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Chapitre 1 : Revue de littérature

1.2 Modélisation musculo-squelettique du membre supérieur

1.2.3 Géométrie musculo-squelettique

À travers les relations force-longueur et force-vitesse transparaît la nécessité de définir rigoureusement la géométrie musculo-squelettique (longueurs musculaires, origines/insertions des muscles, etc.). À cet égard, il est généralement admis que le niveau de détail d’un modèle doit dépendre de l’objectif poursuivi par le chercheur3,77. Deux grandes catégories de modèles

existent : les modèles par éléments finis et les modèles multicorps rigides.

1.2.3.1 Modèles par éléments finis

Les modèles par éléments finis sont basés sur la mécanique des milieux continus85. Ils

mous. Leur concept est basé sur la discrétisation – ou maillage – des structures complexes en un nombre fini de composants ayant une géométrie simple (p. ex., mailles triangulaires, Figure 14). Le plus grand défi de ces modèles est de savoir comment représenter avec justesse et de manière physiologique la structure et les matériaux de l'épaule.

Le principal inconvénient des modèles par éléments finis est leur temps de calcul élevé : plusieurs dizaines d’heures sont requises pour simuler un mouvement simple (p. ex., dans l’étude de Webb et al. (2014), environ 20 heures pour des mouvements d’abduction thoraco- humérale et de rotation interne de l’épaule, avec un processeur quadricœur de 20 Go de RAM). Le coût en temps de calcul est proportionnel au niveau de détail d’un modèle : par conséquent, plus le maillage est fin et plus les éléments sont complexes, plus le temps de calcul sera élevé. Un autre inconvénient est que les modèles par éléments finis nécessitent plus de données d'entrée que les modèles de lignes. Par ailleurs, il faut mentionner qu’ils ne peuvent être contrôlés en temps réel, une caractéristique qui s’avère importante dans certaines applications sensibles au temps, telles que le contrôle (neuro- )prothétique86 – nous n’irons toutefois pas vers

Figure 14. Modèle par éléments finis d’une épaule gauche – vues antérieure (A) et postérieure (B). Trois muscles sont représentés : le deltoïde (violet), l’infra-épineux (jaune, vue B), le supra-épineux (bleu) et le sous-scapulaire (rouge bordeaux)87.

1.2.3.2 Modèles multicorps rigides

Les modèles multicorps – ou modèles de lignes – sont basés sur la dynamique des corps rigides85. De ce fait, les os sont représentés par des segments rigides indéformables et les

muscles, par des lignes d’action (Figure 15). Des points de passage permettent de définir les sites d’attachement des muscles aux os, ainsi que les trajectoires des lignes d’action. Les points de passage permettent également de représenter le contact entre les muscles et les structures osseuses environnantes86,88 (Figure 15) ; des objets de contour peuvent aussi être utilisés dans

cet objectif86,88.

Appréciés pour leurs simplicité et rapidité d’implémentation, ces modèles sont généralement critiqués pour les mêmes raisons, à savoir la simplification extrême de la géométrie

simuler des déformations complexes, des distributions de contraintes ou les interactions entre les différentes composantes osseuses et musculaires du corps humain. Dans leur étude, Webb et al. (2014) montrent aussi que les modèles de lignes sous-contraignent les trajectoires musculaires : en effet, chaque compartiment musculaire est représenté par une ligne d’action mécaniquement indépendante pouvant se déplacer librement par rapport aux autres, ce qui n’est pas conforme à la physiologie musculaire. En réalité, les fibres au sein d’un compartiment musculaire sont mécaniquement/cinématiquement contraintes par les interactions avec leurs voisines. C’est ce qu’ont mis en évidence Hoffmann et al. (2017) en opposant les modèles de lignes classiques (lignes d’action longitudinales uniquement) à leur modèle de lignes bidirectionnel (lignes d’action longitudinales + ressorts transverses exerçant un effort de traction entre elles, améliorant le réalisme de la modélisation). En dernier lieu, du fait de leur forme anguleuse (p. ex., en T ou en V) dans certaines positions, les lignes d’action ne représentent pas toujours fidèlement les déformations musculaires. Une attention particulière est à apporter aux abords des positions articulaires extrêmes : en effet, les bras de levier des muscles pourraient être affectés par les formes singulières des lignes d’action à ces positions. Ceci serait susceptible d’affecter leur capacité à générer de la force, les muscles se retrouvant à opérer sur une mauvaise portion de la courbe force-longueur85,88.

