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Dominique Bernard Faivre

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Dominique Bernard Faivre

Séance n° 2 du 24/02/22

NAISSANCE DE L’ACADEMIE, DE LA CRITIQUE D’ART ET DU COMPARATISME HISTORICO-ESTHETIQUE

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INTRODUCTION

Choix d’une approche philosophico-historique, ou historico-philosophique, dans le but de mieux comprendre le phénomène d’art contemporain, au niveau esthétique et politique au sens large,

Selon les 3 axes :

I - de la naissance de l’Académie,

II - de l’institutionnalisation de la critique d’art et de l’exposition,

III - pour terminer par un comparatisme historico-esthétique inévitable et nostalgique

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I - « ACADEMIE », « ACADEMISME », « MANIERISME », « MANIERE » et « STYLE » 1.1 L’ Académie 1/2

→ L’ akadêmia désigne, à Athènes, le jardin d'Akadêmos, héros légendaire local, où Platon enseignait sa philosophie, dès l'année -387.

→ cf Jean Brun : «la 1è école de philosophie organisée comme une université avec un statut, un règlement, des logements destinés aux étudiants, des salles de cours, un musée, une bibliothèque etc. »

Le terme garde à la fois l'idée d'un lieu où l'on apprend et celle d'une société savante, si nous omettons, évidemment, son 3è sens de « circonscription universitair » et son 4è de « figure peinteou dessinée d'après un modèle nu ».

En raison de son contenu philosophique platonicien, l'école fondée en 1459 par Cosme de Médicis et dirigée par Marsile Ficin, prendra le nom d'Académie Platonicienne de Florence.

Au siècle suivant, chaque ville italienne aura son académie, telle l'Académie du Dessin de Florence, créée par Giorgio Vasari en 1562 et rompant avec la vieille obédience médiévale attribuant à l'artiste le statut « d'artisan » et pas

« d’artiste ».

Et bien qu'une Société de Saint-Luc, patron des peintres, existe déjà à Florence depuis 1350, l'ancienne Confrérie devient, en 1577, l'Académie de Saint-Luc de Rome, toujours active aujourd'hui.

La mission de ces académies : donner « au travail artistique un fondement théorique et à l'artiste une formation complète, basée sur la pratique fondamentale du dessin et sur l'enseignement de matières scientifiques (anatomie, perspective, géométrie) et humanistes(histoire, philosophie) ».

Le « maître » fait alors place à celui de professeur, même si la « copie des maîtres » demeure essentielle pour le futur peintre, qui travaille d'après modèle vivant ou d'après la bosse.

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ACADEMIE PLATONICIENNE DE FLORENCE (1459)

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ACADEMIE SAINT-LUC DE ROME (1577)

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1.1 L’ Académie 2/2

Le phénomène s’étend en outre dans d’autres pays d’Europe, tels la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Suède, les Flandres, l’Autriche, l’Espagne et la France.

Aussi l'Académie de St-Luc de Paris remplace, en 1648, l'ancienne Communauté des Maîtres Peintres et Sculpteurs de Paris datant du XIVè.

Personnellement réalisée par Simon Vouet, sacré Prince de l'Académie St-Luc de Rome et peintre de Louis XIII, formant des artistes tels Charles le Brun et Philippe de Champaigne, alors que s’ouvrira parallèlement l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture.

Et lorsque Le Brun deviendra peintre de Louis XIV, il fondera avec son maître S. Vouet l’Académie de France à Rome en 1666, à l’origine du fameux « PRIX DE ROME » qui permet, aujourd’hui encore, à son lauréat de bénéficier d’un séjour de 6 à 8 mois à Rome.

En ce qui concerne enfin les autres domaines artistiques, l’Académie française sera fondée en 1635 (Quai Conti à Paris), ainsi que l’Académie des Beaux-Arts en 1816.

Des académies privées naissent, telle l'Académie Julian, qui a notamment permis aux femmes d'apprendre le dessin et la peinture dès 1866, alors qu'elles ne seront admises à l'Ecole des Beaux-Arts qu'en 1897 !

La section cinéma et audiovisuel s’ouvre en 1985 et la section photographie en 2005.

Et bien que des créateurs tels que Kandinsky ou Klee ont dû également professer dans les académies officielles, il est souvent reproché à celles-ci... leur académisme précisément…

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ACADEMIE DE FRANCE A ROME (1666)

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ACADEMIE FRANCAISE QUAI CONTI (1635)

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ACADEMIE JULIAN (1866)

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1.2 L’académisme 1/2

→ Conférence inaugurale de l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture de 1648, au cours de laquelle Charles Le Brun prône la simplicité, la grandeur, l'harmonie et la pureté, au service, évidemment, de la monarchie absolue

→ Synthèseentre les symboles antiques et français, associant le lys et le coq pour la décoration de la galerie des glaces à Versailles, dans les années 1678-84

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1.2 L’académisme 2/2

D’où discrédit par romantisme, décuplé par dadaïsme

Pour E. Souriau, s'il est incontestable qu'une œuvre académique puisse passer pour « habile », « élégante », voire « spirituelle », elle peut également apparaître cruellement « froide », « solennelle », « plus savante qu'inspirée et plus conventionnelle que véritablement savante » […]

→« l’académisme imposerait des règles, un idéal parfaitement défini, des moyens proclamés seuls légitimes […]

soit une sorte de principe d'autorité introduit dans les arts […] [fondé sur] des principes démontrables, des vérités essentielles, et la connaissance, l'étude,l'imitation des chefs-d'œuvre du passé »

Précisons que bien qu'il soit tentant d'assimiler « académisme » et « classicisme » parce que ce dernier, culminant au XVIIè, a obtenu le soutien de maints défenseurs chez les académiciens des XVIIIè et XIXè, ces deux termes ne sont en aucun cas synonymes puisqu'on peut parler d'académisme à propos de n'importe quelle époque

En outre, il est parfois inévitable d'associer « académisme » à « maniérisme » parce que l'Académie des Acheminés de la fin du XVIè siècle a soutenu le maniérisme des Carrache à Bologne par exemple.

