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4.2 Perspectives pour optimiser la réponse du système d’élevage à la problématique et apports de

4.2.1 Correction du pilotage pour optimiser la réponse à la problématique : perspectives

4.2.1.2 Perspectives pour préserver la santé des lapereaux

Dans notre travail, le taux d’énergie était invariant dans la ration des lapereaux. Cependant Fortun-Lamothe et al., (2006) ont montré qu’une distribution autour du sevrage (à 35 jours) d’un aliment riche en énergie (lipides) et en fibres avait des répercussions bénéfiques sur l’état sanitaire des lapereaux en croissance. En effet, le lait de lapine est très riche en lipides (13% du poids frais), et le jeune lapereau possède l’équipement enzymatique (lipases gastriques) approprié pour les digérer (Perret, 1980). Il peut donc digérer un aliment

riche en matières grasses. En effet, une substitution dans l’aliment péri-sevrage de l’amidon par des fibres et des graisses végétales augmenterait la digestibilité des fibres et des matières grasses ainsi que la croissance post-sevrage (Debray et al., 2001). L’incorporation de lipides dans l’aliment des lapereaux sevrés précocement pourrait faire l’objet de nouvelles stratégies alimentaires. L’influence des aspects qualitatifs (nature des acides gras) et quantitatifs (taux d’incorporation) de l’aliment sur la santé, l’ingestion, les performances de croissance et les capacités digestives des lapereaux devront être étudiés. L’évaluation des capacités digestives des jeunes lapereaux (digestibilité de l’aliment) a fait l’objet d’études récentes mais mérite d’être encore approfondi (Gallois, 2006). En effet, la méthode de référence (Méthode « Europe » ; Perez et al., 1995) est validée pour des animaux âgés d’environ 40 jours. Elle suppose que l’ingéré et l’excrété soient stables pendant la période de mesure. Mais ce n’est pas le cas pour des animaux jeunes autour du sevrage notamment entre 21 et 28 jours (Gallois, 2006).

Une ingestion plus précoce et plus importante d’aliment solide sous la mère permet de stimuler la maturation fonctionnelle du caecum du lapereau (Castellini et al., 2006b ; Nizza et al., 2002 ; Maertens et Piattoni, 2001) et d’améliorer sa santé digestive, son ingestion et sa croissance après le sevrage (Pascual, 2001). Des études plus spécifiquement orientées sur la stimulation de l’ingestion du jeune lapereau seraient pertinentes. L'appétence (arômes), la composition nutritionnelle (teneur en énergie, en fibres, en protéines, en sucres simples), ou les propriétés technologiques du granulé (taille, diamètre ou dureté) pourraient jouer un rôle important.

Différents additifs peuvent également être incorporés dans l’aliment pour améliorer la santé des lapereaux. L’ajout d’extraits enzymatiques (beta-glutanase, beta- xylanase, alpha-amylase, pectinase) dans l’aliment post-sevrage distribué à des lapereaux sevrés précocement (à 25 jours) jusqu’à 39 jours a permis de réduire la mortalité de 25 à 60 jours de 8 points (15% vs 7%) par rapport à la distribution d’un aliment non supplémenté (Gutierrez et al., 2002). Ces résultats nécessitent cependant d’être confirmés sans couverture antibiotique préventive (antibiotiques incorporés dans les aliments testés). Des essais d’incorporation de probiotiques ont également été réalisés. L’administration d’un mélange de probiotiques à base de bactéries du genre Lactobacillus, Streptococcus et de levure du genre Saccharomyces dans l’eau de boisson, a permis de réduire de plus de 50% (18% vs 8%) l’apparition des troubles digestifs après le sevrage, résultats de 4 expérimentations sur un total de 448 animaux (Hollister et al., 1989). Cependant El-Hindawy et al. (1994) n’ont pas observé d’effet de la supplémentation en probiotiques dans l’aliment sur la santé. En

revanche, ils ont mis en évidence une amélioration de la vitesse de croissance après le sevrage, en accord avec Trocino et al. (2005).

De plus, il serait judicieux d’aborder la santé du lapereau au niveau de l’écosystème digestif. La composition de la flore digestive (biocénose) et son interaction avec le milieu (biotope) nécessitent d’être étudiées. Dans cet objectif, l’origine de cette microflore symbiotique (flore maternelle et environnement) est une notion essentielle, notamment la transmission mère/jeune. En effet, Abécia et al. (2006) ont montré que l’utilisation d’antibiotiques chez les lapines modifie la composition de la flore chez les lapereaux. Ce dernier résultat est un nouvel élément indiquant les conséquences des pratiques d’élevage dans l’atelier maternité sur les animaux de l’atelier d’engraissement. Par ailleurs, dans une logique de développement durable et dans les perspectives d’évolution de la réglementation européenne, il est nécessaire de réaliser des travaux portant sur les besoins nutritionnels des lapereaux en l’absence d’utilisation d’antibiotique à la fois chez les lapereaux étudiés mais aussi chez les mères dont ils sont issus. Une partie des effets contradictoires de la composition de l’aliment sur la santé des jeunes lapereaux pourrait être expliquée par cette différence de méthode.

Conclusion

A partir du modèle conceptuel proposé (Figure 9), plusieurs pistes de recherches pourraient permettre d’affiner le pilotage du système d’élevage cunicole vers la résolution de notre problématique (Figure 11). Tout d’abord, nous proposons l’intégration d’un atelier « élevage des futures femelles reproductrices » piloté par un levier alimentaire qualitatif et/ou quantitatif en interaction avec le levier « âge à la première IA » qui module l’entrée des futures femelles reproductrices dans l’atelier maternité. Les répercussions de l’action de ces deux leviers doivent être évaluées dans cet atelier (sur la croissance et la santé des jeunes femelles), mais également sur la réponse des variables d’état des deux ateliers en aval (maternité et engraissement) et à différentes échelles temporelles (appréciation de la persistance des effets avec la parité).

Figure 11 : Schéma conceptuel dynamique du fonctionnement du système d’élevage cunicole : stratégie de résolution de notre problématique

Ensuite dans l’atelier maternité, l’influence du rythme de reproduction mérite d’être confirmé dans un contexte sanitaire plus favorable à l’échelle de plusieurs cycles de reproduction. L’impact du rythme de reproduction (à 56 jours) en interaction avec un âge au sevrage moins précoce (25-28 jours) sur les performances de reproduction, l’état corporel et la longévité des femelles requiert d’être déterminé. Nous proposons une nouvelle variable d’état, le bilan énergétique, pour mesurer les effets de ces nouveaux leviers.

Les conséquences de l’action de ces leviers dans l’atelier engraissement nécessiteront une appréciation à l’échelle de plusieurs cycles (estimation des effets avec des lapereaux issus des différentes parités). Enfin, dans l’atelier d’engraissement, l’évaluation des effets d’un âge au sevrage précoce et de l’alimentation post sevrage sur la croissance et la santé des jeunes nécessite de plus amples investigations dans un contexte sanitaire moins défavorable que celui rencontré au cours de ce travail (détermination des besoins en fibres, protéines et lipides des lapereaux). De nouvelles stratégies alimentaires pourraient également être testées (incorporation d’additifs : extraits d’enzymes, pro biotiques …). Le passage à un niveau

d’organisation inférieur (écosystème digestif) semble être nécessaire pour appréhender la santé digestive du lapereau. Et dans cet objectif, il serait nécessaire d’étudier la transmission de la flore maternelle à sa descendance et les relations entre la composition de l'écosystème digestif de la mère et celle du lapereau.

Ces perspectives rendent compte des nombreux pilotages possibles et imaginables offerts par une vision globale, pluridisciplinaire d’une problématique.