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Chapitre 5 : Synthèse des résultats et discussion

5.3 Perspectives et propositions pour la pratique

Promouvoir le développement d’une sensibilité culturelle :

Nous avons réalisé, à travers ce travail, que la création d’un environnement de pratique positive est important pour influencer le changement de comportement. Nous pensons ainsi qu’un service qui sensibilise ses collaborateurs aux diversités culturelles et plus spécifiquement à la communication interculturelle, sera plus enclin à répandre cette « culture de service » au niveau de toute l’institution. Pour en arriver là, des activités spécifiques sous forme de colloques ou de débriefing au niveau des services seront nécessaires pour renforcer cette politique et la mettre en pratique. En complémentarité aux cours sur l’interculturalité en formation de base en

soins infirmiers, il serait pertinent de faire des cours de rappel sur les notions de prise de distance par rapport à ses propres valeurs et croyances, comme le proposaient certains des auteurs (Plaza del Pino & al., 2013 ; Priebe & al., 2011). En effet, la formation systématique et continue du personnel sur les compétences interculturelles est importante pour influencer la culture institutionnelle (Hudelson & Vilpert, 2009). De plus, il faudrait fournir des cours qui enseignent la compréhension de certaines pratiques en lien avec les valeurs culturelles d’individus issus d’origines ethniques fréquemment rencontrées. Ainsi, les soignants pourraient mieux comprendre l’origine et le sens de certaines pratiques culturelles.

Encourager la mobilisation d’interprètes professionnels :

Pour promouvoir l’utilisation des services d’interprètes professionnels dans les hôpitaux, il y a certains éléments au niveau macroscopique qui doivent être développés. Sur mandat du secrétariat d’état aux migrations (SEM), Emch-Fassnacht (2016) a conçu des recommandations sur la mobilisation d’interprètes à partir de treize cas étudiés dans des institutions en Suisse. Tout d’abord, nous relevons dans cet article qu’il est important, au niveau fédéral, de reconnaître la diversité culturelle de la population ainsi que l’importance de l’interprétation professionnelle pour les institutions de santé. En outre, les cantons devraient créer et exposer, de manière transparente, les possibilités de financement et d’ancrage des interprètes au niveau institutionnel. Par conséquent, l’ancrage structurel sur l’utilisation des

services d’interprètes, une prise de position claire par la Confédération et les cantons sur la gestion des diversités culturelles ainsi que la standardisation des interventions au niveau des institutions contribueront à favoriser l’utilisation d’interprétation professionnelle (Emch-Fassnacht, 2016). Pour les institutions, l’affiche d’informations visibles dans les services concernant les services d’interprètes (droits des patients, informations sur les contacts…) est une pratique qui favorisera probablement le recours aux interprètes professionnels (Hudelson & Vilpert, 2009).

Finalement, les articles que nous avons analysés soulignent la nécessité d’une formation au personnel sur « comment et pourquoi » avoir recours aux interprètes professionnels. En effet, les soignants ne connaissent pas forcément les fonctions et les compétences des interprètes professionnels ainsi que les procédures pour y faire appel. De ce fait, nous émettons l’hypothèse que ne pas connaître ni reconnaître les compétences d’un intervenant ne permet pas de travailler avec lui en interdisciplinarité. Pour les institutions qui désirent déléguer la fonction d’interprète à son personnel soignant, Bischoff et al. (2003) leur proposent de former leur personnel à l’interprétation interculturelle.

Permettre l’acquisition de compétences en communication verbale et non verbale :

Small et al. (2015) proposent des formations pour les soignants afin qu’ils acquièrent des connaissances sur des phrases clés ou des mots utiles dans la

langue du patient. Ce procédé nous semble toutefois difficilement réalisable au vu des variétés culturelles et linguistiques que nous retrouvons actuellement dans nos pays. De plus, nous estimons que nous avons passablement de cours sur les habiletés relationnelles en formation de base qui nous enseignent à adapter notre langage et notre posture professionnelle en fonction du patient. Or, l’introduction de cours de rappel sur ces habiletés-là sous forme de formation continue serait une piste pour les institutions. Nous sommes donc d’avis que la simplification du message, l’articulation des mots ou l’utilisation de phrases courtes seraient des aptitudes relationnelles à promouvoir dans ces formations continues ainsi que des propositions intéressantes pour les soignants.

Une formation sur les habiletés relationnelles non verbales pourrait aussi être envisagée pour les soignants qui sont directement confrontés aux réfugiés. En effet, les sensibiliser au pouvoir de la communication non verbale peut être une proposition pertinente pour la pratique. Certains soignants n’ont probablement pas conscience de l’impact de leur non verbal sur le patient et cette formation en communication leur permettrait d’être plus attentifs à ces habiletés, surtout en situation d’interculturalité. La communication non verbale a en effet beaucoup d’importance par rapport à notre problématique, car les migrants seront plus attentifs et réceptifs au non verbal lorsqu’ils ne parviennent pas à comprendre le langage verbal. Ainsi, l’amélioration des aptitudes verbales et non verbales en communication

interculturelle permettra sans doute l’adoption d’une attitude plus ouverte des soignants, propice à une meilleure compréhension générale.

Par ailleurs, les institutions pourraient promouvoir l’utilisation de supports techniques en mettant en place des ressources matérielles. Pour illustrer ce dernier point, introduire des logiciels de traduction dans les ordinateurs des services ayant un dossier de soins informatisé peut être une idée. De plus, l’instauration de tablettes tactiles peut être envisageable : des logiciels de traduction en ligne avec possibilité de faire écouter la traduction à haute voix, des applications où le patient peut dessiner ce qu’il souhaite nous communiquer, ou encore des illustrations imagées pour pallier aux obstacles linguistiques.

Favoriser l’empowerment du patient :

Actuellement, travailler sur l’empowerment des réfugiés paraît être un enjeu central dans nos sociétés. Ces personnes nouvellement arrivées dans un pays n’ont que très peu de ressources et ne connaissent pas leurs droits. Ainsi, promouvoir l’autonomisation de ces personnes est une intervention qui paraît centrale. L’accès aux services de soins de santé ainsi que les processus de prises de décisions peuvent être limités par les discriminations auxquelles les réfugiés sont confrontés. Les pays qui accueillent des réfugiés doivent donc agir en amont et en aval pour permettre une bonne intégration de ces derniers. Promouvoir l’apprentissage de la langue et l’intégration professionnelle dès leur arrivée permettra sans aucun doute d’augmenter

indirectement leur empowerment. En effet, si la société décide d’octroyer plus de pouvoir aux réfugiés pour qu’ils puissent agir sur leurs conditions sociales, économiques ou politiques, cela leur permettra de sentir qu’ils ont un pouvoir sur leur vie et seront plus aptes à vouloir la contrôler, même dans un pays où ils ne possèdent que très peu de ressources.

En tant qu’infirmière, il s’agira de promouvoir cette empowerment tout au long de l’hospitalisation des réfugiés. Rappeler leur droit et renforcer leur autonomie ainsi que leur capacité d’agir sont des actions qui peuvent être bénéfiques pour le patient. Par exemple, le rôle infirmier propre sera d’orienter les migrants vers des structures d’aides comme des centres sociaux d’intégration des réfugiés (CSIR dans le canton de Vaud) pour promouvoir leur intégration.

En conclusion, nous mettons en évidence que les institutions de soins ainsi que la société globale ont un rôle important à jouer dans la mise en place et le développement de moyens qui contribueront à étoffer les compétences interculturelles en termes de communication avec les réfugiés, dans le but d’améliorer la qualité des soins. La société, de manière globale, a probablement encore des actions à mettre en place dans le développement de l’empowerment des réfugiés et dans l’amélioration de leur prise en charge à l’hôpital. En nous basant sur les études que nous avons analysées, l’identification des besoins en formation des services ainsi que des besoins financiers, organisationnels, fonctionnels et matériels de la part des

institutions paraissent nécessaires afin de promouvoir une communication efficiente avec les migrants. Finalement, il faut savoir qu’il y a toujours des enjeux culturels qui influencent largement la relation et qui vont bien au-delà des mots.