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Pour ou contre la perspective ? 4/4

Dans le document Dominique Bernard Faivre (Page 96-121)

Mademoiselle V en costume d’Espada Jeune homme en costume de Majo

III - UN COMPARATISME HISTORICO-ESTHETIQUE INEVITABLE ET NOSTALGIQUE

3.5 Pour ou contre la perspective ? 4/4

→ Des applications de la perspective « linéaire » ou

« géométrique » aux œuvres de Masolino, Masaccio, Raphaël ou Léonard

→ Des applications de la perspective « atmosphérique »,

« aérienne », « d’aspect » et « narrative » aux œuvres de

Léonard

GEOMETRIQUE OU LINEAIRE : MASOLINO A LA CHAPELLE BRANCACCI A FLORENCE (1425)

GEOMETRIQUE OU LINEAIRE : MASACCIO TRINITE FLORENCE (1425)

GEOMETRIQUE OU LINEAIRE : L’ECOLE D’ATHENES RAPHAEL VATICAN (1509-1512)

LINEAIRE PLUS ATMOSPHERIQUE, AERIENNE OU D’ASPECT PAR LEONARD LA CENE MILAN (1498)

ATMOSPHERIQUE, AERIENNE OU D’ASPECT PAR LEONARD

PERSPECTIVE NARRATIVE ANNONCIATION PAR LEONARD (1472)

SAINTE-ANNE LEONARD (1509-1519) UN SOUVENIR D’ENFANCE DE LEONARD DE VINCI (1910)

TRANSITION :

S’il est manifeste que les sujets de discorde « technique », telles les questions du dessin ou de la perspective jalonnent l’histoire de l’art,

d’autres sujets, parfois plus politiques, font du PAYSAGISME BARBIZONNAIS par exemple un sujet de lutte contre la pratique même de la hiérarchie des genres et de sa suprématie académique

3.6 Barbizon contre l’Académie, la bourgeoisie et les choix paysagers impériaux 1/7 Le procès de l'Académie

Bien que l’Institution française se voit contrainte de créer, en 1817, un prix de Rome du paysage, elle reste opposée àl’innovation en matière de doctrine artistique et se donne mille fois l’occasion d’êtremise à mal par les artistes barbizonnais, qui dépendront des Salons pour devenir « connu » ou « refusé »

Paul Cézanne restera "le Grand Refusé"jusqu’à sa mort

Théodore Rousseau, qui, exposant Vue prise des côtes à Granville, ainsi qu’une Etude d’après nature au Salon de 1833, se voit reprocher « certains empâtements qui donnent la lumière, un pinceau facile […] et, surtout, de ne pas tenir compte des premiers plans comme on les aime àl’Ecole des Beaux-Arts »

Il tente pourtant, pour le Salon de 1836, l’exposition de son immense toile intitulée La descente des vaches dans le Jura, qui sera refusée et condamnera le peintre à 24 ans sans aucun achatni commande officielle

Or en 1836, les peintres se regroupent pour faire face à leur ennemi commun, Joseph Bidauld, paysagiste de l’Institut et membre du Jury des Salons, qui ne pense qu’à en évincer Théodore Rousseau, alors que son confrère, Auguste Blondel, ne rêve que d’en rejeter Eugène Delacroix

On dira, par exemple, que Marais en Vendée, rebaptisé Vallée de Tiffauge n’est qu’une « soupe aux herbes ou un fouillis, soit une monstruosité »

Et en1841, L’allée de châtaignierssera également refusée,

alors que l’œuvre au thème antique intitulée Les Romains de la décadence, présentée en 187 par Thomas Couture, remportera un succès notoire

THEODORE ROUSSEAU

DESCENTE DES VACHES DU JURA MARAIS EN VENDEE

LES ROMAINS DE LA DECADENCE THOMAS COUTURE (1847)

3.6 Barbizon contre l’Académie, la bourgeoisie et les choix paysagers impériaux 2/7 Le procès de l'Académie

Les artistes barbizonnais n’hésitent donc pas à s’opposer à l’institution, tel Gustave Courbet qui refusera la médaille qui lui sera personnellement proposée en 1870 !

Et lorsque L’Atelier et l’Enterrement à Ornans seront refusées à l’exposition universelle de 1855 , il décidera d'en retirer tous ses autres tableaux et de faire construire, à côté du grandiose Palais de l’Industrie où se tenait le Salon, une galerie qu’il appelle

"Pavillon du Réalisme"

Parmi les plus novateurs des paysagistes romantiques, Paul Huet ne se gênera pas pour critiquer l’Ecole des Beaux-Arts, incarnant à ses yeux « une pépinière de médiocritésexploitée par l’Institut »

malgré La Butte aux Aires réalisée à Fontainebleau en 1849, il ne se plaira jamais à l’auberge Ganne qu’il qualifiera de

« Mecque embourgeoisée du naturalisme »

En ce qui concerne Jean-François Millet, il enverra à plusieurs journaux, dont La France et Le Gaulois, une lettre en provenance de Cherbourg, dans laquelle il proclamera « son refus de l’honneur qu’on [a voulu lui] faire »

Unanimité presque des artistes contre les pouvoirs donc, incarnés par l'Académie ou par la bourgeoisie en général : telles sont les attitudes généralement adoptées par ces peintres novateurs du XIXè siècle.

