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3.5 Analyse de la trésorerie des exploitations cannières en relation avec l’organisation et

3.5.3 Perspectives

Vers une professionnalisation des exploitants canniers

La professionnalisation des agriculteurs devrait certainement s’étendre avec :  l’installation de jeunes agriculteurs suite à une formation agricole ;

 la consolidation des mesures de suivi et d’accompagnement à la mécanisation ;  la diffusion, par les banques, de l’importance d’avoir un compte professionnel ;

 la formalisation des charges salariales en lien avec une incitation à l’embauche déclarée. Il existe des formations, proposées par la Chambre d’Agriculture, spécifiques à la gestion d’une entreprise agricole et à son optimisation financière ainsi qu’à la maintenance des équipements. Cependant, trop peu de planteurs demandent à les suivre. Ces formations pourraient être définies comme un pré-requis à tout investissement subventionné par les fonds publics. Cependant, cela risquerait d’alourdir et d’allonger les démarches administratives. Compte tenu de l’opinion actuelle des planteurs concernant les subventions FEADER, leur découragement aurait l’effet inverse de celui escompté.

D’une manière générale, les planteurs doivent s’intéresser spontanément aux formations pour qu’elles soient efficaces. Or, trop de planteurs les considèrent encore comme une perte de temps. Il devient nécessaire et urgent de mieux diffuser et de valoriser les possibilités de formation. La structuration plus avancée des groupes de progrès au sein des fermes de référence de la filière animale est un exemple à étudier, à analyser et éventuellement à adapter dans le cadre de la filière canne.

Avant de toucher les planteurs, il est essentiel de former les conseillers les plus proches du terrain, les techniciens des pôles canne, aux bonnes pratiques de gestion d’une entreprise agricole pour leur donner des éléments vérifiables d’analyse d’une exploitation et de conseils de gestion. L’objectif est de leur permettre de concilier conseils techniques et conseils économiques et de mieux les sensibiliser aux problématiques spécifiques à leur bassin de production. Ils pourront alors identifier les planteurs en difficulté, leur donner des conseils de base pour mieux gérer leur exploitation et diffuser efficacement l’utilité des formations destinées aux planteurs.

Cette étude et notamment l’outil de simulation élaboré pourrait servir aux formations destinées aux techniciens des pôles canne. L’outil de simulation devrait autant servir à l’interprofession pour prendre des décisions pour la filière qu’avoir une visée pédagogique.

Vers une coopération, une entraide et une mutualisation des investissements La mutualisation des investissements est une clé pour pallier les potentielles difficultés de trésorerie des exploitants dues à des charges de matériel trop élevées. Si l’organisation en CUMA semble complexe pour les planteurs, il serait intéressant de les inciter à s’organiser entre voisins. En effet, l’entraide de proximité (familiale ou géographique) est présente mais ne semble plus assez répandue.

Les charges salariales étant souvent lourdes pour les exploitations en coupe manuelle, la création de groupements d’employeurs est de plus en plus constatée. Cette solution permet non seulement de formaliser une embauche non pas saisonnière mais permanente à moindre coût. Cette forme de coopération doit être davantage valorisée auprès des planteurs dans le

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cadre des journées « emplois agricoles » et doit se renforcer pour soutenir les petites exploitations qui ne se mécanisent pas et qui ont des difficultés à trouver des salariés entièrement dédiés à l’exploitation.

On sent une volonté chez certains planteurs de créer une coopérative cannière qui regrouperait les rôles d’encadrement technique, de négociations avec Téréos, de suivi dans le bassin cannier, une centralisation des versements des paiements et des aides au planteur, une possibilité d’avance de trésorerie, etc. Cette initiative pourrait fédérer les planteurs, en dépassant les clivages intersyndicaux et leur permettre de mieux s’organiser, notamment dans le cadre des négociations interprofessionnelles de la Convention Canne. L’initiative est à l’étude au sein du syndicat des Jeunes Agriculteurs.

Il convient de signaler que la filière peut s’appuyer sur des bases historiques solides de coopération avec la création de deux Sociétés Collectives d’Intérêt Agricole (SICA Pro Canne et SICA Promo Canne) dans les années 1980. Leur objet était de mutualiser l’achat du matériel d’épierrage et de proposer aux adhérents des prestations d’amélioration foncière, de plantation, et d’organisation de la récolte à bas coût. Depuis les changements de modalités du FEADER en 2006, les travaux effectués par les SICA ne sont plus subventionnés qu’à 75 % (contre 100 % auparavant), ce qui a réduit leur compétitivité au profit des Entreprises de Travaux Agricoles (ETA), souvent informelles.

Vers une diversification agricole et touristique

La diversification agricole et/ou touristique pourrait être davantage promue par les acteurs de la filière canne. Actuellement, la crainte de la diminution du tonnage de canne produit annuellement et de la perte de rentabilité des sucreries ne va pas dans ce sens. Pourtant, les produits de diversification pourraient soutenir la trésorerie d’exploitation pendant les périodes particulièrement difficiles.

