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t-elle lu, comme certains le pensent, Louis Du Pont et sa Guilde spirituelle ? Nulle trace d’une telle lecture, dans les lettres ou dans les Relations Et le Père

Chapitre trois : Marie Guyart, devenue Marie de l’Incarnation

A- t-elle lu, comme certains le pensent, Louis Du Pont et sa Guilde spirituelle ? Nulle trace d’une telle lecture, dans les lettres ou dans les Relations Et le Père

Binet ? On ne sort pas d’une certaine confusion dans les souvenirs de Marie : c’est le Père Dinet qui a dirigé les deux Retraites de 1634 et 1636 dont Marie nous a laissé des traces écrites682. Elle a eu à faire avec le Père Binet à propos de son projet de départ au Canada, puisque c’est lui qui recevait les Relations des premiers pères envoyés là-bas. Elle l’a sans douté écouté avec intérêt mais le style de ses écrits ne devait pas beaucoup inspirer Marie.

Enfin, si elle ne le cite jamais explicitement, elle paraît souvent proche de Jean de la Croix, aussi proche qu’elle l’est de Thérèse d’Avila, citée au moins une fois comme nous l’avons indiqué plus haut. Les œuvres du mystique espagnol sont traduites en 1621 par René Gaultier683 alors que Jean de Quintanadoine de Brétigny donne déjà la traduction des principales œuvres de Thérèse d’Avila en 1601684. Marie peut donc sans difficulté les avoir consultées. Et l’on est tenté d’établir quelques rapprochements plus précis.

Concordance avec Jean de la Croix dans l’expérience du désir.

Quand elle parle du mariage spirituel, Marie dit que, toute transportée d’amour, elle oubliait la Majesté de Dieu pour ne plus voir que son visage d’Amour ; elle était comme captive, comme folle d’amour, débordant de transports et d’élans, tellement attirée par lui que son âme aurait pu se séparer de son corps, et demeurer dans ce grand soleil dont elle était éclairée685. On retrouve ici les accents de la Vive flamme d’amour de Jean de la Croix : le plaisir et la jouissance d’amour qu’il eut alors furent très hauts. le contentement que l’âme reçoit au ravissement d’amour …est admirable et immense686.

682 MARIE, Ecrits, I, pp. 427 et ss.

683 Les Oeuvres spirituelles du bienheureux P. Jean de la Croix, traduites d'espagnol en françois par M. R.

Gaultier, Notes et remarques en trois discours pour donner l'intelligence des phrases mystiques et doctrine des

oeuvres spirituelles du B. P. Jean de la Croix, par le R. P. Jacques de Jésus. Traduict d'espagnol en françois par

M.R.G.C.D.R. (René Gaultier, conseiller du Roi), Paris, M. Sonnius, 1621.

684 Les Trois livres de la Mère Térèse de Jésus, l'un de sa Vie, le second intitulé le Chemin de perfection, et le troisiesme, le Chasteau, ou Demeure de l'âme, nouvellement traduicts d'espagnol en françois par les vénérables

religieux de la Chartreuse de Bourgfontaine, Paris, G. de la Noüe, 1601.

685 MARIE, Ecrits, I, pp. 218 & 223. 686 JEAN, Cyprien 1949, p. 1021.

Ailleurs encore : Cette faim est telle que si Dieu n’avait bien soin de pourvoir au corps en maintenant sa nature de sa main droite, ainsi qu’il fit à Moïse, sans doute à chaque fois que le feu jette ses flammes la nature se romprait et l’homme mourrait, la partie inférieure n’ayant pas de quoi souffrir un feu de gloire si grand et si élevé687. Ne suffit-il pas de rappeler les deux derniers vers de la première strophe de la Vive flamme : Achève, si tu le veux, brise la toile de ce rencontre heureux688.

Marie ne cesse de parler d’amour avec Dieu, au point que même la nuit Dieu lui dit encore des mots de tendresse : elle en vient à demander à son Amour qu’il veuille bien la laisser dormir un peu689. On pense à ce que dit le saint carme : L’âme qui est informée d’amour et qui en est mue a en quelque manière cette même abondance et impétuosité en ses paroles…690. On pense aussi au quatrième couplet de la Vive flamme quand l’Amour déborde d’amour au point de s’éveiller doucement le premier dans mon cœur, alors même que je dors : Dedans mon sein tu te resveille… Ton respirer doux à merveille… Doucement d’amour m’a remply691.