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Déposition avec la Vierge et les saints Claire, François, Madeleine et Jean (1585)

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1.3 Le Maniérisme 1/2

→ Mais ces termes ne sauraient être assimilés puisque l'Académie a plutôt discrédité le maniérisme, tout en ayant pour fonction d'enseigner la bonne manière !

→ Terme inauguré au XVIIè, par l'architecte Fréart du Chambray, inconditionnel de la méthode perspective, pour « dénoncer ceux qui, en cherchant trop à imiter une manière (celle de Michel-Ange) ont perdu le naturel.

Aussi, à « l'œil sensible », trop souvent corrompu par l'habitude de mal voir, oppose-t-il

« l'œil de l'entendement » que l'exactitude géométrique rend « infaillible »

→ Le terme peut revêtir une connotation négative, puisque le « Maniérisme » ne renvoie pas forcément à la « belle manière »

→ Il évoque en effet une technique propre à la 2nde moitié du XVIè, en Italie et en France, où « la forme y prime sur le fond », où l'on assiste à une « déformation des corps », à « un emploi de couleurs raffinées » ou à des « outrances musculaires », dont Michel-Ange, précisément, est le précurseur

CF. La création d’Adam (1508-1512)

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La création d’Adam (1508-1512)

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1.3 Le Maniérisme 2/2

même si cette acception stylistique reste neutre, voire élogieuse, elle s'approchera davantage du « maniéré » que du « Maniérisme » lorsque ces choix picturaux donneront lieu au mouvement Baroque,

parfois assimilé au précieux, à l'irrégulier et à l'anormal, en accord avec l'étymologie même du terme portugais barroco.

Cf. Saturne Simon Vouet (1645)

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Saturne Simon Vouet (1645)

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1.4 La manière (1/2) :

Au cœur même du problème académique, puisque l’enseigner est précisément la fonction de l'Institution

Or, maniera en italien renvoie au goût d'une école et à l'emploi d'un langage formel lié à un temps ou à un lieu, c’est-à-dire à la marque caractéristique de l'artiste, à la trace de sa main, ainsi qu’à l’attachement à telle ou telle époque de référence

Aussi Raphaël rapportera, dans sa lettre à Léon X sur la conservation des monuments antiques, la « belle manière du temps des Empereurs », s'opposant à la « manière difforme du temps des Goths »

Aussi Félibien définira comme « manière » : « l'habitude que les peintres ont prise dans la pratique de toutes les parties de la peinture, soit dans la disposition, soit dans le dessin, soit dans le coloris ».

Mais il ajoutera que ce n’est qu’en fonction du choix des maîtres ou des modèles que la manière sera décrétée bonne ou mauvaise

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1.4 La manière (2/2)

→ Le reproche d’infidélité à la nature va se développer au XVIIè, illustré par ce propos critique de Giovanni Pietro Bellori :

→« Les artistes, abandonnant l'étude de la nature, ont pollué l'art avec la maniera, je veux dire une idée fantastique, reposant sur la pratique et non sur l'imitation »

Cette apologie de l’imitation de la nature comme seule excuse légitime à adopter telle ou telle manière est également un leitmotiv chez Roger de Piles, pour qui « toutes les manières sont bonnes quand elles représentent la Nature »

Ce terme de « manière » donc peut changer radicalement de sens dès lors qu'il est accompagné de qualificatifs du type belle, grande ou bonne

Il tendra en outre à se substituer au terme de « conventions » avec Diderot, à celui de

« faire » avec Nicolas Cochin, jusqu'à celui de « beau-faire » avec Dandré-Bardon, pour donner finalement place ̶ avec Poussin qui l'associe strictement à la grande manière ̶ au vocable de « style »

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1.5 Le style 1/3

→ Stilus désigne d’abord, au sens propre, « le poinçon servant à écrire sur des tablettes enduites de cire, puis le latin est passé, par métonymie, de l’instrument pour écrire au travail de l’écrivain, à sa manière d’écrire »

→ Le style » traduit, dans les arts littéraires particulièrement et en musique également, la manière dont un écrivain ou un compositeur use d’un ensemble de codes propres à une école et qui se trouve, par voie de conséquence, associé à la « manière »

→ Celle-ci renvoie davantage à la main même du peintre, à sa façon personnelle et à l’ensemble de ses caractéristiques individuelles, qu’aux caractères communs à un groupe ou à une époque désignant plus particulièrement le style

→ Pour Meyer Schapiro, on entend par « style » : « la forme constante […] dans l’art d’un individu ou d’un groupe d’individus. Le terme s’applique aussi à l’activité globale […] comme quand on parle d’un

« style de vie » ou du « style d’une civilisation »

