La section efficace d’une réaction induite par neutrons est donnée par la relation
suivante :
(
,)
( ) reac n n n cible N E reac E N tσ
= Φ ⋅ ⋅ Δ(1)
où N
reacest le nombre total de réactions détectées au cours du temps Δt, N
cibleest le
d’énergie E
narrivant sur celle-ci. Nous allons voir dans cette section deux méthodes
différentes pour déterminer expérimentalement des sections efficaces neutroniques.
La méthode directe et ses limites
La méthode la plus utilisée pour mesurer une section efficace neutronique, et que je vais
appeler la méthode directe, consiste à placer une cible sous un flux de neutrons et
mesurer les quantités qui composent l’équation (1). Pour mesurer N
reac(par exemple le
nombre total de fissions) on utilise un détecteur adapté à la réaction qui nous intéresse.
En général, celui-ci ne permet pas de détecter le nombre total de réactions. Il est donc
important de bien connaître son efficacité pour pouvoir estimer le nombre total de
réactions qui ont eu lieu à partir du nombre de réactions mesurées. La détermination du
flux de neutrons constitue une des grandes difficultés des mesures neutroniques. À cause
de son absence de charge, le neutron n’ionise pas la matière lors de son passage dans un
matériau. La méthode la plus couramment appliquée pour le détecter utilise des réactions
nucléaires dites de référence. Dans ce cas, le neutron est détecté à partir d’une réaction
secondaire accompagnée de l’émission d’une particule chargée ou d’un photon. Dans la
plupart des cas, les sections efficaces de fission induites par neutrons sont mesurées en
utilisant la section efficace de fission du noyau
235U (
235U(n,f)) comme référence. La
précision de la section efficace de fission se situe au voisinage de 5% dans le domaine
des neutrons rapides. Cependant, au CENBG nous utilisons comme réaction de référence
la diffusion élastique du neutron sur proton qui est connue avec une précision d’environ
0.5% sur une grande plage d’énergies. Nous avons utilisé cette réaction pour déterminer
la section efficace de fission du noyau
243Am, (voir contribution à cette école, résumé du
séminaire de G. Kessedjian).
La méthode directe devient très compliquée quand il s’agit de mesurer des sections
efficaces de noyaux de très courte période, comme certains actinides mineurs. Les
problèmes rencontrés sont les suivants :
-À cause de la forte radiotoxicité de ces noyaux, il y a très peu d’unités spécialisées
capables de fabriquer des cibles. D’ailleurs, la matière avec laquelle les cibles sont
fabriquées provient du combustible usé de réacteurs. Une séparation isotopique poussée
est donc nécessaire pour éliminer les impuretés.
-L’activité de la cible ne doit pas dépasser la limite en vigueur sur le site expérimental où
seront produits les neutrons. Cette contrainte fait que pour certains noyaux de très courte
durée de vie, seules des cibles de très faible épaisseur seront utilisables, ce qui se traduit
par des temps de mesure extrêmement longs.
-La plupart des actinides mineurs riches en neutrons présentent une très forte activité
alpha, et dans certains cas fissionnent spontanément. Cette forte activité génère un bruit
de fond qui peut se mélanger avec les signaux d’intérêt.
Méthode indirecte : la méthode « surrogate »
Pour contourner ces difficultés, nous nous sommes orientés vers une approche originale
proposée au début des années 1970 par Cramer et Britt [1]. Cette méthode est connue
dans la littérature comme « the surrogate method » en français « la méthode de
substitution ». Son principe est présenté schématiquement sur la figure 1.
n + A-1
Réaction induite par neutrons Réaction de transfert
w
X + y
(A)*
Capture radiative Fission
Figure 1 : Représentation schématique de la « méthode surrogate ». La réaction de
substitution est ici une réaction de transfert du type X(y,w)A*. Les voies de désexcitation
du noyau A*, par fission et capture, sont aussi représentées.
La partie gauche de la figure 1 illustre une réaction induite par neutrons sur la cible A-1.
Suite à l’absorption d’un neutron le noyau A est formé avec une certaine énergie
d’excitation E*. Le noyau A peut se désexciter selon différents canaux: par fission, par
émission de rayonnements γ ou de neutrons, etc. Le principe de la méthode surrogate est
de produire le noyau A à partir d’une réaction de transfert
2(à un ou plusieurs nucléons)
entre le projectile y et une cible X. Dans la réaction de transfert, la formation du noyau A
est accompagnée d’un éjectile w. Ceci est indiqué dans la partie droite de la figure 1.
