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Chapitre 1 : Revue de littérature

1.3 Outils numériques pour l’estimation des forces musculaires

1.3.3 Résolution mathématique

Il résulte de la sous-section précédente (1.3.2) que l’optimisation basée sur la dynamique directe convient à l’estimation des forces musculaires du membre supérieur. Dans un tel problème d’optimisation non-linéaire, les excitations musculaires sont les contrôles ; la cinématique articulaire et les activations musculaires sont les variables d’états. Il s’agit d’un problème de contrôle optimal pouvant s’écrire sous la forme simplifiée suivante :

min 𝐱(∙),𝐮(∙)∫ϕ(𝑡, 𝐱(𝑡), 𝐮(𝑡), 𝑝) 𝑑𝑡 𝑇 0 tel que : 𝐱̇(𝑡) = 𝒇(𝑡, 𝐱(𝑡), 𝐮(𝑡)), 𝑡 ∈ [0, 𝑇] 𝐱𝐦𝐢𝐧 ≤ 𝐱(𝑡) ≤ 𝐱𝐦𝐚𝐱, 𝑡 ∈ [0, 𝑇] 0 ≤ 𝐮(𝑡) ≤ 1, 𝑡 ∈ [0, 𝑇] (11a) (11b) (11c) (11d) où : 𝐱(𝑡) = [𝐪(𝑡), 𝐪̇(𝑡), 𝛂(𝑡)]T sont les coordonnées (𝐪) et vitesses généralisées (𝐪̇) et les

activations musculaires (𝛂) ; 𝐮(𝑡) sont les excitations musculaires ; 𝑇 est la durée totale du mouvement étudié ; 𝑝 sont des paramètres optimisés également lors de la résolution. L’équation [11a] est la formulation générale du problème de contrôle optimal ; l’équation [11b] est l'équation différentielle ordinaire décrivant la dynamique du modèle (voir équation du mouvement, Eq. [8]) ; les équations [11c-d] sont les limites des variables d’état et des contrôles :

par définition, les excitations musculaires sont bornées entre 0 et 1 (enveloppe du signal EMG), de même que les activations musculaires. Quant aux limites des angles et vitesses articulaires, celles-ci sont définies selon les limites physiologiques du modèle étudié.

Pour résoudre ce problème de contrôle optimal, différentes méthodes mathématiques existent, parmi lesquelles nous avons identifié : la méthode de collocation directe161,190, la méthode

directe de tir simple190 et la méthode directe de tir multiple29,190,191. Ces trois méthodes dites

directes sont caractérisées par la reformulation d’un problème de dimension infinie en un

problème de dimension finie de programmation non-linéaire190. Si leur principe général consiste

à discrétiser et paramétrer les contrôles sur l’intervalle de résolution, c’est le traitement accordé aux variables d’état qui les distingue entre elles, tel que nous le détaillerons dans les prochains paragraphes190.

Les méthodes directes présentent plusieurs avantages, à savoir : une implémentation simple, une robustesse aux instabilités, une faible sensibilité aux conditions initiales et une bonne gestion des contraintes appliquées aux variables d’état190. En revanche, la discrétisation de l’intervalle

de temps impose de porter une attention particulière quant au fait d’atteindre des minima locaux. Par ailleurs, les méthodes directes ont un coût important en mémoire de calcul, ce qui peut s’avérer problématique dans l’étude de problèmes de grande dimension.

1.3.3.1 Méthode directe de tir simple (direct single shooting ou DSS)

En DSS190, le problème de contrôle optimal s’écrit selon le formalisme précédent (Eq. [11a-d]) ;

seuls les contrôles sont discrétisés et paramétrés, de sorte que : 𝐮(𝑡) = 𝝆𝑖, 𝑡 ∈ [𝑡𝑖, 𝑡𝑖+1]

𝑖 ∈ [1, 𝑁 − 1]

où : 𝝆𝑖 sont les représentations par morceaux des contrôles 𝐮 discrétisés sur chaque sous- intervalle [𝑡𝑖, 𝑡𝑖+1] ; 𝝆𝑖 sont des fonctions telles que la fonction constante ou polynôme ; 𝑁 est le nombre de points (ou nœuds) choisi pour la discrétisation.