La création toute entière lui parle de Dieu et sa contemplation ne fait qu’embraser son cœur comme le vent qui allume le feu692. C’est exactement ce que dit aussi Jean de la Croix au début du Cantique spirituel : Il a passé par ces bois, et posant sur eux son regard, d’un reflet de son visage, il les laissa tout revêtus de beauté 693. L’intensité du désir la fait agoniser de fois à autres et elle se plaint à Dieu, demandant qu’Il la soulage un peu. Pourtant elle ne voudrait pour rien au monde être délivrée de cette peine, tant elle est charmante694. Jean de la Croix ne dit pas autre chose : O cautère délectable, O caressante blessure, blessure d’autant plus caressante que le feu d’amour qui la cause est plus haut et plus élevé. …O heureuse blessure faite par celui qui ne sait que guérir, très heureuse blessure puisque tu n’as été faite que par manière de caresse695.

La blessure est certes charmante mais elle reste blessure, une douleur très sensible, comme si elle eût été blessée d’un fer émoussé696. Jean de la Croix parle d’une 687 JEAN, Cyprien 1949, p. 979. 688 op. cit., pp. 956 et 1221. 689 MARIE, Ecrits, I, p. 228. 690 JEAN, Cyprien 1949, p. 691. 691 op. cit., p. 1221. 692 MARIE, Vie, p. 139. 693JEAN, Cyprien 1949, pp. 729 et 1213. 694 MARIE, Ecrits, I, p. 238. 695JEAN, Cyprien 1949, p. 995. 696 MARIE, Vie, p. 151.

pointe de flèche : Elle se sentira assaillie par un séraphin avec une flèche ou un dard fort embrasé du feu d’amour. La flamme de l’âme se hâte et monte soudain avec véhémence. Elle sent en outre le coup subtil et le poison avec lequel le fer de la flèche est vivement envenimé, à guise d’une vive pointe qui donne dans la substance de l’esprit comme dans le cœur de l’âme transpercé697. On note la même image chez Thérèse d’Avila : l’âme ne fait rien pour souffrir de cette blessure que lui cause l’absence de son Dieu ; mais on lui enfonce de temps en temps un dard qui pénètre au plus vif des entrailles et lui transperce le cœur. Elle comprend bien cependant qu’elle veut son Dieu, car ce dard dont elle est blessée a été, ce me semble, trempé dans le suc d’une herbe apte à lui donner l’horreur d’elle-même et l’amour de Dieu. Cette peine est si délicieuse qu’elle procure plus de contentement que tous les plaisirs d’ici-bas698.

Il est bien difficile de parler des choses spirituelles, Marie ne le fait qu’en bégayant, et cherchant comment s’exprimer elle pense parfois qu’il vaudrait mieux se taire. Jean de la Croix pense comme elle : Cette sagesse est si secrète à l’âme que, outre ce qu’elle ne donne aucune envie à l’âme de la dire, elle ne trouve ni moyen, ni manière, ni similitude qui lui convienne pour pouvoir signifier une intelligence si relevée et un sentiment spirituel si délicat699.

Concordance avec Thérèse d’Avila dans le mariage mystique et la rencontre trinitaire.

Dans l’expérience du mariage mystique et de la rencontre trinitaire, Marie se rapproche aussi de Thérèse d’Avila. Dans le sixième état d’oraison, Marie dit avoir été absorbée en la vue de la très sainte et auguste Trinité, Dieu lui fait voir le divin commerce qu’ont ensemble les trois divines personnes700. On retrouve ce que dit Thérèse dans le Château de l’âme, ou Livre des Demeures : les écailles des yeux de l’âme tombent enfin pour qu’elle voie. Les trois personnes de la très sainte Trinité se montrent à elle par une vision intellectuelle, ou une certaine représentation de la vérité, à la lumière d’une flamme qui éclaire d’abord son esprit comme une nuée d’une incomparable splendeur. Elle voit que ces trois personnes sont distinctes,

697 JEAN, Cyprien 1949, p. 996. 698 THERESE, 1949, pp. 300-310. 699 JEAN, Cyprien 1949, p. 609. 700 MARIE, Ecrits, II, p. 120.

puis elle comprend que ces trois personnes sont une seule substance, un seul pouvoir, une seule sagesse et un seul Dieu701.