Puisque la réaction (y+X→A+w) est une réaction à deux corps, par conservation de
l’énergie et de l’impulsion, nous pouvons déduire l’énergie d’excitation E* du noyau A
en mesurant l’énergie cinétique et l’angle d’émission de l’éjectile w (la valeur de Q
correspondant à la réaction de transfert est en général bien connue). La détection en
coïncidence d’un des fragments de fission du noyau A* et de l’éjectile w donne accès à la
probabilité de fission
( , ),expA t f
P
du noyau A produit dans la réaction de transfert X(y,w)A.
Nous pouvons alors remonter à la section efficace de fission σ
finduite par neutron sur le
noyau A-1 à l’aide de la relation :
,exp 1 ( , )
( )
( )
A( *)
A A t f fE
n NCE
nP
σ
−σ
⋅
E
(2)
où
est la section efficace de formation du noyau A à partir de l’absorption par le
noyau A-1, d’un neutron d’énergie E
n. Grâce aux progrès récents réalisés dans le cadre du
A NC
σ
2 Dans ce travail nous allons considérer comme réactions de substitution les réactions de transfert. D’autres
travaux basés sur la technique surrogate utilisent des réactions de diffusion inélastique comme réactions de substitution (voir par exemple J.A. Church et al., Nucl. Phys. A 738 (2005) 126c).
modèle optique, σ
NCpeut être calculé avec une précision d’environ 10%. Dans nos
travaux, σ
NCprovient des calculs du modèle optique microscopique développé par le
groupe de physique théorique de Bruyères le Châtel [2]. La relation entre l’énergie du
neutron incident E
net l’énergie d’excitation E* du noyau fissionnant A s’écrit :
* 1 n n A E B E A − = + ⋅
(3)
où B
ndésigne l’énergie de liaison du dernier neutron dans le noyau A.
On peut appliquer la méthode de transfert pour obtenir des sections efficaces autres que la
fission. Par exemple, si on s’intéresse à la section efficace neutronique de capture du
noyau A-1, il faut mesurer la probabilité d’émission gamma
du noyau A produit par
transfert. La démarche décrite ci-dessus permet alors d’obtenir la section efficace de la
réaction A-1(n,γ).
exp , ) , ( A tP
γLa méthode surrogate est particulièrement intéressante quand la cible X est moins
radioactive ou d’accès plus facile que la cible A-1. Par exemple, nous avons utilisé la
réaction de transfert (
3He+
232Th
→ p+
234Pa) pour déterminer les sections efficaces
neutroniques de fission [3] et de capture [4] du
233Pa dont la période est de seulement 27
jours (activité spécifique de 0.8 Gbq/μg !), alors que la période du noyau
232Th est de
1,4⋅10
10ans.
La validité de la méthode surrogate
L’équation (2) est le résultat d’une approximation dont la validité va être discutée dans
cette section. La probabilité de fission que nous mesurons à partir de la réaction de
transfert est donnée par la relation:
( , ) ,
( *, , )
( *, , )
t f t f JP
F E J
P E J
ππ
π
=∑
⋅
(4)
Où ( *, , )F E J
tπ
représente la probabilité de former le noyau composé A avec une énergie
d’excitation E*, un spin J et une parité π à partir d’une réaction de transfert.
P E Jf( *, , )π
désigne la probabilité de fission du noyau A dans cet état quantique. Dans le cas d’une
réaction induite par neutrons la section efficace de fission est :
, , ( *, , ) ( *, , ) n f n f J E J P E J π
σ
=∑σ
π
⋅π (5)
où ( *, , )σ
nE J
π
est la section efficace de formation du noyau composé dans l’état
quantique défini par E*, J et π par absorption d’un neutron. Dans le cadre d’un modèle
statistique basé sur le concept du noyau composé, la désexcitation du noyau est
indépendante du mécanisme de réaction qui a servi à le produire. Pour cette raison, la
probabilité de fission P
fest la même dans les deux équations précédentes. En revanche,
par capture de neutron et par réaction de transfert. La distribution d’états J
πpeuplés par
une réaction est le résultat du couplage du moment angulaire transféré l avec les moments
angulaires de la particule absorbée et de la cible. Les différences entre les deux
mécanismes de réaction sont illustrées dans la figure 2 où sont représentés des calculs de
distributions du moment angulaire transféré l dans divers types de réactions. Pour les
réactions induites par neutron, l’exemple présenté concerne la réaction
233Pa(n,f). Les
distributions ont été calculées pour plusieurs énergies de neutrons (de 1 à 5 MeV) par [5].
