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Performances des modèles actuels et principales sources d’incertitude

2.3 Modélisation des aérosols : État de l’art

2.3.3 Performances des modèles actuels et principales sources d’incertitude

L’évaluation des performances des modèles d’aérosols constitue une étape essentielle avant leur utilisation. Elle est d’autant plus difficile que la modélisation des particules comporte de nombreuses incertitudes liées à leur prise en compte dans les modèles (paramétrisation des pro-

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cessus), mais également aux données d’entrée (émissions, données météorologiques, conditions aux limites) et aux observations utilisées pour leur validation (erreurs instrumentales, représenta- tivité de la mesure). Plusieurs études récentes ont cherché à intercomparer les performances des modèles actuels à simuler les concentrations et la composition des aérosols sur de longues périodes à l’échelle européenne, mais elles restent plus rares à l’échelle urbaine.

L’étude menée par Seigneur (2001) sur la ville de Los Angeles lors d’un épisode de pollu- tion de l’été 1987 a montré la capacité de cinq modèles américains (UAM-AERO, GATOR, CIT, UAM-AIM, SAQM-AERO) à simuler correctement les concentrations moyennes journalières des composés inorganiques (nitrate, sulfate, ammonium) avec un biais de± 50% et des erreurs nor- malisées comprises entre 15 et 70%. De meilleurs résultats ont été obtenus pour la concentration totale des PM2,5 (erreur de 30-50% ), soulignant la possibilité de compensations d’erreurs entre les différents constituants des aérosols.

En Europe, la première étude d’intercomparaison a été conduite par Hass et al. (2003) dans le cadre du projet GLOREAM/EUROTRAC 2 afin d’évaluer les performances statistiques à l’échelle régionale de six modèles européens de complexité différente : DEM, EURAD (Hass et al. 1993), EUROS, LOTOS (Builtjes 1992), MATCH, REM3-CALGRID (Stern and Yamartino 2001). Les simulations de la concentration des principaux composés inorganiques de l’aérosol ont été com- parées avec les observations au sol des stations du réseau EMEP au cours de l’été 1995. La grande variabilité des résultats de comparaison (biais compris entre -20 et +50% pour les sulfates, -30 et +110% pour les nitrates, et -45 et +90% pour l’ammonium) souligne la complexité de la mo- délisation de la fraction inorganique de l’aérosol et le nombre important d’incertitudes liées à la formation de ces composés. Les coefficients de corrélations varient entre 0,3 et 0,7 pour les dif- férents composés et indiquent que les modèles reproduisent difficilement la variabilité temporelle des observations. L’étude a été reconduite pour les années 1997, 1999 et 2001 (Van Loon 2004) en prenant en compte de nouvelles stations de mesure et deux nouveaux modèles, CHIMERE (Bessagnet et al. 2004) et EMEP. Des résultats similaires ont été obtenus pour les composés in- organiques. De plus, une sous-estimation générale de la masse totale de PM10 variant de 30 à 50% a été constatée, suggérant la non prise en compte dans les modèles de certains processus de formation des particules.

Plus récemment, une intercomparaison (CITY-DELTA) portant sur les principaux modèles eu- ropéens a été menée à l’échelle urbaine dans le cadre du projet européen CAFE (Clean Air For Europe), initié en 2002 par JRC-IES (Joint Research Center, Institute for Environment and Sus- tainability). Les capacités des modèles à simuler les concentrations des aérosols ont été évaluées sur plusieurs grandes agglomérations européennes ayant une topographie et une météorologie dif- férentes, telles que Paris, Berlin, Milan et Prague. Bien que l’objectif de l’exercice était d’étudier l’impact de la politique européenne de réduction des émissions sur la qualité de l’air des grandes villes européennes, un intérêt particulier a été porté sur la modélisation des aérosols (PM10). Les résultats de l’étude, présentés dans le Tableau 2.4 pour l’été 2000 ont confirmé la tendance des modèles à sous-estimer la masse totale des PM10. Finalement, ces intercomparaisons montrent que plusieurs paramétrisations peuvent être utilisées pour représenter les aérosols et les processus associés, et les plus complexes ne mènent pas forcément aux meilleurs résultats.

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TAB. 2.4 –Intercomparaison des modèles pour les concentrations des PM10(µg m−3) en Europe dans le cadre de

l’exercice CITY-DELTA en été 2000 (http ://rea.ei.jrc.it/netshare/thunis/citydelta). Les résultats tiennent compte à la fois des simulations à 5 km et à 50 km de résolution.

Ville Biais RMS erreur Corrélation

min/max (ens.) min/max (ens.) min/max (ens.)

Paris Station urbaine -2/-24 (-13) 15/25 (17) 0,3/0,7 (0,65) Station péri-urbaine -4/-20 (-10) 10/23 (14) 0,4/0,7 (0,65) Berlin Station urbaine -5/-20 (-12) 13/23 (16) 0,5/0,8 (0,75) Station rurale -4/-12 (-7) 10/15 (11) 0,5/0,8 (0,70) Milan Station urbaine -11/-19 (-15) 18/21 (20) 0,3/0,6 (0,5) Prague Station urbaine -15/-20 (-18) 19/26 (22) 0,3/0,4 (0,4) Station rurale -4/-7 (-5) 7/9 (7) 0,4/0,7 (0,7)

Compte tenu de ces résultats d’intercomparaison, des progrès importants restent à réaliser dans la représentation des aérosols dans les modèles. Les principales sources d’incertitudes intervenant dans la modélisation des aérosols résident d’une part dans les hypothèses de modélisation et la connaissance limitée de certains processus, et d’autre part dans les données d’émissions et de météorologie utilisées en entrée des modèles (Seigneur and Cohen-Solal 2002). D’après de ré- centes publications (Pun et al. 2003; Seinfeld and Pankow 1997), de fortes incertitudes existent dans le traitement de la composante organique dans les modèles, et l’amélioration des mécanismes chimiques constitue une priorité afin de mieux représenter la formation des aérosols organiques secondaires. Le couplage des modèles thermodynamiques des composés inorganiques avec ceux des composés organiques doit aussi être envisagé afin de prendre en compte les interactions entre ces différents composés de l’aérosol (Clegg et al. 2003).

Bien que la composante inorganique des aérosols soit correctement représentée dans la plupart des modèles, il est nécessaire d’inclure la chimie aqueuse des sulfates, ainsi que la chimie hétéro- gène de l’acide nitrique et des nitrates (Jacob 2000; Schaap et al. 2004). De plus, la non prise en compte de certains composés minéraux tels que les sels marins et les poussières minérales dans la plupart des modèles, contribue également à la sous-estimation de la masse totale des PM10, notamment près des zones côtières et dans le sud de l’Europe.

Selon Hass et al. (2003), cette sous-estimation de la masse de particules peut être également due à une mauvaise paramétrisation du mélange vertical des aérosols ou aux sources manquantes dans les inventaires d’émission. En effet, de fortes incertitudes existent sur les émissions de par- ticules. Elles ont été estimées pour l’inventaire régional du TNO (2001) à 20% pour les TSP, 5% pour les PM10 et 8% pour les PM2,5et peuvent atteindre des valeurs bien plus élevées au niveau local, par exemple 30 à 50% pour les PM2,5. Le transport vertical des aérosols est un paramètre