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Paramétrisation de la distribution en taille des particules

2.3 Modélisation des aérosols : État de l’art

2.3.2 Paramétrisation de la distribution en taille des particules

2.3.2.1 Choix de la distribution en taille

Pour représenter la distribution en taille des aérosols, plusieurs approches peuvent être utili- sées, toutefois les représentations modales et sectionnelles sont les plus couramment employées dans les modèles actuels. Chacune à ses avantages, mais ce choix de la granulométrie est essentiel car il influe sur les performances du modèle.

Dans l’approche modale, la distribution en taille est constituée de plusieurs modes (typique- ment, les modes de nucléation, d’accumulation et le mode grossier) représentés par des fonctions analytiques généralement de type log-normale ou gamma (Binkowski and Shankar 1995; Whitby and McMurry 1997). Le principal avantage de cette approche provient de la résolution analytique des équations qui gouvernent l’évolution de la taille des particules, ce qui permet de réduire consi- dérablement le nombre de variables et ainsi de réduire le temps de calcul. Toutefois, l’approche modale ne permet pas de décrire la variabilité des aérosols en fonction de leur taille, les propriétés des aérosols étant supposées uniformes dans chaque mode (Zhang et al. 2002).

Dans l’approche sectionnelle, la distribution en taille est approximée par un nombre fini de sections ou intervalles (Warren, 1986). Dans une maille donnée du modèle, les particules apparte- nant à la même section ont la même composition chimique et les mêmes propriétés dynamiques. Le nombre de sections peut varier de 2 à quelques dizaines, sachant que la précision augmente avec le nombre de sections, mais aussi le temps de calcul. Pour permettre une prise en compte correcte des processus dynamiques des aérosols, un minimum de 6 à 8 sections est recommandé (Zhang et al. 2002). L’approche sectionnelle est bien adaptée à l’étude détaillée des processus d’aérosols, tandis que l’approche modale (comprenant généralement 2 à 3 modes) convient mieux à la modélisation à l’échelle globale qui nécessite une plus grande rapidité de calcul.

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D’autre part, les modèles doivent prendre en compte les processus qui influencent la distri- bution en taille des aérosols. Les principaux sont la nucléation, qui crée de nouvelles particules en augmentant significativement leur nombre et peu leur masse car les particules formées sont très petites ; la condensation et l’absorption, qui augmentent la masse des particules et conservent leur nombre ; la coagulation, qui diminue le nombre de particules, mais conserve la masse ; et le

dépôt qui évacue les particules de l’atmosphère. Zhang et al. (1999) ont effectué une évaluation

des différentes paramétrisations utilisées dans les modèles et ont conclu à l’existence de nom- breuses incertitudes, concernant notamment le traitement de la nucléation. Ici, nous présentons les principaux algorithmes pour le traitement des processus de nucléation, de coagulation et de condensation.

2.3.2.2 Paramétrisation de la nucléation

Le processus de nucléation correspond à la formation de nouvelles particules d’aérosol par agrégation de molécules gazeuses condensables. Il se produit lorsque les pressions partielles des espèces susceptibles de se condenser deviennent supérieures aux pressions de vapeurs saturantes associées et peut conduire à une forte augmentation du nombre de particules ultrafines (diamètre entre 1 et 10nm), l’augmentation de la masse restant faible. Bien que plusieurs études aient mis en évidence l’existence de ce processus pour des espèces organiques d’origine biotique au dessus des fôrets (Mäkelä et al. 1997; Kavouras et al. 1998), à ce jour, seules les paramétrisations de la nucléation de l’acide sulfurique existent (Pandis et al. 1994; Wexler et al. 1994; Fitzgerald et al. 1998).

Plusieurs approches peuvent être utilisées pour calculer le taux de production de nouvelles particules par nucléation dans les modèles (Pandis et al. 1994; Wexler et al. 1994; Fitzgerald et al. 1998; Harrington and Kreidenweis 1998; Kulmala et al. 1998). Bien qu’ils aboutissent à des résultats très différents (Zhang et al. 1999), ces algorithmes sont basés sur la même théorie de la nucléation homogène du système H2SO4-H2O et sur les résultats expérimentaux de Jaecker-Voirol and Mirabel (1989). Ainsi, le taux de nucléation est déterminé en fonction de la concentration initiale de l’acide sulfurique, de la température et de l’humidité relative. Les différences obtenues résultent principalement du traitement numérique de la nucléation dans les modèles qui peut être simulée avant, après ou simultanément avec le processus de condensation.

Par ailleurs, les données expérimentales (Woo et al. 2001) montrent que le processus de nucléa- tion dépend fortement des conditions météorologiques. Ainsi, un temps froid et humide (Wexler et al. 1994), associé à de fortes concentrations d’acide sulfurique favorise la nucléation. Une fois les molécules d’acide sulfurique formées, elles sont soit absorbées par les particules existantes, soit agglomérées dans de nouvelles particules. De façon générale, en milieu urbain pollué, la quantité de matière en suspension est suffisante pour favoriser l’absorption de l’acide sulfurique dans les particules, le processus de nucléation n’intervenant que ponctuellement et pouvant être négligé dans les modèles de qualité de l’air (Zhang et al. 1999).

