1.1- Schéma d’un réacteur hybride
Partons du schéma d’un réacteur hybride (Fig 1). Le faisceau de l’accélérateur (typiquement
des protons de 1 GeV avec des intensités de 20 mA à 100 mA) est arrêté par une cible
massive de matériaux lourd (Pb-Bi, W ou Hg) et produit par spallation de 25 à 30 neutrons
par proton incident. Ces neutrons vont agir sur le réacteur sous critique comme une source
externe permettant ainsi d’atteindre la criticité. Il est donc de première importance de
caractériser cette source de neutrons pour le réacteur (nombre de neutrons, spectres en énergie
et en angle d’émission). Ceci demande une connaissance des sections efficaces doublement
différentielles pour les protons à l’énergie du faisceau sur les noyaux utilisés pour la cible,
mais aussi pour les réactions secondaires (essentiellement les protons, neutrons et pions
produits lors des réactions précédentes, donc à des énergies de plus en plus basses).
Le faisceau de protons traverse inévitablement une fenêtre de séparation entre le vide dans
l’accélérateur et le milieu ambiant dans le réacteur. Cette fenêtre est une des difficultés des
réacteurs hybrides car elle doit tenir mécaniquement malgré la fragilisation induite par le
faisceau intense de protons. Selon le type de concept elle peut être plus ou moins proche du
réacteur. Elle peut être alors soumise également au flux des neutrons de la cible de spallation
et du réacteur. Elle est même parfois au contact avec la cible de Pb-Bi fondu ce qui ajoute les
problèmes de corrosion par le plomb.
Fig 1 :
Schéma de principe d’un réacteur hybride.Les réactions de spallation
dues au faisceau sont
inévitables et donc à
étudier. Les choix
technologiques sont des
aciers dans lesquels les
noyaux principaux sont le
fer, le nickel et le chrome.
Ces matériaux entreront
également dans la
fabrication du conteneur
de la cible de spallation
(Pb-Bi fondu par
exemple). Les neutrons
émis par la cible de
spallation peuvent atteindre plusieurs centaines de MeV et induire des réactions de spallation
dans le conteneur, dans les matériaux de structure du réacteur (métaux légers comme
l’aluminium) et dans la partie combustible (métaux lourds, actinides) induisant de ce fait des
fissions de haute énergie.
Une bonne connaissance de la spallation permet de connaître la nature et la quantité des
noyaux résiduels produits dans la cible, la fenêtre et les structures. Ceci permet de connaître
les quantités et nature d’impuretés chimiques accumulées et l’activation des structures
(décroissances radioactives des isotopes produits). Aux effets chimiques s’ajoute la
fragilisation des matériaux. Il est possible de mesurer et de calculer l’énergie de recul des
intense faisceau de protons flux de neutrons extraction Alimentation Produits stables Vers réseau d’énergie en déchets
accélérateur
cible de spallationen métal lourd Sortie par lot et/ou chimiques avancées séparations énergie électrique de transportboucle
Réacteur
sous critiq
à vie longueue
ou à vie courtenoyaux résiduels de spallation qui contribue fortement à cette fragilisation des structures
cristallines et de donner des valeurs réalistes de DPA (nombre de déplacements par atome
dans des conditions données).
Enfin la production de gaz en particulier d’hélium non soluble dans les métaux doit être bien
connue. La formation de tritium est à prendre en compte pour la radioprotection. Ces gaz
peuvent former des bulles dans l’épaisseur des structures et contribuer à leur fragilisation.
1.2- Energies des particules incidentes
Quelle énergie pour les particules incidentes ? Le choix autour de 1 GeV pour le faisceau de
protons de l’accélérateur vient de l’optimisation du nombre de neutrons produits. Si on trace
le nombre de neutrons produits par proton en fonction de l’énergie des protons ce nombre ne
cesse de croitre (Fig 2 haut). Cette courbe s’infléchit cependant en s’écartant de plus en plus
d’une croissance linéaire car avec l’énergie, les seuils de production de mésons de plus en
plus lourds sont dépassés, et une part croissante de l’énergie du faisceau se perd dans ces
réactions. Il est plus réaliste de tracer le nombre de neutrons produits par unité d’énergie
(Watt) du faisceau. On voit alors (Fig 2 bas) que l’on obtient le nombre maximum de neutrons
par Watt dépensés dans le faisceau entre 0.8 GeV et 1.6 GeV. Ce maximum est assez plat et
dépend évidemment un peu de la nature, mais surtout de la géométrie de la cible de
production.
Fig 2 :
Evolution typique de la multiplicité des neutrons par proton incident (haut) ou par unité d’énergie dans le faisceau (bas) en fonction de l’énergie du faisceau de protons sur une cible épaisse de plomb.Les arguments économiques ont tendance à tirer
la valeur retenue vers les basses énergies. Il
semble actuellement douteux que l’on conçoive
des systèmes à plus de 1.6 GeV.
Une étape intermédiaire passe par un
démonstrateur d’énergie inférieure.
Actuellement le projet MYRRHA (faisceau de
350 MeV qui pourrait être ensuite porté à 600
MeV) en Belgique semble réaliste et
prometteur.
Pour l’application aux réacteurs hybrides,
l’étude de la spallation est donc justifiée jusqu’à
une énergie de 1.6 GeV environ et à toutes les
énergies inférieures pour des protons et des
neutrons incidents pour les réactions
secondaires dans les cibles épaisses.
En détaillant les caractéristiques de la spallation,
il faut ajouter pour les réactions secondaires les
réactions induites par des pions entre ~20 MeV et ~600 MeV et les réactions induites par des
ions légers (du deuton aux alphas) jusqu’à 150 MeV environ.
P beam on a thick Pb target
0 10 20 30 40 50 60 70 80 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 4.5 5
Proton kinetic energy (GeV)
Mn/p 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 1.4 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 4.5 5
Proton kinetic energy (GeV)
(Mn/Watt)*10
Dans le document
Fission, réacteurs, déchets et prospectives (document de 2006)
(Page 196-198)