Figure 15. Modèle de lignes d’une épaule droite – vues antérieure (A) et postérieure (B). Trois muscles sont représentés : le deltoïde (3 lignes d’action), l’infra-épineux (1 ligne d’action), le supra-épineux (1 ligne d’action) et le sous-scapulaire (1 ligne d’action)90. Les points de

passage, visibles aux extrémités et tout au long des lignes d’action, confèrent à ces dernières leur forme anguleuse.

Hicks et al. (2015) vont néanmoins défendre la thèse de la simplicité de la modélisation en faveur des modèles de lignes. Leur argumentation s’articule autour du fait que la complexité géométrique du modèle musculo-squelettique doit être justifiée par les besoins de l’étude menée3. Concernant la détermination de la géométrie musculaire (longueurs, bras de levier,

origines et insertion, sections transverses, etc.), l’utilisation de données cadavériques ou d’imagerie relevées sur des sujets vivants est suffisante pour assurer le réalisme des quantités mesurées. Au sujet de la modélisation des tendons, aucune contre-indication n’est émise quant

n’engendrent pas une grande production force, c’est-à-dire lorsque l’énergie stockée dans les tendons est faible. De plus, certains muscles ont naturellement des tendons moins élastiques, tel qu’observé au membre supérieur3. Par ailleurs, Quental et al. (2018) ont testé l’influence de

l’élasticité du tendon sur l’efficacité calculatoire et la validité biologique de différents modèles de membre supérieur. Ils ont alors conclu que l’hypothèse de rigidité du tendon est acceptable lorsque le ratio de la longueur tendineuse et de la longueur optimale des muscles est inférieur à 1, c’est-à-dire lorsque la longueur tendineuse des muscles est plus petite que la longueur optimale des fibres. Dans leur étude, ne pas modéliser le tendon a aussi permis de réduire le temps de simulation91.

En accord avec ces derniers arguments, nous choisirons d’utiliser une géométrie de modèle de lignes aux tendons rigides, afin de privilégier la simplicité de notre modèle de membre supérieur. Il s’agit d’une décision raisonnable, dans la mesure où notre objectif général de thèse porte sur le développement d’une méthode d’estimation des forces musculaires et non sur le réalisme de la géométrie du modèle musculo-squelettique – ce qui, en soi, représente un champ de recherche à part entière (p. ex., les thèses de Marsden (2009), Webb (2011) ou Stelletta (2015)).

Conclusion

Pour garantir la fiabilité des forces musculaires estimées, les modèles numériques doivent refléter les processus physiologiques qui gouvernent la contraction dynamique des muscles à l’échelle macroscopique. À cet effet, le modèle générique de Hill est le plus utilisé.

Concernant la géométrie musculo-squelettique, force est de reconnaître que la simplicité est à privilégier3, d’une part, pour faciliter l’implémentation du modèle et d’autre part,

pour réduire les temps de calcul3. Plus généralement parlant, le niveau de complexité

d’un modèle doit dépendre des objectifs de l’étude menée3. En somme, un modèle tel que

celui de Holzbaur et al. (2005) pour le membre supérieur semble suffisant pour développer des méthodes de calcul et estimer des forces musculaires, tel que nous souhaitons faire.

Si l’utilisation d’un modèle de type-Hill combiné à des données EMG permet déjà de calculer des forces musculaires exploitables62,71,95-97, il a toutefois été montré que les

méthodes d’optimisation sont nécessaires afin de pallier la problématique de la redondance musculo-squelettique et garantir l’unicité des forces musculaires estimées98.

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