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4 INSTRUMENTS INTERNATIONAUX ET DROITS FONDAMENTAUX,

4.1.3 REVUE DES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX PERTINENTS

4.1.3.2 Le recours aux instruments de droit non consolidé

4.1.3.2.1 La Déclaration universelle des droits de l’homme

La Déclaration universelle des droits de l’homme338, adoptée par l’Assemble générale des Nations Unies le 10 décembre 1948, vise à préciser les libertés et droits fondamentaux de l’homme sur le plan international. Elle est considérée comme :

« L’idéal commun à atteindre (…) afin que tous les individus et tous les organes de la société (…) s’efforcent, par l’enseignement et l’éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d’en assurer, par des mesures progressives d’ordre national et international, la reconnaissance et l’application universelles et effectives, [parmi] les populations des États membres (…). »339

Les droits qui y sont ensuite énoncés sont de natures politique, économique ou sociale et leur mise en œuvre nécessite une intervention des pouvoirs publics340. Les articles 1er, 2, 7 et 19 nous

paraissent pertinents pour appuyer une meilleure participation des femmes au processus décisionnel des entreprises.

Bien qu’elle n’ait pas de force juridique contraignante, elle est porteuse d'une très forte dimension symbolique et politique. D’ailleurs, plusieurs instruments pertinents à notre sujet l’utilisent comme assise, voire la complètent : le PIDESC, la CEDEF et les recommandations du Comité de la CEDEF, la Déclaration sur le droit au développement, ainsi que la Déclaration

et le Programme d’action de Beijing. Il faut aussi rappeler l’évolution de certaines normes de

« droit non consolidé » issues de la DUDH en normes coutumières de « droit dur ».

338 Déclaration universelle des droits de l’Homme, Rés. AG 217 (III), Doc. Off. AG NU, 3e sess., supp. n°13, Doc.

NU. A/810 (1948) (ci-après « DUDH »).

339 DUDH, Préambule.

340 VIE PUBLIQUE, « La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1947 et la Convention européenne de

sauvegarde des droits de l’homme est des libertés fondamentales de 1950 », 2012, France, Direction de

l’information légale et administrative, en ligne : <http://www.vie-publique.fr/decouverte-

institutions/citoyen/approfondissements/declaration-universelle-droits-homme-1948-convention-europeenne- sauvegarde-droits-homme-libertes-fondamentales-1950.html> (consulté le 30 septembre 2018).

4.1.3.2.2 La Déclaration sur le droit au développement et ses suites

La Déclaration sur le droit au développement341 (ci-après « DDD ») (1986) a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 4 décembre 1986. Elle vise à définir le droit au développement, à le proclamer inaliénable et à le centrer autour de l’être humain autant qu'autour du groupe social ou du pays. D’ailleurs, le préambule de la DDD rappelle que « le développement est un processus global, économique, social, culturel et politique, qui vise à améliorer sans cesse le bien-être de l’ensemble de la population et de tous les individus, sur la base de leur participation active, libre et significative au développement et au partage équitable des bienfaits qui en découlent. »

Même si cet instrument n’est pas contraignant342, il demeure le seul instrument international

reflétant « l’approche la plus largement acceptée du contenu normatif de ce droit »343. Nous nous appuierons alors sur les articles 2(1), 3(1), 8 et 10 pour développer notre argumentaire en faveur d’une plus grande intégration des femmes aux instances décisionnelles des entreprises (partie 4.2.4.3.).

De plus, le droit au développement constitue une priorité mondiale comme en témoignent les 17 Objectifs de développement durable344 entrés en vigueur en 2016 et prévus dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030345 développé par le Programme des

Nations Unies pour le développement. Ces objectifs complètent les Objectifs du Millénaire pour

le développement en y intégrant de nouvelles préoccupations, notamment la gouvernance

démocratique. L’objectif 5 vise à autonomiser les femmes et promouvoir l’égalité entre les

341 Déclaration sur le droit au développement, 4 déc. 1986, AG NU rés. 41/128.

342 Azzouz KERDOUN, « Le droit au développement en tant que droit de l’homme : portée et limites », (2004)

17.1 Revue québécoise de droit international 73, p. 86 et 95.

343 Melik OZDEN, « Le droit au développement. État des débats tenus à l’ONU sur la « mise en œuvre » de la

Déclaration historique adoptée à ce propos par l’Assemblée générale des Nations Unies, le 4 décembre 1986 »,

Programme des Droits Humains du Centre Europe – Tiers Monde, p. 26, en ligne : <https://www.cetim.ch/wp-

content/uploads/bro6-develop-A4-fr.pdf> (consulté le 30 septembre 2018).

344 PNUD, « Objectifs de développement durable », 2016, en ligne :

<http://www.undp.org/content/undp/fr/home/sustainable-development-goals.html> (consulté le 30 septembre 2018).

345 GOUVERNEMENT DU CANADA, « Programme de développement durable à l’horizon 2030 », en ligne : <

http://international.gc.ca/world-monde/issues_development-enjeux_developpement/priorities-priorites/agenda- programme.aspx?lang=fra> (consulté le 30 septembre 2018).

sexes, afin de jouir des répercussions positives, sur les autres domaines de développement, de la disparition des discriminations envers les femmes346.

4.1.3.2.3 La Déclaration et le Programme d’action de Beijing et leurs évolutions subséquentes En septembre 1995, débutait la quatrième Conférence mondiale sur les femmes au cours de laquelle les représentants de 189 gouvernements élaborèrent la Déclaration et le Programme

d’action de Beijing afin d’œuvrer pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes

partout dans le monde. Après les conférences tenues à Mexico (1975), à Copenhague (1980) et à Nairobi (1985), la CCF347 organisa cette nouvelle conférence dans le but de constituer le programme d’action précité fixant des objectifs et des actions stratégiques pour réaliser l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes.