Le DSS est une approche séquentielle, c’est-à-dire que les itérations du problème d’optimisation et la simulation des variables d’état sont effectuées l’une à la suite de l’autre. La trajectoire des variables d’états est obtenue sur l’ensemble de l’intervalle de temps non-discrétisé (Figure 19). Le principal avantage du DSS est sa simplicité : en effet, le problème d’optimisation comporte peu de degrés-de-liberté (uniquement les contrôles discrétisés) et donc, ne requiert une solution initiale que pour ceux-ci.

Néanmoins, des inconvénients en découlent, à savoir : ne pas être en mesure de fournir une solution initiale pour les variables d’état (il devient donc impossible de traiter des problèmes avec suivi de données, comme c’est le cas en optimisation dynamique) ; être en présence de contrôles qui dépendent fortement des paramètres qui les définissent (pour cette raison, un mauvais choix des contrôles entraîne la non-obtention d’une solution optimale)192 ; et enfin,

Figure 19. Illustration du DSS (gauche) et DMS (droite) : à gauche, seuls les contrôles sont

discrétisés sur l’intervalle de résolution ; à droite, les états aussi le sont.

1.3.3.2 Méthode de collocation directe

Contrairement au DSS, la méthode de collocation directe permet de discrétiser, à la fois, les contrôles et les variables d’état sur l’intervalle de résolution190,193, lesquelles font partie des

variables optimisées. Dans ce cas-ci, les équations [11a-e] deviennent :

min 𝐱(∙),𝐮(∙)∑ ∫ ϕ(𝑡, 𝐱(𝑡), 𝐮(𝑡), 𝑝) 𝑑𝑡 𝑡𝑖+1 𝑡𝑖 𝑁−1 𝑖=0 tel que : 𝒄𝑖(𝝆𝑖, 𝐬𝑖, 𝐬𝑖′, 𝐬𝑖+1) = 0 𝑖 ∈ [1, 𝑁 − 1] 𝐱𝐦𝐢𝐧 ≤ 𝐱𝑖(𝑡) ≤ 𝐱𝐦𝐚𝐱, 𝑡 ∈ [0, 𝑇] 0 ≤ 𝐮𝑖(𝑡) ≤ 1, 𝑡 ∈ [0, 𝑇] (13a) (13b) (13c) (13d) où : l’équation [13a] est la forme du problème de contrôle optimal discrétisé ; l’équation [13b] est l’équation différentielle remplacée par des contraintes égalité, avec 𝐬𝑖 étant les variables d’état discrétisées et 𝐬𝑖 les variables d’état aux points de collocation sur chaque sous-

intervalle [𝑡𝑖, 𝑡𝑖+1] ; les équations [13c-d] sont les limites des variables d’état et des contrôles discrétisés.

La méthode de collocation directe est une approche simultanée, où les itérations du problème d’optimisation et la simulation des variables d’état sont effectuées en même temps. Les points de discrétisation sont appelés points de collocation : ils forment une grille sur laquelle le problème d’optimisation est résolu. La méthode de collocation directe répond aux limites du DSS, puisque, d’une part, elle permet de renseigner une solution initiale pour les contrôles et les variables d’état du problème d’optimisation. D’autre part, elle offre une convergence locale rapide, où les contraintes imposées sont bien gérées, de sorte qu’elle est capable de traiter des systèmes instables.

Toutefois, la grille des points de collocation n’est pas ajustable selon l’erreur de discrétisation : contrôler cette dernière revient alors à définir une nouvelle grille de points, ce qui modifie ultimement la dimension du problème d’optimisation non-linéaire. En plus de ralentir le processus de résolution, ceci devient problématique quand une discrétisation plus fine est requise au cours de la résolution190.

