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4 INSTRUMENTS INTERNATIONAUX ET DROITS FONDAMENTAUX,

4.2 LES DROITS POUVANT ÊTRE APPELÉS EN FAVEUR DE L'INTÉGRATION DES FEMMES DANS

4.2.4 DROIT DE PARTICIPER AU DÉVELOPPEMENT SOCIAL ET À CELUI DE SA PROPRE PERSONNE

4.2.4.1 Les perspectives de carrière et le droit à la promotion

L’article 3 du PIDESC insiste sur l'engagement des parties à « assurer le droit égal qu'ont l'homme et la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels énumérés dans le Pacte ». Un seul de ces droits, appartenant au droit de toute personne de jouir de conditions de travail justes et favorables, pourrait relever de notre sujet : le droit à la possibilité de promotion412. En effet, celui-ci est pertinent pour les salariés de l’entreprise souhaitant y

organiser leur carrière afin de devenir des administrateurs « dépendants » dont la proportion au conseil d'administration varie selon le statut de la société et le nombre d'administrateurs413.

L'article 11(1) c) de la CEDEF prévoit que les « États parties s'engagent à prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans le domaine de l'emploi afin d'assurer sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme (...) le droit à la promotion. » (nos soulignements). Le Programme d'action de Beijing, précise aussi, dans son paragraphe 162, que « dans le secteur privé, notamment dans les entreprises nationales et transnationales, les femmes sont le plus souvent absentes des postes d'administration et de direction, ce qui dénote une discrimination dans l'embauche et les promotions »414 (nos

soulignements). De fait, la promotion vers les instances de décision suppose d'abord une progression dans sa carrière au sein de l'entreprise, référant alors au droit à la non-discrimination dans l’emploi et la profession415.

<https://www.escpeuropealumni.org/docs/2011143056_etude-cabinets-de-chasse-de-tete.pdf> (consulté le 30 septembre 2018).

412 PIDESC, art. 7c). Il se lit comme suit : « Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu'a toute

personne de jouir de conditions de travail justes et favorables, qui assurent notamment: c) La même possibilité pour tous d'être promus, dans leur travail, à la catégorie supérieure appropriée, sans autre considération que la durée des services accomplis et les aptitudes. »

413 LCSA, art. 102(2).

414 Programme d’action de Beijing, par. 162.

415 Ces droits sont internationalement protégés, voir : Convention (n°111) concernant la discrimination (emploi et

profession), 25 juin 1958, adoptée par la Conférence internationale du Travail de l’OIT, 23e sess., Rapport III,

Différentes études lient la proportion décroissante des femmes dans la progression hiérarchique dans l'entreprise et les contraintes dont elles souffrent dans leurs promotions (Figure 7).

La force impalpable de cette limite est bien illustrée par la notion de « plafond de verre », plafond que les programmes de mentorat, de formation spécifique et de mise en place de réseaux de femmes visent à corriger416. En ce sens, le gouvernement du Canada a mis en place un

organisme indépendant au sein du gouvernement fédéral « Condition Féminine Canada » dont la mission est de promouvoir l'égalité des sexes et la pleine participation des femmes à la vie économique, sociale et démocratique du Canada. Il oriente ses interventions dans trois domaines prioritaires, dont celui d'encourager les femmes à occuper des postes de responsabilité417.

Enfin, et de notre point de vue, les discriminations à l'embauche et la promotion des femmes dans l'entreprise font obstacle à leurs chances d'être admises au sein des organes de décision, tant dans leurs entreprises qu'ailleurs dans leur écosystème. En droit civil québécois, un préjudice futur et manifestement hypothétique peut être évalué au titre de la perte de chance. Le préjudice est aléatoire et dépend d’un élément de chance qu’il faut apprécier en fonction des probabilités. Le tribunal cherche à compenser la disparition de la chance d’éviter une perte ou de réaliser un profit, en raison de la survenance de l’acte fautif, ici la discrimination dans les promotions. Ainsi, le tribunal « peut rattacher la faute à un préjudice aléatoire sans violer les règles générales de la causalité, pourvu qu’il soit convaincu que ce lien est établi par suffisamment d’éléments de preuve sur ce qui se produirait normalement ou sur ce qui se produit dans le cours normal des choses »418. Le « cours normal de la chose » est ici compris comme

une promotion assurée sur la seule base de la compétence et du travail.

