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CHAPITRE 4 : Résultats

4.2 Perceptions du risque au travail

4.2.3 Attitudes à l’égard du risque au travail

4.2.3.1 Perception du risque maitrisable

Les intervenants qui perçoivent le risque comme étant maitrisable sont souvent ceux qui acceptent et tolèrent la présence du risque et la présence de situations limites dans l’unité; ils les apprivoisent et les assument sans craindre la menace d’un danger potentiel. Une infirmière permanente montre l’importance que prend la gestion du risque dans son travail quotidien: C’est une grosse partie de notre job d’apprendre à « dealer » avec les risques et à les déceler justement, pis à mettre des choses dans la place pour justement limiter les dangers, pour pas qu’on se rende à un évènement dangereux. Ces intervenants rationalisent et prennent conscience de l’agressivité comme d’un cas isolé et de la faible prévalence des agressions dans l’unité. Cette infirmière volante montre comment l’agressivité et le comportement agressif lorsque rationalisé, lui permet de moins ressentir la présence du risque sur l’unité. Une infirmière régulière va dans le même sens : Un coup que tu as compris que la personne a fait son crime, après c’est relativement rare que la personne va recommencer sur les unités, c’est rare, quand on parle de patients criminalisés, par expérience c’est très rare. Si ça recommence et si le crime est violent, on envoie le patient à Pinel. Ce sentiment que le risque est « maitrisable » limite ainsi son contrôle à tout prix, comme le souligne cette infirmière régulière de plus de 10 ans d’expérience :

On peut pas toujours être hyper vigilant. […] Dans l’unité, ce sont des jeunes, on ne peut pas leur demander d’avoir un comportement comme s’ils en avaient 40. […] Je pense qu’il faut les laisser aller, être plus tolérant et donner un peu plus de corde, jusqu’à un certain point. Parce que si tu essaies d’être trop militaire, trop sévère, ça ne marche pas […]— il ne faut pas mettre de l’huile sur le feu, faut juste calmer et rassurer la personne.

Pour plusieurs infirmières, le risque semble plus maitrisable lorsque l’agressivité est perçu comme étant prévisible, brisant ainsi leur perception du danger pouvant survenir à tout moment. Le danger contrairement au risque semble survenir uniquement dans les situations où il y a impossibilité de désamorcer les signes avant-coureurs ou de les détecter. Cette infirmière volante traduit bien ce constat : […] je te dirais que c’est les situations où on est pas capables de les désamorcer qui sont dangereuses. Souvent les situations « dangereuses » sont liées soit à une surcharge de travail des infirmières et à un ratio déficitaire infirmier/patient les empêchant de faire une gestion des risques adéquate et de développer un lien thérapeutique avec les patients de l’unité. Nous retrouvons davantage ce discours chez les infirmières volantes et chez celles régulières que chez les préposés et les agents de sécurité. La prochaine rubrique montre les facteurs qui influencent la perception du risque comme maitrisable chez ces différents intervenants.

4.2.3.1.1 Facteurs qui influencent la perception du risque comme maitrisable La perception que le risque peut être maitrisé et contrôlé est influencée par différents facteurs. Un des facteurs retenus par les individus est le sentiment de sécurité et de non- vulnérabilité vécu au sein de l’unité. Pour certains ce sentiment est influencé par le fait de n’avoir jamais été victime d’une agression dans le passé, comme pour cette infirmière régulière de 10 ans d’expérience qui rapporte que son sentiment de sécurité dans l’unité est associé au fait de n’avoir jamais été « agressée » :

Si j’avais été victime d’une agression majeure, je serais peut être différente, mais je me dis que ça ne me donne rien d’avoir peur à priori. J’ai une collègue qui a été victime

d’une agression assez grave d’un patient à l’urgence, pis c’est sûr qu’elle est plus fragile s’il arrive un autre évènement.

La communication entre les membres de l’équipe, la stabilité de l’équipe, le développement d’un lien thérapeutique avec les patients de l’unité apparaissent aussi pour la plupart, comme d’autres conditions importantes pour se sentir en sécurité au sein l’unité et pour diminuer les risques potentiels.

En effet, pour la majorité des intervenants, le lien de proximité et de confiance qui se noue entre l’intervenant et le patient apparait comme une condition essentielle pour diminuer les risques potentiels et se sentir en sécurité, comme le souligne cette infirmière volante : avec une bonne alliance thérapeutique, on vient de s’enlever selon moi un bon 90 % de chance pour le risque d’agression. L’équipe est un facteur clé dans la manière de percevoir et de composer avec le risque d’agressivité au travail, comme le souligne cette infirmière régulière de 10 ans d’expérience : tu sais qu’avec certains de tes collègues tu vas te sentir plus en sécurité, en confiance, qu’avec d’autres. Une autre préposée aux bénéficiaires rajoute : Plus que la clientèle individuellement, c’est les personnes avec qui tu travailles qui crée ton sentiment de confiance et de sécurité. L’instabilité au sein de l’équipe a pour effet d’augmenter les tensions du personnel au patient. Cette infirmière régulière de 10 ans d’expérience affirme qu’elle peut travailler avec n’importe quelle clientèle si l’équipe est solidaire :

Parce que la psychiatrie, c’est un milieu qui peut être insidieux, ça peut t’influencer sans que tu t’en rendes compte. Je pense qu’il y a quand même des personnes en détresse qui travaillent en psychiatrie et qui ne s’en rendent pas compte. Nous on exige de nos patients qu’ils fassent preuve d’auto critique, qu’ils reconnaissent leurs symptômes, qu’ils admettent leurs difficultés, mais moi je pense que en tant qu’intervenant il faut

appliquer cette même règle-là, à soi-même. Le danger c’est de glisser là dedans et d’appliquer des règles différentes.