→ Comme le montre l’exemple de l’art baroque, qui rend compte d’un « goût pour le mouvement [entraînant] l’affaiblissement des limites, l’instabilité des masses et la multiplication de larges contrastes » CF. L’extase de Sainte-Thérèse Le Bernin (1647-1652)

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L’extase de Sainte-Thérèse LE BERNIN (1647-1652)

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1.5 Le style 2/3

si Poussin fait du "style" un synonyme de la grande manière, c’est parce qu’il renvoie, tout comme la manière, à un « système organique de formes », en prenant également un autre sens, manifeste dans l’expression « avoir du style », ajoutant l’idée de « perfection formelle »

Perfection formelle que l’on retrouve chez Winckelmann et Goethe, pour qui « le style grec classique n’était pas simplement une convention formelle ; c’était une conception à son apogée, mettant en valeur des qualités […] qui apparaissaient même dans les copies romaines d’originaux grecs disparus »

CF. LE LAOCOON

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LAOCOON ATHANADOROS, HAGESANDROS ET POLYDOROS (40 avt JC)

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1.5 Le style 3/3

→ Retenons que la référence systématique aux codes validés par l’académie ne peut conduire qu'à l'académisme soit, dans le meilleur des cas, à une virtuosité, mais malheureusement stérile et sans âme

→ Par ailleurs, avant d'être le lieu de la transmission des canons, l'Académie est d’abord le lieu de leur élaboration et évaluation, de débats et affrontements entre artistes et théoriciens devant se prononcer sur les innovations picturales allant parfois à l'encontre même de ces canons

TRANSITION : Et donnant lieu, après le « Grand Siècle », à l’institutionnalisation de la critique d’art par la création des "Salons", dont Diderot est une sorte de précurseur.

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II - L’INSTITUTIONNALISATION

DE LA CRITIQUE D’ART ET DE L’EXPOSITION

2.1 L’exemple de Diderot « théoricien de la graphie et de l’audio-visuel »

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2.1 L’exemple de Diderot « théoricien de la graphie et de l’audio-visuel » 1/4

Tel est en effet le qualificatif que François Dagognet attribue à Diderot, objet de la conclusion de son ouvrage de 1973 intitulé Ecriture et Iconographie

Et c’est bien dans cet esprit qu’il faut aborder Diderot lui-même, dont « l’œuvre cinétique et gestuelle, à l’archi-écriture passionnelle [est] celle d’un tableau mouvant, que nul ne pourra arrêter ni vaincre [bref] une onde qui va parcourir la Cité, l’électriser [littéralement] »

L'histoire de l'art considère que ce sont Jean-Baptiste Dubos puis Etienne La Font de Saint-Yenne qui sont les authentiques précurseurs de la critique d’art

Ensuite seulement, ce rôle initialement dévolu à Colbert à l’Académie royale, revient à Diderot dès 1759, lorsque son ami Melchior Grimm lui propose d’entreprendre une Correspondance Littéraire, Philosophique et Critique à partir des Salons de 1753 à 1790

La méthode qu'il choisit consiste à chercher les moyens littéraires qui pourraient donner l’équivalent de la beauté picturale, en essayant d’être : « grand ou voluptueux avec Deshays, simple et vrai avec Chardin, délicat avec Vien, pathétique avec Greuze [et de] produire toutes les illusions possibles avec Vernet »

NB : le vrai du réel

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« grand ou voluptueux avec DESHAYS »

Erigone vaincue : gravure de Lévesque d’après DESHAYS (1768)

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« simple et vrai avec Chardin » Verre d’eau et cafetière(1760)

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« délicat avec Vien »

La douce mélancolie Joseph Marie Vien (1758)

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« pathétique avec Greuze » Une fille avec un canari mort (1765)

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« toutes les illusions possibles avec Vernet » Mer agitée avec un voilier raté (1740)

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2.1 L’exemple de Diderot « théoricien de la graphie et de l’audio-visuel » 2/4

Aussi devient-il adepte du relativisme esthétique : loin du beau objectif antique, le jugement sur le beau est, pour lui, subjectif

→ Sa définition du Beau : « J’appelle donc beau hors de moi, tout ce qui contient en soi de quoi réveiller dans mon entendement l’idée de rapports ; et beau par rapport à moi, tout ce qui réveille cette idée »

→ Il ne recense pas moins de 12 sources de diversité dans les jugements, dont, par exemple, la disposition de notre acuité visuelle ou auditive, l’état émotionnel dans lequel nous nous trouvons, ou encore le niveau de nos connaissances et de nos talents.

Il s’avère en effet que Diderot ne veut point tant se faire juge que critique, au sens grec de krinein, soit à la fois celui qui juge, qui distingue et qui use de critères spécifiques.

En tant que philosophe des Lumières, le critique Diderot peut s’évertuer parfois à « rendre la vertu aimable, le vice odieux [et] le ridicule saillant […] [il ne hait] pas les grands crimes […] parce qu’on en fait de beaux tableaux et de belles tragédies » […]

« Une femme garde-t-elle le même teint dans l’attente du plaisir, dans les bras du plaisir, au sortir de ses bras ?»

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2.1 L’exemple de Diderot « théoricien de la graphie et de l’audio-visuel » 3/4

On ne saurait alors s'étonner qu'à l’encontre du beau idéal platonicien, le beau artistique s’approche le plus possible du sublime déjà cher à Burke au XVIIIè, lorsque Diderot affirme qu'il faut « aux arts d’imitation quelque chose de sauvage, de brut, de frappant et d’énorme »

Diderot apparaît donc empiriste lorsqu’il définit le goût comme « facilité acquise, par des expériences réitérées, à saisir le vrai et le bon ».

