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Chapitre 1 : Revue de littérature

1.4 Identification des paramètres musculaires des modèles musculo-squelettiques

1.4.2 Personnalisation des modèles musculo-squelettiques

Dans la littérature, l’ensemble des études portant sur la modélisation musculo-squelettique s’accordent sur le fait qu’un modèle doit être en mesure de générer des forces musculaires fiables206. Au vu de la sensibilité précédemment exposée des paramètres muscle-tendon, la

personnalisation des modèles musculo-squelettiques s’avère être un élément essentiel lors de l’estimation de forces musculaires22,110,207. Dans les paragraphes qui suivent, nous décrirons

deux techniques numériques principalement utilisées pour personnaliser les modèles musculo- squelettiques, à savoir : la mise à l’échelle208 et l’optimisation71. Enfin, nous introduirons le rôle

de l’ergomètre isocinétique dans la personnalisation des modèles.

1.4.2.1 Personnalisation par mise à l’échelle

Un premier moyen de personnaliser un modèle musculo-squelettique à un individu donné est la « mise à l’échelle ». Celle-ci s’effectue à partir d’un modèle générique, défini grâce aux données obtenues sur un ou plusieurs cadavres ou sur des individus vivants, dont les caractéristiques anthropométriques correspondent aux moyennes de la population étudiée90,164,196.

La mise à l’échelle dans le logiciel OpenSim

Le logiciel OpenSim dispose d’un outil permettant de redimensionner un modèle générique, à partir des trajectoires des marqueurs cutanés placés sur un sujet. Le modèle générique est initialement positionné dans une configuration identique à celle du sujet ayant réalisé l’expérience. Puis, un ensemble de marqueurs virtuels identiques aux marqueurs réels lui est

assigné. Pour chaque segment osseux du modèle, des paires de marqueurs sont alors définies (Figure 21). De là, un facteur d’échelle est calculé pour chaque paire de marqueurs : il correspond au rapport des distances entre les paires de marqueurs virtuels et réels, moyennées sur toute la durée du mouvement. La moyenne de tous les facteurs d’échelle obtenus permet d’obtenir un facteur d’échelle global. C’est ce dernier qui va permettre de redimensionner chaque segment osseux du modèle dans les trois directions de l’espace (géométrie, position des centres articulaires, emplacement du centre de masse, etc.). La masse et l’inertie des segments sont également mises à l’échelle en préservant la distribution de la masse segmentaire. Pour les muscles et les ligaments, un autre facteur d’échelle est calculé : il correspond au rapport de leurs longueurs avant et après la mise à l’échelle des segments osseux. Ce facteur d’échelle musculaire va permettre de mettre à l’échelle toutes les propriétés musculaires dépendantes de la longueur des muscles.

Autres exemples de personnalisation par mise à l’échelle

Dans l’étude de Bolsterlee et al. (2015), c’est la section transverse des muscles (PCSA) qui est mise à l’échelle pour chaque sujet209. Un paramètre d’ajustement est appliqué aux valeurs des

PCSA du modèle générique : il correspond au ratio de la longueur optimale du muscle du sujet sur celle du modèle générique. Deux techniques de mise à l’échelle sont alors comparées : toutes deux consistent à utiliser un second paramètre d’ajustement. Dans le premier cas, le coefficient utilisé est le rapport du volume musculaire total du sujet sur celui du modèle générique. Dans le deuxième cas, il s’agit du rapport du volume de chaque muscle pris indépendamment sur celui de chaque muscle du modèle générique. Bolsterlee et al. (2015) concluront finalement que les deux techniques de mise à l’échelle sont identiques, car toutes deux améliorent le réalisme des estimations de force maximale isométrique des muscles. Leur travail nous révèle qu’il est possible d’utiliser autant de paramètres d’ajustement que souhaité, afin de garantir la mise à l’échelle des variables concernées.

La personnalisation d’un modèle musculo-squelettique va au-delà de ses paramètres muscle- tendon. C’est pourquoi Nie et al. (2016) se sont intéressés à deux autres techniques de mise à l’échelle pour leur modèle de corps complet, purement squelettique. Leur première technique est basée sur la masse du modèle (hypothèse de similarité géométrique entre le modèle de référence et leur modèle personnalisé) ; la seconde est basée sur la structure (hypothèse de similarité géométrique et hypothèse de structure, en établissant une analogie entre les segments de chaque modèle, référence et personnalisé). Pour ajuster les paramètres de mise à l’échelle de leur modèle, ils utilisent des équations plus poussées que de simples relations de proportionnalité. Ces équations sont basées sur le comportement mécanique des os et tiennent compte de leur déformabilité. Leurs deux approches de mise à l’échelle ont donné des résultats

similaires. Ceci démontre que la simplicité de la mise à l’échelle en utilisant un coefficient devant les variables à ajuster vaut tout aussi bien qu’une modélisation plus complexe.

Dans ces études, il est observé que la mise à l’échelle est souvent complétée par de l’optimisation, pour affiner les estimations des forces musculaires. C’est donc vers l’optimisation que nous nous pencherons.