Ces distributions sont comparées aux distributions calculées par B. B. Back et al. [6]
pour les trois réactions de transfert les plus utilisées dans les études de probabilités de
fission. Ces trois distributions ont été calculées pour une énergie d’excitation des
systèmes fissionnants de 5.5 MeV. On remarquera que pour des énergies de neutron
inférieures à 2 MeV, les moments angulaires transférés l par réactions de transfert, sont
en général plus grands que ceux transférés par capture de neutron l
n. À plus haute énergie
(E
n≳ 2 MeV) ces différences s’atténuent et les moments angulaires transférés deviennent
comparables.
(J.P. Delaroche et al. (2002)) En=1 MeV En=2 MeV En=3 MeV En=5 MeVl
0 2 4 6 8 0 2 4 6 8 0 2 4 6 8 0 2 4 6 8 <l>~2.5 <l>~4 <l>~1 <l>~3 (t,p) (d,p) (3He,d) (B.B. Back et al. (1974)) <l>~3 <l>~4 <l>~4l
l
l
l
l
eutrons à différents énergies (haut-gauche) [5] et par diverses réactions de
ansfert [6].
rticule
l
Figure 2 : Distributions du moment angulaire transféré l calculées pour des réactions
induites par n
tr
Notons cependant que, même quand les moments angulaires transférés sont similaires, le
moment angulaire total du noyau A produit par transfert peut être différent de celui induit
par absorption d’un neutron si les moments angulaires de la cible et de la pa
transférée associées à la méthode surrogate et à la méthode directe sont différents.
La relation (2) peut donc s’avérer incorrecte car en principe la probabilité de fission du
noyau A, produit par une réaction de transfert
Pt f,diffère de la probabilité de fission du
noyau A formé par capture de neutron. En revanche, quand les probabilités de fission P
fnt indépendantes de J
π, l’équation (4) devient :
so
( , ) ,
( *)
( *, , )
( *)
t f f t f JP
P E
F E J
P E
ππ
=
⋅∑
=
(6)
car
, ( *, , ) t J F E J ππ
∑
=1. Dans ces conditions, les relations (2) et (5) sont équivalentes.
Nous allons maintenant étudier plus en détail ce cas limite (P
f(E*, J,π)=P
f(E*)). Pour
simplifier, nous supposerons que le noyau A* ne se désexcite que par fission, émission de
neutron (diffusion inélastique) ou émission γ. Dans le cadre du modèle statistique, la
probabilité de fission P
f(E*, J
π) est donnée par la relation suivante:
( *,
)
( *,
)
( *,
)
( *,
)
( *,
)
f f n fE J
P E J
E J
E J
E
π πJ
π π γΓ
=
Γ
+ Γ
+ Γ
π(7)
où Γ
f, Γ
net Γ
γdésignent respectivement les largeurs partielles de fission, d’émission d’un
neutron et d’émission γ de l’état (J
π). Les largeurs Γ
net Γ
γsont obtenues en sommant
tous les niveaux J
πdes noyaux résiduels A-1 et A énergétiquement accessibles. En
général, Γ
γ<< Γ
net la probabilité de fission est dominée par le rapport Γ
f/Γ
n. La largeur
de fission dépend de la densité des niveaux (J
π) aux sommets de la double barrière de
fission. Ces niveaux constituent les états de transition par lesquels le noyau franchit cette
double barrière de fission. Pour des énergies d’excitation inférieures à l’énergie
d’appariement (énergie nécessaire pour briser une paire de nucléons, soit ~1.5MeV) ces
états de transition sont discrets. Pour des énergies d’excitation supérieures à l’énergie
d’appariement ces nivaux discrets deviennent suffisamment nombreux pour les traiter de
façon statistique et les remplacer par une densité continue ρ(E*, J
π). Cette région est
généralement appelée le « continuum ». Dans cette région, la densité de niveaux peut
s’écrire :
2 2 3
1
1
1 2
1
2
( *, , )
( ) ( *)
exp
( *)
2
2
8
2
J
J
E J
R J w E
w E
ρ
π
σ
πσ
⎡
⎛
⎞
⎤
+
⎢
⎜
⎟
⎥
+
⎢
⎝
⎠
⎥
=
=
−
⎢
⎥
⎢
⎥
⎣
⎦
(8)
où w(E*) donne la densité d’états dans le continuum. La distribution de spin R(J) est
représentée par une gaussienne caractérisée par la variance σ qui est le paramètre de spin
« cut off ». Pour des énergies d’excitation supérieures à l’énergie d’appariement, les
densités de niveaux aux sommets des barrières de fission et celles du noyau résiduel A-1
ont des distributions de spin R(J) suffisamment proches pour considérer que le rapport
Γ
f/Γ
ndevient indépendant du moment angulaire J. Dans ces conditions, le rapport Γ
f/Γ
nest dominé par le rapport des densités de niveaux w(E*) dans les voies de désexcitation
fission et neutron, les probabilités de fission P
f(E*, J
π) ne dépendent alors plus de J
π. Cet
effet est illustré par la figure 3 pour le noyau composé
236U étudié récemment par W.
