à l’annonce d’une maladie grave et représente également la première phase du processus de deuil.

Aussi, en tant qu’infirmière, il est nécessaire d’avoir conscience que cette réponse émotionnelle est utile à une future acceptation de la maladie et devons accompagner le patient dans ce processus.

Suite au choc, de l’anxiété, de la peur et de l’angoisse ont été identifié par de nombreux chercheurs (Barker-Collo et al., 2006 ; Isaksson & Ahlström, 2006 ; Johnson, 2003 ; Koopman & Schweitzer, 1999 ; Miller, 1997 ; Dennison et al., 2010 ; Edwards et al., 2008 ; Irvine et al., 2009 ; Miller & Jezewski, 2001). Afin de diminuer ces sentiments, il est important que les infirmières (et les médecins) prennent le temps de donner des informations claires et adaptées aux capacités de compréhension du patient, concernant les examens médicaux et leurs interventions ainsi que répondre à leurs questions.

D’autres sentiments tels que l’incertitude, la tristesse, le désespoir, la colère, l’abandon et encore le soulagement ont également été relevé par ces mêmes auteurs. Ce tableau émotionnel reflète bien l’état de crise psychologique dans lequel se trouve le patient lors des prémices de la maladie. Le soignant a, dans ces moments, un rôle essentiel de soutien et de réconfort. Une attitude d’écoute empathique et de non-jugement peut alors favoriser la verbalisation de ces ressentis.

Aussi, dans certaines situations, il peut être judicieux de proposer un soutien par un psychologue.

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ES RELATIONS AVEC LES PROFESSIONNELS DE SANTÉ

Ces interactions nous ont semblé majoritairement difficiles. Aussi, certaines attitudes ou comportements de soignants, rapporté par des patients, nous ont questionnés.

C’est pourquoi, nous émettons l’hypothèse que les situations émotionnellement

difficiles pour les soignés ont un impact sur les soignants. Comme décrit

qu’infirmière, peut nous aider à prendre du recul par rapport à des réactions de patients pouvant nous paraître démesurées. Aussi, il est important d’avoir à l’esprit que ces réactions ne sont pas nécessairement dirigées contre nous, mais qu’elles constituent peut-être un moyen pour évacuer leur stress et leurs préoccupations. Dès lors, nous pouvons user d’attitudes et d’interventions visant à soutenir et à apaiser : soins relationnels sur la base d’une écoute active, de reformulation, d’empathie et de non jugement afin de favoriser l’expression des ressentis, de faire preuve de patience et de compréhension et de considérer comme réels les dires du patient. Il s’agit de leur donner de l’importance. D’autant plus que l’infirmière a un rôle de défense des intérêts du patient dans l’équipe interdisciplinaire. Elle doit veiller à ce que ses besoins soient également considérés par les autres professionnels (médecins entre autres).

Le diagnostic de SEP n’a pas toujours été révélé au patient, soit par omission volontaire du médecin soit par oubli de ce dernier (Miller, 1997, Miller & Jezewski, 2001 ; Edwards et al., 2008). Or, nous savons maintenant que la révélation du diagnostic, aux patients, apporte souvent un soulagement qui met un terme à la peur que leurs symptômes soient liés à une maladie mortelle ou terminale. C’est pourquoi, nous jugeons essentiel que les patients soient mis au courant de la SEP dès que le diagnostic est confirmé. Aussi, il peut être soutenant pour le patient d’avoir une personne de confiance à ses côtés au moment de l’annonce. Nous pourrions donc, si le patient le désire, organiser cette révélation à un moment où il peut être accompagné. De même, il pourrait être judicieux qu’une infirmière soit présente afin de pouvoir réexpliquer, si besoin, les dires du médecin ou répondre à d’éventuelles questions par la suite.

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INFORMATION

La sclérose en plaque est relativement méconnue du grand public ou remplie de

fausses croyances (Miller & Jezewski, 2001). Aussi, Barker-Collo et al., (2006) ont

mis en évidence une volonté des patients d’entendre parler de la SEP. Cependant, le

choc du diagnostic a affecté leur capacité à assimiler les informations ; ils ont été

incapables de faire face à des informations au moment son annonce. Maintenant

nous savons qu’il n’est pas utile de « bombarder » le patient d’informations à ce

moment-là. Cependant, le manque d’information a été relevé par Johnson (2003)

comme un élément contribuant à un sentiment d’abandon, d’isolement et

d’impuissance. Nous pensons alors qu’il pourrait être bénéfique pour les patients de rencontrer un professionnel de santé, lors d’un rendez-vous ultérieur, afin de recevoir une information adaptée sur la maladie et les options de traitement. Ce professionnel pourrait être un neurologue ou une infirmière travaillant dans un service de neurologie par exemple. En ne donnant aucune information, le risque est que la personne malade aille s’informer par elle-même, le plus souvent sur internet, et y trouve des informations pas forcément adaptées ou expliquées : elle peut alors être effrayée. Au minimum, nous suggérons de diriger le patient vers des sources d’informations sûres telles que certains ouvrages, le site internet de l’association nationale sur la SEP ou sa permanence téléphonique.

Un manque de compréhension au sujet des informations données par les professionnels de santé a été relaté (Koopman & Schweitzer, 1999). Il est essentiel, lorsque nous donnons une information ou un enseignement, de se renseigner, en premier lieu, sur les connaissances que possède déjà le patient sur le sujet et ensuite d’utiliser un vocabulaire clair et adapté à sa compréhension. Finalement, il s’agit de lui demander ce qu’il a compris de nos explications et de nous fournir la preuve qu’elles sont comprises ou non.