→Mais « Le paradoxe central de l’esthétique de Diderot consiste dans une tension entre […] la thèse empiriste qu’il professe […] et d’autre part la dimension idéaliste de son esthétique »

On ne saurait pourtant qualifier purement et simplement Diderot de néo-platonicien, dans la mesure notamment où son incitation à peindre sur le motif se nuance souvent d’une distance inévitable entre art et nature.

Aussi critique-t-il un certain naturalisme propre à François Boucher : « Cet homme ne prend le pinceau que pour me montrer des tétons et des fesses. Or, ajoute-t-il : « je suis bien aise d’en voir, mais je ne veux pas qu’on me les montre »

CF. Leda et le cygne (1740)

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2.1 L’exemple de Diderot « théoricien de la graphie et de l’audio-visuel » 4/4

La mimêsis n’a pas sa place dans la pensée esthétique de Diderot. Si l’on peut, en effet, parler d’imitation en art, ce n’est que dans la mesure où « la nature imite, en se jouant, dans cent occasions, les productions de l’art »

Vigueur philosophique et modernité résident notamment dans le fait d’accueillir favorablement des peintres désavoués tels que Chardin, Greuze ou Fragonard

A noter que J.J. Rousseau et Diderot portent tous deux « le même diagnostic » d’une société malade. Mais le premier propose « un retour en arrière », alors que le second ne songe qu’à nous offrir « une société libérée et ouverte »

Au siècle suivant, le métier de critique se précisera encore avec, notamment, Baudelaire qui publiera sur les Salons de 1845 et 1859, mais aussi Théophile Gautier sur celui de 1848

D'autres auteurs seront également critiques d'art, tels les frères Jules et Edmond de Goncourt ou encore Zola qui se fera le critique de son ami Cézanne

Dès la fin du XIXè, on assistera à la multiplication des Salons, des galeries d'art et des musées, ainsi qu’à la création du métier de journaliste spécialiste de l'art

Mais au XXè le critique se fait le plus souvent médiateur entre l'artiste et le public

Le métier de critique perdure néanmoins, ainsi que les lieux d'exposition qui se multiplient aujourd'hui, dans des formes sensiblement différentes après quelques 4 siècles d'histoire qu'il nous appartient de retracer succinctement.

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2.2 La naissance des Salons 1/3

Initiée par Colbert, "l'exposition" était précisément le nom réservé à la présentation d'œuvres d'artistes vivants, soit des derniers lauréats de l'Ecole des Beaux-Arts

Qui devaient être capables de présenter une ou plusieurs œuvres sur un sujet imposé, mais dans un genre choisi par eux-mêmes et concrétisées par le "morceau de réception"

final devenant propriété de l'Académie

Montrées au public au cours de biennales, statutairement décrétées en 1663, mais qui se succédèrent de manière assez irrégulière

La première fut organisée au Palais Royal en 1667

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1ere BIENNALE au PALAIS ROYAL en 1667

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Mais les biennales de 1675, 1681 et 1683 ayant eu peu de succès, l'Académie décida de s'installer au Louvre

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A partir de 1692 les expositions ont lieu dans la Grande Galerie, donnant lieu, pour la 1è fois en 1699, à la parution d’un recueil en 3 volumes.

En 1725, c'est le Grand Sallon du Louvre qui sert de lieu d'exposition, d'où l'appellation ultérieure de "Salon", désignant à la fois l'événement et le lieu où les Académiciens présentent leurs œuvres au public.

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2.2 La naissance des Salons 2/3

La périodicité de ces Salons se fait alors régulière, puisqu’ils deviennent annuels à partir de 1737 et bisannuels dès 1748

Ceux-ci restreignent pourtant la participation des artistes étrangers, ainsi que celle des femmes jusqu'en 1791

Date de la 2nde consécration de David pour trois de ses tableaux, dont le Brutus

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Brutus David (1791)

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2.2 La naissance des Salons 3/3

Ce n'est en effet qu'à ce moment-là que le Salon, au nom du principe d'égalité, s'ouvre à tous les artistes vivants par un décret de l'Assemblée nationale

Remarquons pourtant qu'en cette fin de période révolutionnaire, ce sont encore, de façon notoire, les scènes d'histoire et les portraits des grands hommes politiques qui font majoritairement l'objet et l'admiration des Salons, tel Le Serment du Jeu de Paume (1791) de David

Notons encore qu’en 1840, 1900 ouvrages seulement sur 4300 seront admis

Et que c’est précisément cette année-là qu'une exposition indépendante tentera de s’organiser parallèlement mais de manière stérile

C’est donc pour faire face à l'affluence d'œuvres et aux multiples refus d'exposition que d'autres Salons, différents des officiels, vont s'ouvrir

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Serment du jeu de paume David (1791)

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2.3 Le Salon des Refusés et le Salon des Indépendants 1/3

L'unique Salon des Refusés se tient en 1863, grâce à l'initiative d’Antoine Chintreuil

C'est Napoléon III qui l'autorise, le justifiant par ces propos du 24/04/1863: « Sa Majesté, voulant laisser le public juge de la légitimité de ces réclamations, a décidé que les œuvres d'art refusées seraient exposées dans une autre partie du Palais de l'Industrie »

Or, ce palais est un bâtiment construit pour l'Exposition Universelle de 1855 et a précédé le Grand Palais, construit en vue de celle de 1900

