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Les perles melon côtelées en « faïence égyptienne »

Définition, matériau et technique de mise en forme

Il s'agit de perles sphériques « en melon », légèrement aplaties, présentant une apparence opaque, un décor côtelé et une couleur bleu-verte. Dans leur forme, leur taille et leur couleur les perles melon sont assez uniformes, les différences s'expriment dans le nombre et dans la profondeur des rainures. Elles sont référencées dans la typologie de E. Riha en tant que sous-type 11.1.1 'Melonenperlen aus Kieselkeramik' et dans l'étude de I. Bertrand en tant que type 1.

Fig. 1 : Détail d'un collier en perles melon recomposé artificiellement.

Diam : 1,2 à 2,2 cm. Ier- IIIe siècle. Conservées au Musée du verre antique d'Arles, n° inventaire FAN.92.00.1655. Tiré de : Foy 2010, p. 475.

Les perles melons sont composées de fritte émaillée, improprement appelée « faïence égyptienne » ou « céramique siliceuse » dans certaines publications. Selon E. Riha, elles sont composées d'une pâte poreuse, relativement plastique, constituée d'un mélange de grains de quartz, de poudre de verre et d'un liant organique1. Elles sont cuites à basse température entre 600 et 800°C.

Le noyau est ensuite recouvert d'une glaçure brillante, connue sous le nom de « bleu égyptien », présentant une couleur turquoise. Cette couverte est constituée d'un mélange de sable, de chaux et d'addition d'éléments cuivreux2. Souvent irrégulières, les perles melons sont probablement façonnées par enroulement du verre autour d'une tige métallique avant d'être incisées afin d'obtenir les côtes3. Elles ont pu, également, être roulées sur une surface nervurée afin d'obtenir les côtes4.

1 Riha 1980, p. 80.

2 Ibid.

3 Foy 2010, p. 467.

Les perles melon, se rencontrent durant toute l'Antiquité. Elles apparaissent dès la période augustéenne mais sont employées principalement durant les deux premiers siècles de notre ère5. Quelques exemplaires sont également attestés dans des tombes de l'Antiquité tardive. On ignore le ou les lieux de production, mais l'abondance de ces petits objets ne peut laisser imaginer une seule origine égyptienne comme on l'a longtemps supposé. Des productions italiennes sont également probables6 et la fouille réalisée en 1998 sur la base navale romaine de Cologne ont mis au jour une fabrique de perles melon datée du IIe siècle7.

Utilisation des perles-melons à l'époque gallo-romaine

Ces perles sont retrouvées aussi bien en contexte d'habitat que funéraire. Elles sont mises au jour dans les sols d'occupation des grottes-sanctuaires et des villas occupées dès le début du Ier siècle de notre ère, mais aussi des camps militaires8. La question de l'usage de ces perles est problématique. Dans la majorité des cas, elles se retrouvent de manière isolée et ce plus fréquemment que pour les autres types de perles. En Narbonnaise, à Nîmes, dans le quartier des Bénédictins, les perles mises au jour proviendraient d'un même collier9. De cette représentativité souvent unique, on en déduit souvent que la forme et la couleur turquoise de ces perles avaient en Gaule romaine une vertu apotropaïque qu'on n'attribuait pas aux autres modèles10. Pour D. Foy elle faisaient office de bulla en étant suspendues au cou, au poignet ou aux vêtements des enfants11. En outre, à Eysses, la découverte d'un grand nombre d'exemplaires dans un dépotoir contenant aussi des objets de harnais a également suggéré aux fouilleurs un usage dans l'ornementation du harnachement des chevaux12. Ces harnais décorés de perles ou de pompons sont connus par des représentations iconographiques, à l'image des bas-reliefs présents sur les stèles funéraires des soldats T. Flavius Bassus (fig. 2) ou M. Sacrius Primigenius conservées au Köln Museum13.

5 Foy 2010, p. 466.

6 Ibid.

7 Höpken 2001.

8 Foy op. cit., p. 466.

9 Gamy & Monteil 2000, p. 132.

10 Sur la valeur prophylactique de ces perles voir : Riha 1980, p. 80. Massart 1997, p. 71. Sablerolles 1999, p. 263. Foy

Fig. 2 : Détail de la stèle funéraire de T. Flavius Bassus.

Conservé au Köln Museum. Cliché : A. Pinto.

Ces perles apparaissent également de manière isolée ou en petites séries, dans le domaine funéraire, aussi bien dans des tombes féminines que masculines. Dans ce cas, elles sont souvent mêlées à d'autres perles ou pendants, comme dans l'exemple de la nécropole de la Citadelle à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) où elles sont présentes de manière isolée dans les sépultures 224, 231, 237, 310, 313, mais en cinq exemplaires dans la tombe 36914. Cet isolement relatif a contribué à leur accorder une valeur apotropaïque, elles sont interprétées comme des talismans ou des amulettes protectrices. L'un des seul exemple de bijoux composé exclusivement de perles melon est celui de la tombe D/XII de Blicquy, datée de l'époque flavienne (fig. 3)15. Il s'agirait d'un diadème constitué de perles melon montées sur une tige de fer. Enfin, ces éléments sont présents aussi bien dans les inhumations que dans les incinérations où ils présentent parfois des traces de combustion à l'image de la perle retrouvée dans la sépulture 369 de la nécropole de la Citadelle.

Fig. 3 : Diadème composé de perles melon. Perles couvertes de

faïence bleu-verte et tige de fer. Blicquy, tombe D/XII. Epoque flavienne.

Tiré de : De Laët et al. 1972, p. 124.

14 Augros et Feugère 2002.

Utilisation des perles-melons à l'époque mérovingienne

Ces perles melon se retrouvent également en remploi dans des sépultures des Ve, VIeet VIIe siècles. Dans son étude, Constantin Pion a ainsi mis en évidence la présence de quatre-vingt-six exemplaires répartis sur la totalité du territoire belge16. Dans le cas des sépultures féminines ces perles sont le plus souvent intégrées à des parures en perles de verre ou d'ambre où elles occupent alors une position centrale (fig. 4). Dans le cas des sépultures masculines elles sont présentes de manière fragmentaire et contenues dans l'aumônière17. Elles peuvent également apparaître de manière isolée dans le cercueil. Les études portant sur la période mérovingienne, attribuent à ces perles une valeur prophylactique. Ainsi, selon E. Salin les interdictions multipliées par l'Eglise du Ve au VIIIe siècle témoigneraient du caractère phylactérique des grains de colliers et des bracelets portés par les femmes du temps18.

Fig. 4 : Collier de perles. Ambre, verre et faïence égyptienne.

Bossut-Gottechain, tombe 146. Cliché : L. Baty (Service public de Wallonie). Tiré de : Pion 2012, p. 52.

Bibliographie

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Annexe 7 : La réglementation somptuaire

ANNEXE 7

Les réglementations somptuaires