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2.3.2.3 Paramétrisation de la coagulation

Le processus de coagulation correspond à l’agglomération des particules suite à leur colli- sion. Ce processus conserve donc la masse des particules, mais en diminue le nombre. Il affecte particulièrement le nombre de particules ultrafines. Le taux de coagulationJi,j (s−1) entre deux particules de diamètre respectifDietDj, s’écrit :

Jij = Kij NiNj (2.19)

Avec Kij (cm3 s−1) coefficient de coagulation entre les particules i et j, Ni et Nj (cm−3) les concentrations en nombre de particules.

Les particules d’aérosols en suspension dans l’atmosphère peuvent entrer en collision par dif- férents processus physico-chimiques, liés à leur mouvement brownien, au flux turbulent, à la sédi- mentation de grosses particules par gravitation ou encore à leur structure (forces de Van der Waals, forces de Coulomb). Pour les petites particules, de diamètre inférieur à 1µm, on suppose la pré- dominance de la coagulation par mouvement brownien, appelée aussi « coagulation thermique », tandis que pour les plus grosses particules, le processus de sédimentation est considéré comme le plus efficace, en particulier lorsqu’il concerne des particules ayant des diamètres très différents. Dans les modèles, le processus de coagulation est généralement bien simulé quelle que soit la dis- tribution en taille considérée. Dans l’approche sectionelle, l’équation de coagulation peut s’écrire (Gelbard 1979; Seinfeld and Pandis 1997) :

dNl(t) dt = L−1 X i=1 Ki,l−1Ni(t) Nl−1(t) − L X i=1 Ki,lNi(t) Nl(t) (2.20)

Elle décrit la formation de nouvelles particules dans la section l par coagulation de plus petites particules (le premier terme) et de particules de la même section (second terme). Les coefficients sectionnelsKi,ltiennent compte de la fréquence de collision entre les particules et dépendent de leur diamètre et de la température.

2.3.2.4 Paramétrisation de la condensation et du transfert gaz/particules

Les processus de condensation, d’absorption ou d’adsorption désignent les mécanismes de fixation d’une espèce semi-volatile sur ou dans une particule d’aérosol. Ce transfert de masse des espèces condensables entre la phase gazeuse et la phase particulaire va modifier considérablement la composition chimique de l’aérosol et sa distribution en taille. Le traitement de ces proces- sus se fait de façon analogue dans les modèles. Ainsi, pour déterminer l’évolution de la masse et de la composition de l’aérosol, l’hypothèse de l’équilibre thermodynamique entre les phases gaz/particules des espèces volatiles est couramment admise. Cette hypothèse est vérifiée pour les

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particules de petite taille, pour lesquelles le temps nécessaire de mise à l’équilibre est suffisam- ment petit (Meng and Seinfeld 1996). Toutefois, l’équilibre ne peut pas toujours être considéré pour les grosses particules (à l’exception de l’eau liquide) et la cinétique du transfert doit être prise en compte.

Trois approches de modélisation, illustrées par la Figure 2.10 peuvent être envisagées pour traiter le transfert de masse entre les phases gaz et particules :

Approche dite « d’équilibre ». Cette méthode est basée sur l’hypothèse d’un équilibre instan-

tané entre la phase gaz et l’ensemble des constituants de la phase particulaire. Toutes les particules sont à l’équilibre avec la même phase gazeuse :

Geql = Gg, l = 1, ...L (2.21)

Avec Gg la concentration de l’espèce en phase gazeuse,Geq

l sa concentration à l’équilibre à la surface de la particule.

Par conséquent, les particules appartenant aux différentes sections ont la même composition chimique. Pour les composés inorganiques, la composition à l’équilibre est calculée en utilisant un modèle thermodynamique (section 2.3.1.1), décrit précédemment, tandis que pour les compo- sés organiques un calcul empirique est effectué (section 2.3.1.2). La matière transférée entre les phases est ensuite redistribuée sur l’ensemble des sections en fonction de la surface des particules dans chaque section. Cette approche simplifiée, peu coûteuse en temps de calcul, est limitée en présence de grosses particules chimiquement actives, telles que chlorures et carbonates, pour les- quelles l’hypothèse d’équilibre n’est pas vérifiée (Pilinis and Seinfeld 1987; Lurmann et al. 1997). Cette approche simplifiée est encore largement utilisée dans les modèles (ex. Models3-CMAQ, Binkowski and Shankar (1995)).