C'est encore entre ses murs que se tiennent les Salons d'artistes vivants depuis lors, à l'exception de sa fermeture des années 1993 à 2006, pour cause de restauration

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SALON DES REFUSES PALAIS DE L’INDUSTRIE (1863)

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2.3 Le Salon des Refusés et le Salon des Indépendants 2/3

Parmi les plus notoires de ces artistes refusés en 1863, on note Pissaro, mais aussi Manet, avec ses 3 œuvres intitulées :

Le Déjeuner sur l'herbe 1862-63,

Mademoiselle V. en costume d'Espada 1862, et Un jeune homme en costume de majo 1863

Or le choix du jury ne fera pourtant pas l'unanimité, puisqu'un commentaire de l'époque dira finalement de cette exposition «qu'on y rit comme aux farces du Palais-Royal »

La préface du catalogue fera néanmoins état du regret concernant le trop grand nombre de désistements provenant d'artistes invités à y participer

Mais cette exposition constitua un tel échec qu'elle ne fut jamais reconduite !

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LE DEJEUNER SUR L’HERBE

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Mademoiselle V en costume d’Espada Jeune homme en costume de Majo

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2.3 Le Salon des Refusés et le Salon des Indépendants 3/3

Et ce n'est qu'avec la fin du Second Empire que l'on assiste à la création de Salons Indépendants du pouvoir politique, grâce notamment à Delacroix.

Jules Ferry suggèrera ensuite aux artistes admis au moins une fois au Salon, de constituer la Société des Artistes français

Et c'est lors de l'inauguration du Salon de 1881 qu'il libère officiellement ceux-ci de la tutelle de l'Etat, en s'adressant à eux en ces termes : « Le rôle de l'Etat n'est pas de faire les affaires des artistes […] il est exclusivement un rôle d'enseignement et un rôle d'encouragement »

En 1884 naît le fameux Salon des Artistes Indépendants, toujours valide à l'heure actuelle et dont la devise est « Sans jury ni récompenses »

Celui-ci permet en effet à tous les artistes désireux d'y participer d'exposer leurs œuvres librement, donnant à Paris l’occasion d'accéder au titre de "Capitale des Arts", dont elle ne pourra assurément plus se revendiquer au siècle suivant, avec l'ascension mondiale du marché de l'art américain

De nombreuses manifestations artistiques assurent néanmoins la continuité de ces entreprises passées et d'autres voient le jour, comme, par exemple, la Foire Internationale d'Art Contemporain

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2.4 Salons, Biennales et Foires au XXè 1/2

→ Après la 2nde guerre mondiale, d'autres Salons autogérés par les artistes se créent, tels le Salon de Mai, celui des réalités nouvelles, de la Jeune Peinture, du dessin et de la peinture à l'eau et bien d'autres encore, qui exposent généralement au Musée d'Art Moderne ou au Musée Galliera

En ce qui concerne les Biennales ̶ dont, rappelons-le, la 1è française a eu lieu en 1667 ̶ on en dénombre aujourd'hui une centaine spécialisées dans l'art contemporain, dont la plus ancienne est la célèbre Biennale de Venise et son fameux prix du "Lion d'or", datant de 1895

A ces manifestations, s'ajoutent les Foires Internationales d'Art Contemporain (F.I.A.C.), dont les plus importantes sont celles de Bâle, Cologne, Madrid, Chicago et Paris

Conçue sur le modèle de la F.I.A.C. Bâloise, celle de Paris a lieu pour la 1è fois en 1974, sous la dénomination de

"Salon International d'Art Contemporain", à l'ancienne gare de la Bastille, et la dernière fois en 2019, rassemblant quelques 200 galeries d'art moderne et contemporain au Grand Palais

→ Elle n’a pas eu lieu en 2020 pour cause de pandémie et devait se dérouler au Grand Palais éphémère de Jean-Michel Willmotte, pendant la 2è phase de restauration du Grand Palais prévue de 2021 à 2024

Mais il est officiel depuis le 26 janvier dernier que la F.I.A.C. de Paris fera désormais place à La Foire d’Art Contemporain Art Basel pour les 7 prochaines années, dont la 1ère se tiendra effectivement au Grand Palais éphémère, du 21 au 24/10/2022.

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Ce Grand Palais du XIXè, dont le fronton porte l’inscription "Monument consacré par la République à la Gloire de l'Art Français" était ouvert, chaque année, plus de deux mois au public, alors qu'en 2009, les 6 Salons historiques ont eu lieu sur moins d'une semaine et que la gratuité d'occupation des lieux a été supprimée.

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En 2021, la F.I.A.C. Paris a eu lieu au Grand Palais éphémère, conçu en structure bois par l’architecte Jean-Michel Wilmotte et ouverte à tous les événements d’art, de mode et de sport

Cette F.I.A.C. parisienne s’est déroulée du 21 au 24 octobre, comme chaque année, à l’exception de 2020 où elle a été annulée pour cause de pandémie

Mais à partir de 2022, elle sera remplacée par LA FOIRE D’ART CONTEMPORAIN ART BASEL

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Parmi les sujetsde contestation concernant l’Institution, le « Comité de Défense » du Grand Palais se plaint du choix systématique du Louvre ou du château de Versailles comme lieu d'exposition des artistes

contemporains en vogue, tels Jeff Koons, Takashi Murakami ou Xavier Veilhan.