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IMPACT DE LA MALADIE

Diagnostiquée au début de l’âge adulte, la SEP engendre des conséquences sociales très différentes d’autres maladies neurologiques progressives intervenant plus tard dans la vie (Barker-Collo et al., 2006). C’est ici que notre rôle d’intermédiaire culturel prend tout son sens. En effet, nous n’avons pas, à nous seules, infirmières, les compétences pour prendre en charge la totalité des difficultés rencontrées par le patient dans la trajectoire de sa maladie. Toutefois, nous travaillons en interdisciplinarité et, de ce fait, pouvons l’orienter vers d’autres professionnels, experts dans leur domaine. Nous pensons qu’il serait judicieux de faire appel, entre autre, à une assistante sociale concernant les difficultés financières et celles liées l’emploi.

D’après Janssens et al., (2003), la qualité de vie des patients récemment

diagnostiqués est significativement moins bonne que celle de la population générale

et semble significativement corrélée à leur degré de handicap : ils montrent un

niveau d’anxiété et de dépression plus élevé que le reste de la population. Toujours

psychologue peut s’avérer utile afin d’éviter que des troubles psychologiques plus importants ne viennent s’ajouter à la SEP.

L’expérience de différentes pertes (liées aux capacités fonctionnelles entre autres) a été mentionnée par un auteur (Miller, 1997). En fonction de l’évolution de la maladie, elles peuvent se produire relativement tôt. Relié à ces pertes, des changements ont dû être apportés dans la vie des personnes atteintes par la SEP. Dans cette situation aussi, une approche interdisciplinaire nous semble essentielle. Par la prescription d’un traitement adapté, le médecin peut essayer de réduire le nombre de poussées, d’atténuer les symptômes et de ralentir la progression du handicap. Le physiothérapeute, quant à lui, travaillerait à tenter de faire récupérer au patient un maximum de ses capacités fonctionnelles. L’ergothérapeute jouerait un rôle dans l’adaptation de l’environnement du patient, si nécessaire, afin de lui garantir la meilleure indépendance possible. Le psychologue, comme déjà évoqué, peut aussi apporter un soutien émotionnel au patient dans les phases difficiles de la maladie.

L’infirmière, elle, possède les compétences d’aider le patient à adapter son mode de vie à ses capacités actuelles. Concrètement, cette adaptation peut passer par la programmation des activités à réaliser, en sélectionnant les plus importantes pour le patient et en y incluant des temps de repos. L’évitement des situations stressantes et/ou astreignantes, et la demande d’aide en font également partie. L’infirmière doit alors informer le patient et ses proches de l’existence de réseaux d’aide ; associations, réseaux de soutien, aide à domicile (ménage), etc. S’ils les acceptent, elle doit les accompagner dans ces démarches. En tant qu’infirmière, nous avons un rôle clé de gestion de cette prise en charge interdisciplinaire. En effet, par notre présence continue auprès du patient et nos échanges ponctuels avec ces différents professionnels, nous pouvons aisément faire circuler l’information et nous assurer que la prise en charge proposée soit en adéquation avec les besoins du bénéficiaire de soin.

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AJUSTEMENT À LA

SEP

Le processus d’ajustement à la maladie prend du temps (Dennison et al., 2010 ; Irvine et al., 2009 ; Isaksson & Ahlström, 2006 ; Miller, 1997). Il s’agit de garder cette indication à l’esprit lorsque l’on accompagne un patient récemment diagnostiqué.

Afin que notre accompagnement dans ce processus lui soit profitable, nous devons

accepter et respecter son rythme, ses besoins, ses peurs et ses retours en arrière en lui apportant un soutien inconditionnel.

Le soutien social a été jugé essentiel pour l’ajustement (Dennison et al., 2010).

D’ailleurs, le réseau social a été utilisé comme moyen d’adaptation (Miller &

Jezewski, 2001). Comme la SEP est une maladie de longue durée, la personne qui en est atteinte risque de faire plusieurs séjours dans un milieu de soins. Au cours de ceux-ci, les soignants doivent faire leur possible pour favoriser le maintien de ces liens sociaux. Il devrait être possible de regrouper les soins au maximum afin de libérer un temps pendant lequel la personne malade peut rencontrer ses proches, sans devoir être trop dérangée. La mise à disposition d’un petit salon en faveur de la personne hospitalisée, de son conjoint, de ses enfants ou de ses parents semble une opportunité profitable : elle leur procure un peu d’intimité. Il s’agit ainsi de mettre à l’écart, pour un temps, le côté aseptisé d’une chambre d’hôpital.

Les associations de patients peuvent offrir soutien, compréhension et conseils par le biais d’autres personnes concernées par la maladie mais sont aussi susceptibles de représenter une menace, surtout pour les personnes récemment diagnostiquées et ayant des atteintes minimes. Cette menace réside dans le fait d’être confronté, par la rencontre avec des patients plus gravement atteints, au rappel de l’invalidité que la maladie peut amener (Dennison et al., 2010 ; Miller, 1997). Ainsi, il n’est pas toujours aidant, pour un individu récemment diagnostiqué, d’être dirigé, dès le début de la maladie, vers ce type d’association.

Une attitude positive a été décrite comme fondamentale pour une adaptation réussie à la maladie (Dennison et al., 2010 ; Miller, 1997). Sachant cela, les infirmières devraient encourager à considérer « le verre à moitié plein, plutôt qu’à moitié vide ».

Autrement dit, il s’agit de valoriser les ressources et les capacités du patient plutôt que se centrer sur ses pertes et difficultés. Aussi, il est intéressant de constater que beaucoup d’individus ont indiqué un changement positif de leurs valeurs et priorités, suite au diagnostic (Barker-Collo, 2006 ; Dennison et al., 2010 ; Irvine et al., 2009).

Ces données peuvent servir à la pratique infirmière afin de proposer un peu d’espoir

aux personnes récemment diagnostiquées.

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