Younnes [7]. Les calculs représentent la probabilité de fission pour différentes valeurs de
J
πen fonction de l’énergie d’excitation du noyau
236U. On remarquera qu’à partir d’une
énergie d’excitation d’environ 9 MeV (E
n~2.5 MeV) les probabilités de fission P
f(E*, J
π)
de l’énergie d’appariement), la fission du noyau A se produit à travers les états de
transition discrets dont la population va dépendre du mécanisme de réaction utilisé pour
produire le noyau A. On peut conclure que notre méthode basée sur la relation (2),
s’applique à des énergies d’excitation où la désexcitation du noyau A est dominée par des
densités de niveaux continus. Pour les réactions de transfert où le noyau fissionnant A est
un noyau pair-pair, la sélectivité du mécanisme de réaction vis-à-vis de la population des
états J
πpeut conduire, à basse énergie d’excitation, à des probabilités de fission
différentes de celles mesurées par capture de neutrons [7, 8]. Une étude très récente basée
sur le modèle statistique [9] montre qu’à haute énergie d’excitation, les probabilités de
fission de
236U peuvent encore dépendre du moment angulaire J si celui-ci est supérieur
au paramètre de spin «cut-off » de la distribution de spin R(J), dont la valeur est
d’environ 6 à 7ħ pour les actinides.
4 5 6 Bn 7 8 9 E*/MeV
Pf
Figure 3 :
Probabilité de fission calculée pour le noyau
236U pour différents états J de
parité positive [7]. B
nest l’énergie de liaison du neutron pour
236U.
En conclusion, la relation (2) ne peut être utilisée que pour des réactions de transfert où
le moment angulaire moyen transféré diffère peu de celui des réactions de capture de
neutron. En ce qui concerne les réactions de transfert induites par ions légers, les
populations de moments angulaires sont encore mal connues (le dernier calcul date de
1974 [6]). Un effort important des théoriciens et des expérimentateurs pour déterminer
ces distributions s’avère indispensable.
Le partie gauche de la figure 4 montre la section efficace de fission induite par neutrons
du
233Pa déduite à partir de la réaction de transfert
3He+
232Th→p+
234Pa* [3]. Elle est
comparée à deux mesures directes [10, 11] qui ont été réalisées après les mesures du
CENBG. Le graphique montre qu’au seuil de fission, qui est en principe une des zones
critiques où il peut y avoir des différences entre la méthode surrogate et la méthode
directe, il y a un très bon accord entre les mesures du CENBG et les mesures directes. Le
noyau
234Pa étant un noyau impair-impair, le bon accord trouvé implique que les
moments angulaires du noyau
234Pa mis en jeu dans la réaction de transfert sont
relativement faibles. La section efficace de capture radiative du
233Pa est représentée sur
la partie droite de la figure 4 [4]. Elle a été mesurée par le groupe du CENBG en utilisant
la même réaction de transfert que dans [3]. La mesure a été comparée avec deux
évaluations et un calcul réalisé à partir d’un modèle statistique développé au CENBG [3].
Ce modèle reproduit beaucoup mieux la dépendance des données avec l’énergie que les
deux évaluations. Ceci provient du fait que les calculs du CENBG contiennent des
paramètres fondamentaux du
234Pa, comme par exemple les paramètres des barrières de
fission ou les gaps d’appariement, qui ont été obtenus à partir de la comparaison de notre
modèle avec les sections efficaces expérimentales de fission obtenues en appliquant la
méthode surrogate. N’ayant pas d’autres données expérimentales de section efficace de
capture autres que celles du CENBG pour le noyau
233Pa, la méthode de transfert n’a pas
pu être comparée à la méthode directe pour cette voie de desexcitation.
En [MeV] σf [b] σγ[b] En [MeV] CENBG CENBG Ref. [11] Ref. [10]
Figure 4 : Section efficace neutronique de fission du
233Pa (gauche) [3] en comparaison
avec les mesures directes de Geel [10, 11] et des évaluations. Section efficace
neutronique de capture du
233Pa (droite) [4] en comparaison avec des évaluations et le
modèle statistique du CENBG [3].