Aussi l'artiste peintre Pierre Gilou, son fondateur, déplore-t-il « qu'en prenant pour cadre Versailles ou le

Louvre, la magnificence des lieux sacralise d'emblée les poulains de galeristes et de collectionneurs du réseau de l'art contemporain »

Balloon dog (2008) Flower Mantago (2010)

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2.4 Salons, Biennales et Foires au XXè 2/2

Enfin, l'idée même de Salon perd progressivement son sens artistique pour se voir peu à peu remplacée par un sens plus commercial, puisqu’on assiste, par exemple, à la naissance des Salons de l'Agriculture, des Arts ménagers ou de l'Automobile

Les Salons artistiques sont néanmoins toujours fréquentés par les amateurs d'art mais aussi par le "tout public", qui, grâce à l’achat de billets d'entrée et d'œuvres, constituent le meilleur garant de leur pérennité, sauvant notamment les Salons Indépendants de la tutelle de l'Etat

Il faut enfin préciser que, tout comme les expositions, les musées apparaissent au XVIIIè mais ne cessent de se multiplier, contribuant amplement à faire connaitre les œuvres qui, auparavant, étaient cantonnées dans les lieux sacrés ou les demeures et jardins d’aristocrates.

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2.5 De l’exposition religieuse et royale aux musées 1/6

Origine et fonction des musées

Les musées ̶ du grec museion signifiant les muses, les divinités inspiratrices des arts ̶ ne naissent qu'à la Renaissance, durant laquelle la noblesse italienne se plaisait déjà à faire voir à ses invités ses collections d'œuvres rassemblées dans ses cours et jardins privés

En France, c'est le Musée du Luxembourg qui ouvre le premier ses portes au public, dès 1750, soit un demi-siècle environ avant celui du Louvre

Pour Dagognet, il est sans doute le fruit des Lumières, où la rationalité triomphante rêvait de s’étendre et de s’exposer, substituant « aux hôtels privés et, surtout, aux églises, des bibliothèques publiques, des muséums d’histoire naturelle, des musées tout court (pour les trésors et les œuvres d’art)»

Ainsi P. Valéry, qui sait aussi promouvoir les musées, leur accorde une mission essentiellement éducative : « La physique des rayons X sera également exposée. Dans une chambre de Wilson de très grande dimension, [le public] verra la trajectoire des particules se dessiner dans la vapeur d’eau »

Et à ces collections s'ajouteront également les fruits des voyages et des pillages des Européens en terres étrangères, comme en attestent par exemple la Vénus de Milo ou l'Obélisque à Paris, qui ne seront pas, elles, l’objet des fameuses restitutions actuelles…

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MUSEE DU Luxembourg ( 1750)

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2.5 De l’exposition religieuse et royale aux musées 2/6

Pour un musée français d’art moderne

En France, qui compte aujourd'hui 24 musées nationaux, c'est à Grenoble, en 1919, que s'ouvre le premier Musée d'Art Moderne, dont les collections se constituent à partir des dons d'œuvres d'artistes vivants tels Matisse, Monet ou Picasso

→ Au XXè de nouveaux musées sont créés, tel le fameux Guggenheim de New York en 1943

→ D'autres musées voient ensuite le jour à Paris, comme :

le Centre Beaubourg, par Renzo Piano et Richard Rogers en 1977, la Cité des Sciences de la Villette en 1986,

ou encore le Palais de Tokyo en 2002

Au XXIè des musées voient le jour dans le monde entier et prennent la forme de chefs-d'œuvre architecturaux contemporains absolus, si l'on ose la redondance, tels que :

le Museum of Middle Eastern Modern Art à Dubai en 2008, ou encore le MAXXI de Zaha Hadid à Rome en 2010

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2.5 De l’exposition religieuse et royale aux musées 3/6

Il s’avère que l’institution muséale ne manque pas de légitimité, lorsqu’elle a pour but de donner à voir un maximum à tout visiteur potentiel. Et elle s'avère d’autant plus légitime lorsqu'elle tend vers le devoir de mémoire

Dès le début du XXè pourtant, on reprochera aux musées d'être conçus comme des

« cimetières d'œuvres d’art »

Or, c'est précisément dans cet esprit d'intégration de nouveaux artistes qu'une enquête menée par le journaliste et critique cinématographique Georges Charensol a été menée en 1925, pour la revue intitulée L'art vivant, et que le philosophe Yves Michaud nous rapporte, dans un ouvrage qu'il a préfacé en 1996

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2.5 De l’exposition religieuse et royale aux musées 4/6

A en croire Charensol : « Cette enquête, bien que conduite avec une impartialité absolue, a désigné exclusivement des artistes indépendants »

Dans la soixantaine de personnalités du jury exerçant des métiers aussi divers que peintres, critiques ou écrivains, les réponses s'avèrent assez perplexes parce qu'elles semblent "se méfier du culte de l'embaumement" : elles ne donneront donc qu'une liste d'artistes honorables et, évidemment, vivants

C’est ainsi que les personnes âgées de 60 ans au moins sont hors-concours, tels Cézanne ou Renoir qui, à l'époque, ont déjà plus de 80 ans et que 3 artistes seulement, parmi cette liste, ont moins de 30 ans

Et si l'on attache non plus à l'âge mais au nom des artistes choisis prioritairement, il est possible de s'interroger sur le faible score d'artistes tels que Miro, Gris, Delaunay ou Brancusi, qui n'ont obtenu qu'une seule voix au référendum, alors qu'André Dunoyer de Segonzac en a obtenu… 19.