1.3.3.3 Méthode directe de tir multiple (direct multiple shooting ou DMS)

Tout comme la méthode de collocation directe, le DMS est une approche simultanée190

permettant la discrétisation simultanée des contrôles (Eq. [12]) et des variables d’état sur l’intervalle de résolution, scindé en 𝑁 sous-intervalles (Figure 19).

min 𝐱(∙),𝐮(∙)∑ ∫ ϕ(𝑡, 𝐱(𝑡), 𝐮(𝑡), 𝑝) 𝑑𝑡 𝑡𝑖+1 𝑡𝑖 𝑁−1 𝑖=0 (14a)

𝐱̇𝒊(𝑡) = 𝒇(𝑡, 𝐱𝑖(𝑡), 𝝆𝑖), 𝑡 ∈ [𝑡𝑖, 𝑡𝑖+1] 𝑖 ∈ [1, 𝑁 − 1] 0 = 𝐱𝑖(𝑡𝑖+1; 𝑡𝑖, 𝐬𝑖) − 𝐬i+1, {𝑡𝑖} ⊂ [0, 𝑇] 𝑖 ∈ [1, 𝑁] 𝐱𝐦𝐢𝐧 ≤ 𝐱𝑖(𝑡) ≤ 𝐱𝐦𝐚𝐱, 𝑡 ∈ [0, 𝑇] 0 ≤ 𝐮𝑖(𝑡) ≤ 1, 𝑡 ∈ [0, 𝑇] (14b) (14c) (14d) (14e) où : l’équation [14a] est la forme du problème de contrôle optimal discrétisé ; l’équation [14b] est l’équation différentielle discrétisée ; l’équation [14c] représente la continuité des variables d’état entre chaque nœud (conditions de recollement ou de continuité) ; les équations [14d-e] sont les limites des variables d’état et des contrôles discrétisés.

L’équation différentielle (Eq. [11a]) est résolue sur chaque sous-intervalle [𝑡𝑖, 𝑡𝑖+1] ; des contraintes d’égalité entre les nœuds assurent la continuité de la solution sur l’ensemble de l’intervalle de résolution. Les avantages du DMS sont : la possibilité d’initialiser la résolution en renseignant les valeurs des variables d’état ; la capacité à résoudre des systèmes instables en permettant de définir les contraintes de trajectoires pour les états ainsi que des contraintes de résolution terminales. Inversement à la méthode de collocation directe, le contrôle de l’erreur de discrétisation est effectué sans pour autant que cela ne modifie les dimensions du problème d’optimisation non-linéaire190. Aussi, augmenter le nombre de nœuds augmente la stabilité du

problème.

Il faut, cependant, faire attention à la discrétisation du problème qui peut faire en sorte que plusieurs minima locaux (vers lesquels une convergence est possible) existent : la solution obtenue pourrait alors se retrouver éloignée de la vraie solution optimale.

Conclusion

L’optimisation, dans sa définition, répond à la problématique de la redondance musculo- squelettique, en permettant d’obtenir un ensemble unique de forces musculaires pour un mouvement défini. Si les optimisations statique et dynamique sont considérées comme étant complémentaires103, la première est critiquée parce que basée sur une approche

inverse. Il en va de même pour l’optimisation hybride qui reprend, en partie, la stratégie de l’optimisation statique. En comparaison, l’optimisation dynamique est un outil plus puissant, bien que chronophage.

En optimisation dynamique, la redondance d’informations dans le suivi de données facilite la convergence et améliore le réalisme des forces musculaires estimées. La qualité des données suivies est donc essentielle, en particulier si elles sont obtenues de manière expérimentale. Ainsi, effectuer le suivi des trajectoires des marqueurs cutanés est préférable au suivi des angles/vitesses articulaires (calculées par cinématique inverse), lui-même préférable au suivi des moments articulaires (calculés par dynamique inverse). Parmi les méthodes directes permettant de résoudre efficacement l’optimisation dynamique, le DSS ne convient pas à notre étude, car il ne permet pas de renseigner des variables d’état comme donnée d’entrée, alors que nous souhaitons utiliser le suivi de données. Quant à la méthode de collocation directe, elle ne permet pas de gérer les changements de dimensions du problème d’optimisation au cours de la résolution. Finalement, parce qu’il combine les avantages du DSS et de la méthode de collocation directe, le DMS semble être mieux adapté.

Ultimement, il apparaît que l’optimisation a aussi un grand intérêt en ce qui concerne la personnalisation des modèles musculo-squelettiques, ce que nous développerons dans notre quatrième partie.

1.4 Identification des paramètres musculaires des modèles

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