Mesures des sections efficaces de fission des isotopes de Cm et Am
Nous avons utilisé récemment la technique surrogate pour déterminer les sections
efficaces neutroniques de
242,243,244Cm et de
241Am, dont les demi-vies sont
respectivement 163 jours, 29 ans, 18 ans et 432 ans. Pour cela nous avons utilisé un
faisceau de
3He à 30 MeV et une cible de
243Am qui a une période de 7370 ans. Dans une
réaction de transfert il y a différentes combinaisons de nucléons qui peuvent être
échangés entre le projectile et la cible. Selon les nucléons échangés, différentes voies de
transfert vont être peuplées. La figure 5 montre pour la réaction
3He+
243Am les quatre
canaux de transfert que nous avons considérés. Chaque voie de transfert est caractérisée
par un éjectile. Si l’on identifie l’éjectile en masse et en charge nous pouvons déduire la
charge et la masse du noyau composé formé. Par exemple, le transfert d’un proton du
projectile
3He à la cible permet de former le noyau
244Cm, l’éjectile associé étant un
deuton (
243Am(
3He,d)
244Cm). D’après l’équation (2), si l’on mesure la probabilité de
fission du
244Cm en fonction de E* on peut alors remonter à la section efficace
neutronique
243Cm(n,f) en fonction de E
n. De la même façon, le transfert d’un deuton
donne le
245Cm plus un proton (
243Am(
3He,p)
245Cm), et ainsi de suite. La figure 5 illustre
bien un des grands avantages de l’utilisation d’une réaction de transfert qui permet la
détermination de plusieurs sections efficaces simultanément, c’est à dire avec une
combinaison unique cible-projectile et une seule énergie du projectile. Il faut noter par
ailleurs que l’énergie disponible dans la collision (énergie du projectile E
prplus le Q de
réaction moins l’énergie du recul du noyau composé E
r) est partagée entre l’énergie
d’excitation du noyau composé et l’énergie cinétique de l’éjectile (nous considérons que
l’éjectile reste toujours dans l’état fondamental). La probabilité de former le noyau
composé avec une énergie d’excitation E* suit une distribution qui est déterminée par
l’espace de phase disponible à chaque E*. L’énergie restante E
pr+Q-E
r-E* sera l’énergie
cinétique de l’éjectile. Par conséquent, il n’y a pas qu’une seule énergie d’excitation
possible pour le noyau formé comme c’est le cas pour un noyau composé produit après
absorption d’un neutron, mais toute une distribution. Cela signifie qu’avec une énergie du
projectile fixe, la méthode surrogate permet de remonter à des sections efficaces
neutroniques en fonction de E
n.
242Cm 244Cm 243Cm 245Cm 243Am n + 3He 242Am (3He,p) (3He,d) (3He,t) (3He,α) 241Am n + n + 243Cm 244Cm n +Figure 5 : Différentes voies de transfert peuplées dans la réaction
3He+
243Am et leurs
sections efficaces neutroniques associées.
Détermination de la probabilité de fission
Nous avons effectué ces mesures auprès de l’accélérateur Tandem de l’IPN Orsay qui
fournit le faisceau de
3He à 30 MeV. La figure 6 montre une vue de dessus du dispositif
expérimental. Il est composé d’un détecteur de fission fait à partir de cellules
photovoltaïques et de deux télescopes Si situés à 90 et 130 degrés par rapport à l’axe du
faisceau. Le détecteur de fission est composé de 15 cellules photovoltaïques réparties en
cinq plans disposés sur un cylindre. Ce cylindre est perpendiculaire au plan de réaction
défini par le faisceau et les télescopes. La répartition des plans de cellules est choisie pour
mesurer la distribution angulaire des fragments de fission par rapport à l’axe moyen du
noyau de recul. Le cinquième plan est placé 180º du premier, il complète la distribution
angulaire aux angles arrières. Les télescopes servent à détecter et identifier les éjectiles.
Lorsque le noyau composé associé à l’éjectile détecté fissionne, un des fragments de
fission est détecté en coïncidence par les cellules photovoltaïques.
Fragment
de fission
243Am-cible
ΔE
E
3He(30 MeV)
(x= p,d,t,α)
Détecteur de
fission
Télescopes Si
Figure 6 : Dispositif expérimental utilisé pour la détermination des probabilités de
fission.
Le spectre bidimensionnel situé dans la partie gauche de la figure 7 représente la perte
d’énergie des éjectiles en fonction de l’énergie résiduelle mesurée dans un des télescopes.
Cette représentation nous permet d’identifier les éjectiles associés aux différentes voies
de transfert. Comme déjà expliqué précédemment, la nature de chaque particule légère
éjectée signe la formation d’un noyau composé spécifique. Par exemple, la détection d’un
Dans le document
Fission, réacteurs, déchets et prospectives (document de 2006)
(Page 180-191)