Barbizon contre les valeurs artistiques de la bourgeoisie 3/7

C’est en effet,de façon générale, contre la bourgeoisie nouvellement constituée et ses valeurs que se construit cette nouvelle école artistique, en parfait accord sur ce point avec lesécrivains romantiques, tel Théophile Gautierqui, au Salon de 1848, fera l’éloge duVanneuren ces termes :

→«La peinture de M. Millet a tout ce qu’il faut pour horripiler les bons bourgeois à menton glabre[…] LeVanneur, qui soulève son van de son genou déguenillé (…) se cambre de la manière la plus magistrale. Il est d’une couleur superbe »

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→ Parmi les valeurs artistiques reconnues par la bourgeoisie du XIXèsiècle en effet, ne peut en aucun cas figurer ce qui touche au labeuret à la ruralité, pas plus que la nature elle-même,objet de décor de la peinture d’histoire,et surtout pas motif artistique en soi (cf Chêne de Flagey Courbet 1864)

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→AussiDiaz de la Penane réussira-t-il àse faire connaîtrequegrâce à saSociété élégante dans un parc(1840) ou àsesBohémiens se rendant à une fête(1844).

Il se déciderapourtant à abandonner « tout ce clinquant aux orties » et àretrouver la forêt qu’il a tant aimée dans sa jeunesse, pour y peindre notamment sa Vue prise dans les gorges d’Apremont,qui, en tant que premier sujet sur la forêt de Fontainebleau, lui vaudra tout de même son exposition au Salon de 1837.

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Contre l’adversité alors apparaît une extrême solidarité : Jules Dupré se charge, en 1842, de récupérer et de remettre à son ami Rousseau les 500 francs donnés par son admirateur Paul Périer, de même qu’il lui prêtera son atelier parisien en 1846

Et Diaz, pour sa part, mettra au service de Renoir le comptequ’il avait ouvert chez sonmarchand de couleurs

De même, Charles-François Daubigny s’investira dans le soutien de ses jeunes confrères, à tel point que Jules Antoine Castagnary ne tarira pas d’éloges sur sa présence : « Si le Salon de cette année est ce qu’il est : c’est à Daubigny la faute (…) Daubigny n’est pas seulement un grand artiste, c’est encore un brave homme (…) qui voudrait épargner à la jeunesse des autres les rudes épreuves qu’il a subies lui-même »

Sans parler de Camille Corot, qui, de son côté, achètera, en 1872, une maison à Valmondois destinée à Honoré Daumier, devenu aveugle et vivant dans le plus grand dénuement, de même qu’il aura ce geste remarquable, quelques mois seulement avant sa mort, de donner 10 000 francs à la veuve de Millet !

Et qui sera notamment l’auteur du Souvenir de Mortefontaine en 1864

C'est ce goût pour la nature et la conviction qu'elle est un bien périssable à défendre qui sera le principal l'objet d'une mobilisation par les peintres barbizonnais, n'hésitant pas, alors, à contester les choix de l'autorité royale et impériale, même si leur démarche est vouée à rester stérile

Barbizon contre les choix paysagers impériaux 7/7

C’est dans le sens de la défense de la nature et de la forêt que les peintres de Barbizon vont également se prononcer, comme le montre ce propos tenu par Rousseau à son ami Sensier : « L’âme humaine est comme la forêt où nous marchons, saccagée à merci par des sylviculteurs malfaisants »

Bien qu’ils manifestent une identification étroite de l’artiste et de la nature, ces propos prennent une coloration politique, une sorte d’engagement écologique avant l’heure, en tous cas un goût immodéré pour les espaces naturels

Et la tentation est grande de songer à Jean-Jacques Rousseau, à son panthéisme et à sa vénération de la Nature, ainsi qu’au procès intenté aux hommes qui se chargent de la corrompre

Mais, pour Théodore Rousseau, il s’agit d’une telle identification entre l’homme et la nature qu’il la sent capable d’exprimer elle-même des sentiments

Les barbizonnais la souhaitent éternellement vierge, à une époque où l’industrialisation et l’aménagement des voies de communication se développent à une vitesse fulgurante, encouragées par Napoléon III dans ses choix

L’aménagement de la forêt bat en effet son plein, grâce ou à cause de C. F. Denecourt, appelé "Sylvain des forêts« , qui fit tracer160 kilomètres de sentiers forestiers de 1844 à 1875

Les visiteurs se font alors nombreux, bien trop nombreux aux yeux des paysagistes, qui n’appréciaient pas beaucoup tous ces aménagements entrepris par Louis Philippe déjà, lorsqu’il avait créé le " premier train de plaisir Paris-Fontainebleau"

CONCLUSION

A défaut d’aboutir en faveur de leurs revendications, ces refus émanant des peintres barbizonnais attestent au moins d'une certaine autonomie artistique, ainsi que de l'évolution concernant l'institutionnalisation de la critique d'art et de l'exposition qui s'était déjà engagée au XVIIIè siècle et qui ne fera que se développer au XXè

Dès notre prochaine séance nous aurons à envisager à quel point la création artistique a souvent été soumise au bon vouloir de ses commanditaires mêmes, jusqu’à aboutir parfois au scandale, voire à la censure

En vous remerciant de votre aimable attention,

et pour terminer par Corot, commenté par O. Wilde :

« ce matin mon jardin ressemble à un Corot »

ou par ce tableau dont le motif est… Avignon

Dans le document Dominique Bernard Faivre (Page 96-121)

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