Les cultures maraichères, arboricoles, patrimoniales (vanilles, plantes aromatiques, gingembre, etc.) ont en effet une valeur ajoutée plus élevée que la canne. Cependant, les exploitants se heurtent à la difficulté de mise sur le marché de leur production et à son écoulement incertain. L’exportation n’est pas considérée comme un débouché intéressant en raison des charges importantes de fret et donc de l’insuffisance de fret aérien organisé actuellement ainsi que du manque de compétitivité des exploitants réunionnais face à des pays producteurs aux normes moins contraignantes. Pour éviter l’effondrement des prix, la diversification agricole doit donc être considérée à l’échelle des filières pour tenir compte de l’équilibre entre l’offre et la demande sur l’île. La crise de surproduction du chou en novembre 2015 en est un bon exemple.

L’agro-tourisme pourrait se renforcer au sein de la filière canne-sucre. Le nombre de visites des sucreries et des musées liés à l’histoire de la canne à sucre et de ses produits montre l’intérêt réel des touristes pour cette filière. Il serait donc intéressant de développer ce tourisme au sein même des exploitations (fermes pédagogiques ou de découverte). Localement, cela permettrait aussi de revaloriser l’image des planteurs auprès de la population réunionnaise qui a une opinion relativement négative de la filière canne. Cependant, l’ambition locale de préserver le foncier agricole restreint les possibilités de construction sur les terrains agricoles, ce qui décourage les planteurs intéressés par cette initiative.

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Vers une meilleure prise en compte des pluriactifs

Les prestations proposées par des planteurs équipés chez d’autres exploitants leur permettent de rentabiliser leur matériel plus rapidement. Ces prestations sont majoritairement réalisées de manière informelle. Cependant, les planteurs se heurtent à des contrôles de plus en plus fréquents et aux conséquences de leur activité sur leur statut d’agriculteur : si le montant des prestations représente plus de 50 % de leur revenu, ils deviennent pluriactifs et agriculteurs à titre secondaire. Ils n’ont alors plus accès aux aides à la même hauteur que les agriculteurs à titre principal. Les planteurs doivent faire le choix soit de travailler pour la rentabilité du matériel soit de conserver le même niveau d’aide, ce qui les incite à travailler informellement ou à se reposer sur leurs acquis.

Le développement de la mécanisation à La Réunion et de ce mode de diversification, considéré comme non agricole tout comme la diversification touristique, doit être évalué plus précisément. Une comparaison du système d’aides publiques dédiées à la filière canne-sucre de Guadeloupe, où la majorité des planteurs sont pluriactifs, pourrait être approfondie. Elle permettrait d’entamer une réflexion sur les tenants et les aboutissants de potentielles évolutions à La Réunion.

Vers une centralisation des « données planteurs »

La lourdeur administrative dénoncée par l’ensemble de la filière pourrait être simplifiée par une dématérialisation des éléments propres aux agriculteurs (en cours pour les autorisations d’exploiter à la DAAF) et surtout par une centralisation de la base de données entre les différents services instructeurs et de conseil (Chambre d’Agriculture, Département, DAAF, CTICS a minima). En simplifiant le système, les délais d’instruction des dossiers se réduiront, les planteurs seront plus enclins à se tourner vers les financements FEADER que vers des dispositifs moins rentables et sans accompagnement.

L’origine des difficultés de gestion des planteurs à La Réunion est autant contextuelle qu’individuelle. En effet, les difficultés de maîtrise de la gestion courante et exceptionnelle d’une exploitation agricole ne sont pas spécifiques à l’île et se retrouvent également dans d’autres territoires français. Néanmoins, le développement rapide de la mécanisation individuelle sur l’île et la mise au point de nouvelles machines (coupeuses péï) accentuent ces difficultés et mettent parfois en péril la rentabilité des exploitations. Dans ce contexte de transition des modes d’exploitation, la trésorerie des planteurs n’est pas un sujet à traiter seulement au sein de l’exploitation mais un problème plus vaste à considérer au niveau de la filière :

1. La professionnalisation des planteurs et un conseil de terrain adapté à chaque bassin et à chaque situation doivent être développés prioritairement, en parallèle d’une centralisation des « données planteurs » entre les différents services d’encadrement. 2. Même si les planteurs ne sont pas dans cette optique pour le moment, leur accompagnement vers plus de coopération et de mutualisation des investissements est à anticiper.

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3. La déclaration des prestations (main d’œuvre, prestations de récolte), auparavant souvent informelles, risque de bouleverser la trésorerie des planteurs, soit par une diminution des aides auxquelles ils peuvent prétendre, soit par une moins bonne rentabilisation de leurs machines agricoles. La pluriactivité est un réel sujet à traiter. 4. Même si la diversification agricole et touristique est une réelle opportunité pour l’exploitant d’améliorer son revenu, c’est également une perspective qui nécessite réflexion. En effet, la saturation du marché alimentaire local en cultures maraichères et fruitières est proche (80 % du marché est couvert localement) et l’élevage requiert de lourds investissements et une maîtrise particulière. De plus, la création d’activités touristiques sur les terres agricoles entraine souvent des dérives spéculatives. Ce n’est donc pas pour le moment une orientation prioritaire pour la filière

3.6

Limites et pistes d’amélioration