Ces textes ne sont pas des instruments contraignants mais reflètent une véritable volonté politique et constituent un cadre de référence pour les changements en matière d’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes348. Le Programme d’action détermine douze domaines

critiques, notamment la place de la femme dans le pouvoir et les prises de décisions et propose des objectifs stratégiques pour concrétiser ces engagements. Il y associe des mesures dont la mise en œuvre incombe, aux niveaux national, régional et international, aux gouvernements et aux autres parties prenantes, dont le secteur privé.

Visant initialement à remédier dès l’horizon de l’an 2000 aux injustices subies par les femmes, l’examen quinquennal « Beijing +5 » révéla qu’il était nécessaire de convenir de mesures supplémentaires pour en accélérer la mise en œuvre. À cette occasion, les gouvernements réaffirmèrent l’importance de ces textes, des douze domaines critiques du Programme d’action et reconnurent leur rôle central pour honorer leurs engagements pris en faveur de la promotion

346 PNUD, « Objectif 5: Égalité entre les sexes », en ligne:

<http://www.undp.org/content/undp/fr/home/sustainable-development-goals/goal-5-gender-equality.html> (consulté le 30 septembre 2018).

347 Telle que désignée dans la partie 4.1.3.1.1 de ce mémoire.

348 ONU FEMMES, « Le Programme d’action de Beijing : inspirations d’hier et d’aujourd’hui », en

de la femme (voir Annexe A). Ils s’engagent ainsi à « bâtir des sociétés dans lesquelles hommes et femmes uniront leurs efforts pour aboutir, au XXIe siècle, à l’avènement d’un monde d’égalité, de développement de paix pour tous »349.

Concernant la place des femmes, les États constatent que bien que « l’importance, pour la société, d’une pleine participation des femmes à la prise de décisions et à l’exercice du pouvoir à tous les niveaux et dans toutes les instances, y compris les secteurs intergouvernemental, gouvernemental et non gouvernemental, est de plus en plus reconnue » et « malgré les améliorations considérables de jure entre les femmes et les hommes, la représentation effective des femmes aux niveaux nationaux et internationaux les plus élevés de la prise de décisions n’a pratiquement pas changé depuis la Conférence mondiale sur les femmes de 1995 »350.

Enfin, en 2015, « Beijing +20 » a de nouveau dressé l'état des lieux et permis de renouveler l’engagement des participants, étatiques et non étatiques. Il est intéressant de noter qu’alors que la représentation effective des femmes en politique a beaucoup progressé, le bilan est bien moins positif en ce qui concerne la représentation des femmes aux postes de direction de la fonction publique et du secteur privé351.

4.1.3.2.4 Les recommandations du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

Le Comité, composé d’experts internationaux sur les droits des femmes, est chargé de surveiller la mise en œuvre de la CEDEF. Pour ce faire, il peut, aux côtés de l’examen des communications émanant des particuliers et des enquêtes pouvant être menées, émettre des recommandations générales s’adressant aux États et portant sur les dispositions de la CEDEF.

349 ONU FEMMES, Déclaration politique, p. 234, par. 10, en ligne :

<http://beijing20.unwomen.org/~/media/headquarters/attachments/sections/csw/bpa_f_final_web.pdf> (consulté le 30 septembre 2018) (ci-après « Déclaration politique »).

350 Id., p. 252, par. 23.

351 Phumzile MLAMBO-NGCUKA, « Beijing+20, Imaginez un monde où l’égalité femmes-hommes est une

réalité », 2014, ONU Femmes, en ligne : <http://www.onufemmes.fr/beijing20-imaginez-un-monde-ou-legalite- femmes-hommes-est-une-realite/> (consulté le 30 septembre 2018).

Depuis 1986, 37 recommandations ont été formulées par le Comité. Deux d’entre elles ont retenu notre attention et seront évoquées à l’appui de notre argumentaire à plusieurs endroits:

-la Recommandation générale n°25 : Premier paragraphe de l’article 4 de la Convention

(Mesures temporaires spéciales);

-la Recommandation générale n°28 concernant les obligations fondamentales des États

parties découlant de l’article 2 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

La Recommandation n°25 vise à préciser les mesures temporaires spéciales prévues à l’article 4(1) de la CEDEF. Ces dernières favorisent et accélèrent l’instauration de l’égalité de facto ou réelle, notamment en matière de participation des femmes à la vie économique, sociale ou autre352, et ne doivent pas être perçues comme des « exceptions aux règles de la non- discrimination et de l’égalité »353. D’ailleurs, le Comité précise que ces « mesures doivent être

abrogées dès que les objectifs en matière d’égalité de chances et de traitement ont été atteints »354.

La Recommandation n°28, quant à elle, explicite les obligations générales des États parties découlant de l’article 2 de la CEDEF. Le Comité met l’accent sur le fait qu’il est possible d’aborder sous l’angle de la CEDEF des formes de discriminations qui n’avaient pas été relevées au moment de sa rédaction, puisque l’article 2 de la CEDEF mentionne la « discrimination à l’égard des femmes sous toutes ses formes » (nos soulignements) et, l’article 3, la prise de mesures dans tous les domaines355. Cette précision nous conforte dans l’idée qu’il est possible

d’appuyer notre réflexion sur les dispositions de la CEDEF puisque ce sujet est en adéquation avec les objectifs de la CEDEF.

352 Recommandation n°25, par. 13 et 14.

353 Id., par. 14.

354 Id.

4.2 Les droits pouvant être appelés en faveur de l'intégration des femmes dans les