416 BUREAU POUR LES ACTIVITÉS POUR LES EMPLOYEURS (ACT/EMP), préc., note 142, p. 47 et 48.

417 CONDITION FÉMININE CANADA, « Qui nous sommes », Gouvernement du Canada, en ligne:

<https://www.swc-cfc.gc.ca/abu-ans/who-qui/index-fr.html> (consulté le 30 septembre 2018).

418 Laferrière c. Lawson, [1991] 1 R.C.S. 541. Patrice DESLAURIERS et Emmanuel PRÉVILLE-RATELLE, «Le

préjudice comme condition de responsabilité» dans Collection de droit 2017-2018, École du Barreau du Québec, vol. 5, Responsabilité, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 167, à la page 171 ; Francis HEMMINGS, « La notion de perte de chance », blogue du CRL, 2014, en ligne : <http://www.blogueducrl.com/2014/05/retour-sur-la-perte- de-chance.html> (consulté le 30 septembre 2018).

Cette possibilité de réparation a été introduite, en 2004, en droit international des droits de l'homme par une note du Haut-Commissaire aux droits de l'homme portant sur « Le droit à recours et à réparation des victimes de violations du droit international relatif aux droits de l'homme et du droit international humanitaire »419. Cette note ouvrait la possibilité d'indemnisation pour tout « dommage résultant de violations flagrantes du droit international relatif aux droits de l'homme et de violation grave du droit international humanitaire qui se prête à une estimation financière, selon qu'il convient et de manière proportionnée à la gravité de la violation et aux circonstances de chaque cas, tel que: (...) b) perte de chances, y compris en ce qui concerne l'emploi ». Dans la résolution finale, adoptée par l’Assemblée générale le 16 décembre 2005, les mots de « perte de chance » ont été remplacés par l'expression « les occasions perdues y compris en ce qui concerne l'emploi »420, ce qui en autoriserait l'application

dans notre sujet d'étude.

Cependant, la terminologie « violation flagrante » sur laquelle insistait le Rapporteur spécial de la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités vise la gravité de la violation et la nature du droit en cause, en plus de les rattacher en grande partie aux crimes internationaux en vertu du Statut de Rome de la Cour pénale internationale421. Cela restreint cette application à un niveau élevé d'intensité qui pourrait ne pas être reconnu dans notre thématique, en plus d’exiger une qualification particulière, celle de crime, très éloignée de celle-ci. Ainsi, selon nous, aborder les atteintes au droit à la non- discrimination dans l’embauche et la promotion causées par l’absence des femmes dans les instances décisionnelles des entreprises sous l’angle de la « perte de chances » est intéressante

419 COMMISSION DES DROITS DE L’HOMME, Droits civils et politiques. Le droit à un recours et à réparation

des victimes de violation du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit international humanitaire. Notes du Haut-Commissaire aux droits de l’homme, 61e sess., E/CN.4/2005/59 (21 décembre 2004), en ligne :

<http://www.ier.ma/IMG/pdf/noteHCDHfr.pdf> (consulté le 30 septembre 2018).

420 HAUT-COMMISSARIAT DES NATIONS UNIES AUX DROITS DE L’HOMME, Principes fondamentaux

et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire, Rés. A.G. N.U.

60/147 (16 décembre 2005), en ligne :

<https://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/remedyandreparation.aspx> (consulté le 30 septembre 2018).

421 Theo VAN BOVEN, « Principes fondamentaux et directives des Nations Unies concernant le droit à un recours

et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire », (2010), United Nations Audiovisual Library of International Law, p. 3, en ligne : <http://legal.un.org/avl/pdf/ha/ga_60-147/ga_60-147_f.pdf> (consulté le 30 septembre 2018).

mais actuellement improbable au moyen des Principes fondamentaux et directives concernant

le droit à un recours et à la réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire.