Nous allons poursuivre l’application de la technique de transfert pour déterminer des
sections efficaces de fission des noyaux suivants :
238Pu(T
1/2=87ans),
240Am(T
1/2=2.1
jours) et
242Am(T
1/2(gs)=16 heures) dont une mesure directe par neutrons s’avère difficile
(
238Pu(n,f)) ou irréalisable (
240,242Am(n,f)).
Une évaluation récente de plusieurs isotopes du Plutonium effectuée à Bruyères le Châtel
(voir cours d’E. Bauge dans cette école) a mis en évidence une incohérence de la section
efficace de fission du
238Pu induite par des neutrons d’énergie comprise entre 6 et 20
MeV. Dans cette gamme d’énergie il existe seulement deux mesures et la plus complète
propose des sections efficaces de fission (2,8 barns) du même niveau que la section
efficace de réaction alors que les voies (n,2n), (n,3n) et de pré-équilibre sont ici en
compétition avec la fission. Nous proposons de reprendre ces mesures à partir de la
réaction de transfert suivante :
237Np(
3He,p)
239Pu, pour mesurer la probabilité de fission
du système
239Pu. La période du noyau cible
237Np est de 2,1⋅10
6ans. Même si notre
objectif principal est la section efficace du
238Pu, nous allons pouvoir exploiter les trois
autres voies de transfert en même temps que la voie proton et déterminer les sections
efficaces (n,f) du
236Pu(T
1/2=2.9 ans)
237Pu(T
1/2=45 jours) et du
235Np(T
1/2=396 jours).
La faisabilité de l’incinération du noyau
241Am bute encore sur le manque de fiabilité des
données neutroniques concernant les noyaux lourds voisins produits lors de son
incinération. C’est le cas pour les noyaux
240Am et
242Am dont les données évaluées
proviennent de calculs sans validation expérimentale. L’
240Am est produit par la réaction
241
Am(n,2n). Il se désintègre (par capture électronique) vers le
240Pu. L’
242Am est formé
par capture de neutron sur l’
241Am dans son état fondamental (T
1/2=16 heures) ou dans un
état isomérique dont la durée de vie est plus longue (T
1/2=141 ans) que l’état
fondamental. La désintégration (β
-) de l’état fondamental conduit à la formation du noyau
242
Cm. Ces deux noyaux, d’accès difficile par capture de neutron le sont plus facilement
par réaction de transfert. Pour accéder à la section efficace
240Am(n,f) nous allons utiliser
la cible d’
243Am et un faisceau de protons, à partir du transfert de deux neutrons de la
cible au projectile nous formons l’
241Am (réaction
243Am(p,t)
241Am). L’utilisation d’une
cible de
242Pu devrait nous permettre d’obtenir les sections efficaces (n,f) des noyaux
241-243
Am et
240Pu. Le noyau
241Am est commun à cette mesure et à celle que nous avons
réalisée précédemment avec la cible d’
243Am. Ce recouvrement est un élément essentiel
de validation de la méthode. L’ensemble des noyaux que nous envisageons d’étudier est
représenté dans la carte de noyaux de la figure 9.
242Cm 243Cm 244Cm 240Am 241Am 242Am 243Pu 239Pu 240Pu 243Am 245Cm 241Pu 242Pu 244Am 241Cm 241Np 240Np 239Np 245Bk 244Bk 243Bk
N
Z
238Np 237Np 235Np 236Np 238Pu 237Pu 236Pu 239Am 238Am 241Cm 241Cm Cible 243Am Cible 242Pu Cibles 243Am,242Pu Mesuré Cible 237NpFigure 9 : Extrait du tableau des nuclides où nous avons marqué les noyaux auxquels
nous aurons accès à partir d’expériences utilisant les réactions de transfert avec différents
cibles ainsi que les noyaux déjà mesurés.
Comme nous l’avons expliqué plus haut, jusqu'à présent la méthode surrogate appliquée à
la capture radiative n’a pas pu être validée. Une telle validation est particulièrement
importante, car les mesures de capture se font à plus basse énergie que la fission et les
effets de structure, c’est à dire, les différences de distributions de moment angulaire
peuplés par l’absorption d’un neutron et par la réaction de transfert, peuvent se manifester
de façon plus dramatique que dans la fission. Il est donc nécessaire de trouver des noyaux
auxquels on peut accéder par des réactions de transfert comme celles que nous avons
utilisées et pour lesquels les sections efficaces de capture radiative sont bien connues.
Puisque l’applicabilité de la méthode dépend de la structure nucléaire du noyau composé
formé, chaque cas est en principe unique. Par conséquent, pour que la validation soit la
plus complète possible, il faudrait considérer différentes réactions de transfert et
différents types de noyaux cibles pour former des noyaux composés pair-pair, pair-
impair, impair-impair dans différentes régions de masse et avec des distributions de
spin/parité différentes. Ceci est un travail très complexe auquel nous voudrions contribuer
dans le futur.
Une version plus sophistiquée de notre dispositif va être mise au point au GANIL [13].
C’est un projet dans lequel nous voudrions nous impliquer de façon importante et dont
l'objectif est de mesurer pour la première fois les distributions isotopiques complètes des
fragments de fission d'un nombre important d'actinides allant de l’
237U jusqu'au
247Cm à
des énergies d'excitation allant de 0 à 40 MeV. Les distributions isotopiques des produits
de fission jouent un rôle très important dans l’incinération des actinides mineurs car elles
ont un fort impact sur le flux de neutrons dans un réacteur. En effet, la proportion de
neutrons retardés, le nombre de noyaux neutrophages dans le cœur, ainsi que la chaleur
dégagée sont directement connectés aux distributions isotopiques des produits de fission.
Ces distributions deviennent alors essentielles quand il s'agit d'incinérer les actinides
mineurs, car des quantités importantes de ces déchets seront introduites dans le cœur des
réacteurs incinérateurs. Cependant, pour les actinides mineurs les distributions
isotopiques des produits de fission sont mal connues. En général seules les distributions
en masse ont été mesurées, et cela seulement à des énergies de neutrons thermiques ainsi
qu’à 14 MeV. De même, les distributions en charge ont été déterminées seulement pour
une partie des fragments de fission, et uniquement pour une gamme limitée d'actinides.
Ces mesures sont également d’un intérêt considérable pour la physique nucléaire fondamentale et en particulier pour l’amélioration de nos connaissances sur le processus de fission. Son intérêt est double: d’un côté, les distributions isotopiques et leur évolution avec l'énergie d'excitation vont permettre de répondre à la question encore ouverte sur les effets de couches dans le processus de fission. D’un autre côté, la variation avec l'énergie d'excitation des effets pair-impair de ces distributions est directement liée à la dépendance de la viscosité du noyau avec l'énergie d'excitation. Du point de vue technique,