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2.5 De l’exposition religieuse et royale aux musées 5/6

Cette enquête néanmoins ne donnera pas véritablement de réponse à la délicate question de la reconnaissance légitime d'un musée de l'art moderne, censé ne pas tomber sous la « coupe d'un organisme officiel de l'art académique »

L’art, en effet « ne doit pas être considéré comme un service public au même titre que la poste, les chemins de fer, les routes ou la santé »

→ Pourtant Beaubourg accueillera, dès 1977, les œuvres d'art vivant en provenance du Palais de Tokyo et attestera bien de cette industrie culturelle autoritairement décidée par le Ministère de la Culture et très vite décriée par Jean Baudrillard

→ Pour rappel : seuls les artistes exposés au Salon des Indépendants qui parviennent à asseoir leur réputation au bout de 10 ans seront susceptibles de bénéficier de l'exposition au Louvre

→ A l’encontre de ce reproche de passéisme, d'intérêt trop marqué pour les vestiges, ou d’excessive abondance d’œuvres anciennes habituellement adressées aux musées, c'est sans doute, si l’on en croit Dagognet, vers un « écomusée » qu'il faut envisager une voie muséale future

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2.5 De l’exposition religieuse et royale aux musées du XVIIIèsiècle 6/6 Pour un "écomusée" : le Musée sans fin de François Dagognet

C'est Georges-Henri Rivière, muséologue né à Paris en 1897 et appelé le "magicien des vitrines", qui, à partir de 1937, conçoit et invente le Musée National des Arts Traditionnels et Populaires à Paris, avant de se consacrer à l’idée d’un « écomusée », qu'il définit de la manière suivante :

→« Musée éclaté, interdisciplinaire […] invitant la totalité d'une population à participer à son propre développement par divers moyens d'expression basés essentiellement sur la réalité des sites, des édifices, des objets, choses réelles plus parlantes que les mots ou les images qui envahissent notre vie »

Or cette notion est reprise par Dagognet dans Le musée sans fin, dont il commence par expliquer le titre pour le moins équivoque : s'il faut, nécessairement, envisager que cette institution « renonce à ses anciens rôles » qui sont de « de collectionner », « conserver » et « exposer », c’est parce qu’elle doitse préparer àen assumer d’autres, soit avoir d’autres fins

Bien qu’il soit inévitable de comparer le musée traditionnel ̶ comme le ferait Michel Foucault ̶ à d'autres « bâtiments de l'enfermement et de la ségrégation », il s'est incontestablement « anémié jusqu'à devoir disparaître, mais [ne cesse pas] de se métamorphoser"

Perdant donc « ses fonctions séculaires [il] ne cesse pas non plus de se moderniser », comme dans l’exemple de l’écomusée du Creusot.

→ Jadis « centre actif, parce qu’au confluent d’au moins deux facteurs indispensables et rarement aussi bien réunis : l’eau […] et surtout la houille», l’endroit finalement déserté se voit contraint d’envisager une seconde vie. C’est alors que l’écomusée se voit érigé moins en conservatoire qu'en« observatoire, puis en laboratoire, enfin en directoire, au sens ancien du terme »

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ECOMUSEE DU CREUSOT (1937)

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TRANSITION :

Ces propos sur la naissance de l’Académie et de ses exigences, ainsi que sur la place grandissante de la critique artistique nous incitent à faire le point sur la question de la valeur artistique des œuvres en rapport direct avec leur facture et avec leur date de création, grâce au bref examen de certains des débats académiques qui ont jalonné l’histoire de l’art

Ceux-ci en effet pourraient bien attester que des œuvres de la Renaissance aux thématiques les plus conventionnelles ont pu être largement désapprouvées par leurs commanditaires mêmes

Car les cadres de la création, représentés par l'Académie antique déjà, mais aussi par celle du XVIIè, puis par l'Institut et le Ministère de la culture aujourd'hui, constituent généralement une limitation à l'innovation artistique quand il ne s’agit d’un fantasme pur et simple de retour à une esthétique révolue

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III - UN COMPARATISME HISTORICO-ESTHETIQUE INEVITABLE ET NOSTALGIQUE

3.1 Rhopographie, Rhyparographie et hiérarchie des genres

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3.1 Rhopographie, Rhyparographie et hiérarchie des genres 1/5

Dans l’Antiquité grecque déjà, selon Pline l'Ancien, on pratique la représentation d’objets, sortes d’ancêtres de la nature morte

Celle-ci porte même un nom puisqu’on distingue, à l’époque, la représentation d’objets de pacotille ou rhopographie, et celle d’objets vils et de déchets, ou rhyparographie

Si les œuvres de Xeuzis furent si prisées et celles de Piraïkos vendues mieux et plus chères que celles de ses contemporains, c’est parce qu’elles incarnaient au mieux l’art mimétique, témoignant ainsi du talent du peintre d’une part, mais aussi parce qu’elles figuraient la richesse de leurs commanditaires et la nécessité d’en jouir dans la vie terrestre !

→ Mais rhyparographie et rhopographie se situent toutes deux au bas de l’échelle des valeurs, à tel point que Pline, dans son Histoire naturelle, qualifie Piraïkos de « peintre des ordures », et incite à privilégier la mégalographie illustrée par exemple par la Bataille d’Alexandre

On a néanmoins pu retrouver des mosaïques de natures mortes ainsi que des vanités dans les atria d’été romains, où les convives invités aux repas pouvaient jouir du carpe diem horacien

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POMPEI 1ER AVANT J.C.