Approche dynamique. Cette approche permet de simuler explicitement le transfert de masse

pour chaque section en résolvant l’équation de flux entre les phases gaz et aérosol, les deux phases n’étant pas obligatoirement à l’équilibre. Ainsi, le flux de masse Fl (µg m−3s−1) de l’espèce gazeuse se condensant sur la surface de la particule appartenant à la sectionl s’écrit :

Fl= 1 τ (G

g− Geq

l ) (2.22)

oùGg(µg m−3) est la concentration de l’espèce en phase gazeuse (loin de la particule),Geq l est sa concentration à l’équilibre à la surface de la particule dans la sectionl et τ le temps caractéristique du transfert. Le tempsτ croît proportionnellement à la surface disponible pour le transfert de ma- tière (surface de contact). Les concentrations à l’équilibre sont calculées comme précédemment à l’aide des modèles thermodynamiques. L’approche dynamique est la plus satisfaisante théori- quement pour représenter la partition des espèces semi-volatiles, mais elle est également la plus coûteuse en temps de calculs. Elle est utilisée dans de nombreux modèles (Meng et al. 1998; Bessagnet et al. 2004; Cousin et al. 2005).

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FIG. 2.10 – Représentation schématique des différentes approches utilisées pour la prise en compte du transfert gaz/particules dans les modèles de chimie-transport.

Approche hybride. Proposée par (Capaldo et al. 2000), elle permet de combiner les avantages

des deux approches précédentes. Pour les grosses particules, le transfert de masse est traité expli- citement en se basant sur l’approche dynamique, tandis que pour les petites particules l’équilibre gaz/particules est supposé instantané (approche d’équilibre). Cette approche fournit ainsi un bon compromis entre la précision des résultats et la vitesse de calcul. Elle est utilisée dans CMAQ- MADRID et permet d’avoir un nombre important de sections (Zhang et al. 2004). La difficulté majeure réside dans le choix de la section de coupure. En milieu urbain, des diamètres de coupure entre 1 et 2,15µm ont été recommandés par Zhang et al. (2004).

D’autre part, le transfert intersectionnel de particules (entre les sections subjacentes :l−1, l, l+ 1) lié à leur croissance par condensation doit également être pris en compte. Parmi les techniques utilisées dans les modèles sectionels, on note les méthodes semi-lagrangiennes qui permettent de calculer le flux de masse (nombre) transféré entre deux sections (Bott 1989) ; les méthodes lagrangiennes qui calculent le déplacement des bornes de la section lors du grossissement des particules qui la composent (Lurmann et al. 1997) ; et les méthodes du « centre mobile » dans lesquelles le diamètre représentatif de la section varie avec la croissance des particules (Jacobson 1997b). D’après Zhang et al. (1999), la technique du « centre mobile » est la plus précise car elle

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ne produit quasiment pas de diffusion numérique.

Finalement, le choix de l’approche pour le calcul de l’équilibre dans les modèles représente un compromis entre les performances souhaitées et le temps de calcul. Zhang et al. (1999) ont montré que pour une configuration de modèle comprenant 8 sections, l’approche dynamique pouvait être juqu’à 50 fois plus coûteuse en temps de calcul que les approches hybride et d’équilibre. De plus, en présence de chlorure et/ou de carbonate, le temps de calcul peut être multiplié par un facteur variant de 5 à 100 dans le cas de l’approche dynamique (les grosses particules atteignent l’équilibre plus lentement), alors qu’il ne varie quasiment pas dans les deux autres approches.

TAB. 2.3 –Les caractéristiques des principaux modèles utilisés pour la simulation des aérosols à l’échelle régionale.

Les configurations des modèles sont celles utilisées lors des projets EUROTRAC 2 et CITY-DELTA.1NWP : modèle

météorologique de l’Institut Norvégien de Météorologie ;2

MADE : module d’aérosol développé par Ackermann et al. (1998).

Modèles Résolution Météo. Distribution Thermodyn. Schéma SOA Espèces

CHIMERE 5km off-line 6 sections ISORROPIA SO4,NO3,NH4,

France 50km MM5 10nm-40µm (tabulé) simplifié SOA,PPM,

8 :0-5,5km CEPMMT Dust,(Nacl)

CMAQ-MADRID 5km off-line 8 sections ISORROPIA SO4,NO3,NH4

USA 15 niv. MM5 SOA,OC,BC,NaCl

UNI-AERO, EMEP 50km off-line 3 modes ESQAM SO4,NO3,NH4,

Norvège NWP1 SOA,OC,BC,NaCl

EURAD (MADE2) 30km off-line 3 modes ISORROPIA SORGAM idem

Allemagne 15 niv. MM5 (Schell et al. 2001)

LOTOS 5-10km off-line 2 modes SO4,NO3,NH4

Pays-Bas 30km NWP1 PM2,5 ISORROPIA SORGAM SOA

3 :0-3,5km PM2,5−10

Méso-NH Chimie 3km on-line SO4,NO3,NH4

(ORISAM),France 40 :0-2,5km Méso-NH 8 sections ISORROPIA simplifié SOA,OC,BC,NaCl

Models3/CMAQ 5km off-line 3 modes MARS simplifié SO4,NO3,NH4

USA 15 niv. MM5 BC,SOA

REM3-CALGRID 2km off-line 2 modes pas de SOA SO4,NO3,NH4,

Allemagne 30km Diagnostique PM2,5 ISORROPIA OC,BC,

4 :0-2,5km PM2,5−10 NaCl

WRF-Chem 3km,9km on-line 2 modes MARS SORGAM

(MADE2

),USA 35 niv. WRF