1.4.2.2 Personnalisation par optimisation

L’optimisation est un outil qui permet tout aussi bien d’estimer des forces musculaires que de calibrer/personnaliser les modèles desquels ces forces sont issues. De ce point de vue, Lloyd & Besier (2003) appliquent l’optimisation hybride pour calibrer leur modèle musculo-squelettique de genou. Ils minimisent ainsi l’erreur quadratique entre les moments issus de l’approche directe, calculés à partir des EMG et les moments issus de l’approche inverse, calculés à partir de la cinématique articulaire et des forces externes49,178,210. Au cours de ce processus, les

longueurs tendineuses à vide et les forces maximales isométriques des muscles de leur modèle sont progressivement ajustées, jusqu’à la satisfaction du critère de l’optimisation71. Les valeurs

des longueurs à vide et des forces maximales, usuellement tirées de la littérature178, sont bornées

lors de l’optimisation afin de garantir leur réalisme à l’issue de leur ajustement. Une démarche similaire a été empruntée par d’autres auteurs, lors de la personnalisation de leurs modèles musculo-squelettiques de membre inférieur211,212.

Dal Maso et al. (2017) se démarquent en s’intéressant au membre supérieur, plus précisément aux muscles de l’articulation olécranienne qu’ils modélisent en deux dimensions. Dans leur étude, ils appliquent également l’optimisation hybride pour améliorer l’estimation des forces

maximales isométriques durant les MVIC. Ils réussissent alors à obtenir une erreur satisfaisante de 7,4% entre les moments issus des approches inverse et directe.

Malgré ces avantages de personnalisation à partir de l’optimisation hybride, Buchanan et al. (2004) mettront en garde contre la tendance à vouloir définir un nombre excessif de paramètres à optimiser (ou suroptimisation). En effet, plus il y a de paramètres à optimiser, plus ils seront mathématiquement ajustés, afin de garantir le succès de l’optimisation. Ce faisant, il y a alors un risque de négliger l’aspect physiologique des quantités à optimiser, au profit du respect des critères mathématiques d’optimisation49. Cela a pour conséquence de créer des modèles

suroptimisés, qui ne permettent pas d’estimer des forces réalistes. En effet, ces modèles sont

constitués d’une multitude de paramètres qui nécessitent tous d’être ajustés au détriment de la physiologie humaine.

Dans notre travail, nous veillerons donc à ne nous intéresser qu’à un nombre limité de paramètres musculaires à ajuster : dans un premier temps, nous choisirons de personnaliser la force maximale isométrique, vu son importance précédemment mise en relief (voir sous- section 1.4.1).

1.4.2.3 Intérêt de l’ergomètre isocinétique dans la personnalisation des modèles

Tel que nous venons de l’aborder, l’optimisation hybride est souvent utilisée dans les études de personnalisation des paramètres muscle-tendon ; or, celle-ci s’accompagne généralement du suivi des moments articulaires expérimentaux71,195,201. La mesure de ces derniers est effectuée

grâce à l’ergomètre isocinétique (Figure 22). Celui-ci permet de mesurer les efforts spécifiques à chaque individu, lors de mouvements réalisés à vitesse constante. L’ergomètre isocinétique permet ainsi de déterminer les paramètres muscle-tendon, en particulier ceux qui influencent la

relation moment/angle articulaires199,201 (p. ex., la force maximale isométrique, la longueur

optimale ou la longueur tendineuse à vide). Dans leur étude sur la marche, De Groote et al. (2010) ont ainsi testé des flexions/extensions du genou à différentes amplitudes, pour établir les relations moment/angle articulaires ou force-longueur-vitesse, grâce à l’ergomètre. Ils ont ainsi pu déterminer la sensibilité des paramètres muscle-tendon spécifiques à chaque individu214,215.

Figure 22. Ergomètre isocinétique équipé de deux capteurs de forces six axes, à la main et au coude.

La principale limite de l’ergomètre isocinétique est de ne mesurer les moments articulaires que selon son axe principal de rotation : ce faisant, les moments selon les deux autres axes de l’espace Euclidien sont négligés71,216,217. Cela n’est pas problématique si seuls les moments

selon cet axe principal sont étudiés – ce qui est souvent le cas en biomécanique, notamment lors de l’étude des articulations de type « charnières » (p. ex., le genou ou le coude). Cependant, si ces moments unidirectionnels sont utilisés pour pouvoir faire de la modélisation et/ou de la calibration musculo-squelettique, cela est problématique. En effet, en prenant l’exemple d’une articulation complexe comme l'épaule, il apparaît que les muscles ont une action plurielle sur celle-ci68,218. À cet égard, Rankin et al. (2010) ont montré que la plupart des muscles des

membres supérieurs exercent, à la fois, des forces tangentielles et radiales pendant la phase de propulsion du fauteuil roulant. De même, lors de la rotation interne de l'épaule, le grand pectoral participe simultanément à la rotation interne tout en étant un fléchisseur du bras32. Par

conséquent, un moment peut être généré autour d'au moins deux axes, lesquels doivent être pris en compte lors de la calibration des modèles musculo-squelettiques.

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