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3.1 Rhopographie, Rhyparographie et hiérarchie des genres 2/5

Pour Sterling en effet : « il est clair que les natures mortes hellénistiques et romaines qui représentaient des mets prêts à être consommés comportaient une allusion épicurienne » NB : épicurisme ≠ hédonisme

Mais c’est aussi sur une mosaïque retrouvée à Pompéi que figure un crâne, entouré à la fois des attributs du mendiant et du roi et souligné de cette sentence « la mort égalise tout » inaugurant, bien avant l’heure, le thème de la « vanité »

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3.1 Rhopographie, Rhyparographie et hiérarchie des genres 3/5

→ Ensuite le crâne humain comme élément de base devra son appellation de « vanité » à ce propos extrait d’un verset de l’Ecclésiaste tiré de la Vulgate : vanitas vanitatum et omnia vanitas signifiant « vanités des vanités, tout est vanité » (QOELETH)

En ce sens, la vanité appartient aux ars morendi et sert de memento mori signifiant :

« souviens-toi que tu vas mourir »

Avant de devenir un genre à part entière, la « vanité » comme motif artistique permit donc l’émergence de celui de la « nature morte », intégrant parfois la représentation d’un crâne à celle de divers objets de la nature

Ces tableaux rappellent en effet le caractère éphémère de la vie, grâce aux objets symbolisant le temps qui passe et ils constituent, incontestablement, un ouvrage d’artiste à part entière, comme l’attestent ces propos du Caravage :

« il me coûte autant de soin pour faire un bon tableau de fleurs qu’un tableau de figures »

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3.1 Rhopographie, Rhyparographie et hiérarchie des genres 4/5

Caravage aimait se prononcer contre une hiérarchie des genres qui faisait de la nature morte une catégorie bien mineure, bien qu’il y ait quelque paradoxe à classer comme mineur un genre pictural tellement chargé de symbolisme et de moralisme

Une classification dogmatisée au XVIIè, grâce à Charles Le Brun, peintre du roi, ou encore André Félibien, auteur d'une véritable hiérarchie des genres picturaux : « Il faut traiter de l’histoire et de la fable, il faut représenter les grandes actions comme les historiens […] et il faut, par des compositions allégoriques, savoir couvrir sous le voile de la fable les vertus des grands hommes, et les mystères les plus relevés »

Point de vue renforcé un siècle plus tard, par La Font de Saint-Yenne pour qui c’est dans les récits antiques, chez Homère ou Horace, mais aussi chez Boileau notamment qu’il faut rechercher les traces des grandes actions et vertus des hommes célèbres

→Elle est d’abord hiérarchie d’ordre social, dans la mesure où seuls les lettrés ont accès à la peinture d’histoire ou allégorique, mais elle est également d’ordre économique puisque cette catégorie suppose une difficulté d’exécution maximale et, donc, un coût élevé pour les commanditaires :

A l’époque, un tableau d’histoire rapportait à son auteur jusqu’à 4 fois plus qu’une nature morte !

Elle devient même hiérarchie esthétique : « Celui qui fait parfaitement des paysages est au-dessus d’un autre qui ne fait que des fruits […] Celui qui peint des animaux vivants est plus estimable que ceux qui ne représentent que des choses mortes […] et celui qui se rend l’imitateur de Dieu en peignant des figures humaines est beaucoup plus excellent que tous les autres ».

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Pourtant les « scènes de genre », telles ces œuvres des Frères Le Nain, ne figure qu’après la peinture d’histoire et de portrait, malgré les sujets humains

Intérieur paysan (1642) La Charette (1641)

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3.1 Rhopographie, Rhyparographie et hiérarchie des genres 5/5

TRANSITION :

Cet exemple de débats théoriques portant notamment sur la question de la nature morte n’est pourtant pas le seul à opérer des dissensions au sein de l’histoire de l’art, comme en atteste par exemple la polémique entre les adeptes de l’art rhétorique ou de ceux des arts de la vue.

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3.2 Ut pictura poesis ou le paragone entre arts de la vue et rhétorique 1/2

La comparaison entre peinture et sculpture d’une part et arts poétiques de l’autre a son plus lointain ancrage dans l’Antiquité puisqu’Aristote déjà l’avait initiée au sein de sa réflexion théorique sur la mimesis, en avançant que le poète « imite tout comme le peintre ou tout autre faiseur d’images »

Pour Horace ensuite, « un poème est comme un tableau »

De même que pour Plutarque, Homère est le meilleur des peintres en ce que « la poésie est une peinture parlante et la peinture une poésie muette »

Mais ces références vont faire l’objet d’une inversion à la Renaissance : au lieu d’entendre qu’Horace comparait la poésie à la peinture, les théoriciens interprètent son « ut pictura poesis erit » (il en est de la poésie comme de la peinture) en inversant le sens de la comparaison pour la transformer en « un tableau est comme un poème »

De la même façon, Léonard transformera l’éloge de la poésie selon Plutarque en : « La peinture est une poésie muette et la poésie une peinture aveugle ; l’une et l’autre tendent à l’imitation de la nature selon leurs moyens »

Or ce contre-sens sert la cause des peintres en faisant d’eux des intellectuels, des spécialistes de la poétique et de la rhétorique, en lien avec la formulation léonardienne de la peinture comme « cosa mentale »

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