Dans le septième état d’oraison, au moment même du mariage spirituel, Jésus donna à entendre (à Marie) qu’il était vraiment l’Epoux de l’âme fidèle702. De même dans le huitième état d’oraison : la 1ère fois que je me manifestai, c’était pour instruire ton âme, la seconde, à ce que le verbe prit ton âme pour épouse ; cette fois, le Père le Fils et le Saint-Esprit se donnent pour posséder entièrement ton âme… le Père était mon Père, le Verbe… mon époux, et le Saint-Esprit…celui par qui son opération agissait…703. Il dit la même chose à Thérèse : A partir de ce moment tu seras mon épouse. Jusqu’à présent tu ne l’avais pas mérité, à l’avenir non seulement tu verras en moi ton Créateur, ton roi et ton Dieu, mais tu auras soin de mon honneur comme ma véritable épouse. Mon honneur est le tien, ton honneur est le mien704. Bien plus que quelques citations, ce sont les quatre premiers chapitres des Septièmes Demeures qu’il faut lire en parallèle avec les pages de Marie sur le mariage mystique.

Souvent Marie sent monter en elle comme un débordement incoercible de mots d’amour, comme un flot impossible à contenir, ce qu’exprime aussi Thérèse : parfois les sentiments que l’âme éprouve ont tant de force qu’ils s’échappent en paroles pleines d’amour, elle ne peut s’empêcher de dire O vie de ma vie O soutien qui me protégez ou autres paroles de ce genre…705.

Quand le mariage spirituel est consommé vient enfin le calme du cœur . Elles l’affirment l’une et l’autre : l’âme n’a plus de tendance parce qu’elle possède celui qu’elle aime. Elle n’a plus de désirs, elle possède le bien-aimé dit Marie dans le septième état d’oraison706. Et Thérèse : l’âme seule, dans son centre, se maintient dans la paix. Mais dans les autres demeures elle ne manque pas de croix, de

701 THERESE, 1949, p. 1030 ; in THERESE, 1601 : Dieu nostre bien luy veut desja oster les escailles des yeux à fin qu’elle voye & entende quelque chose de ceste grande grace qu’il luy fait encore que ce soit par une façon estrange, comme elle est entrée en ceste demeure par vision intellectuelle, par une certaine manière de représentation de la vérité toutes les trois personnes de la tres-saincte Trinité luy sontmonstrées, avec un embrasement qui vient premierement à son esprit à la manière d’une nuée de tres-grande clarté, & ces trois personnes distinctes, & par une cognoissance admirable qui est donnee à l’ame, elle entend avec une grande vérité, que toutes les trois personnes sont une mesme substance, & un mesme pouvoir, & un mesme savoir, & un seul Dieu.

702 MARIE, Ecrits, II, p. 138. 703 op. cit., p. 172.

704 THERESE, 1949, p. 551.

705 op. cit., p. 1034 ; in THERESE, 1601 : Ce sentiment est si grand que quelquesfois elles produisent des paroles d’amour qu’on ne se peut (ce semble) empescher de dire, comme par exemple : O vie de ma vie, ô soustient qui me soustient, & autres paroles semblables.

combats et de fatigues. L’âme reste comme le palais calme d’un roi707. Il n’y a plus de cris ni de ravissements d’amour mais un infini désir de partager jusqu’au bout la vie que Jésus a menée ici-bas, sans chercher mieux ni autre chose. Ce qu’exprime encore Thérèse : je suis étonnée de voir que l’âme, parvenue à cet état, n’a plus de ravissements, si ce n’est de temps en temps, et encore ils ne sont pas accompagnés d’extase ou de vol d’esprit. Sa Majesté ne saurait nous faire une plus haute faveur que celle de nous donner une vie qui soit semblable à celle que son Fils Bien-aimé a mené sur la terre708.

Concordance avec le Pseudo-Denys l’aréopagite et ses très claires ténèbres.

Dans les premières pages de la Relation de 1633, Marie dit avoir lu Denys : Je me souviens d’avoir vu dans la Théologie mystique de saint Denis une chose qui peut m’aider à m’expliquer : « Voir Dieu en de très claires ténèbres »709. Dom Jamet ajoute en note que Marie tient alors entre les mains la seconde édition datée de 1629 de la traduction donnée par Dom Jean de Saint-François Goulu, le célèbre feuillant710. La citation est faite de mémoire, le texte exact portant nous souhaitons être en ce brouillas plus que très lumineux et très clair.

Ces textes ont été faussement attribués à Denys, l’un de ceux qui embrassèrent la foi après le discours de Paul sur l’Aréopage711. La tradition en a fait un saint qui aurait été le premier évêque de Paris. Du véritable auteur de ces pages lumineuses on ne sait rien de certain. On sait par contre que ses écrits ont bénéficié d’une immense audience, et qu’ils ont marqué la pensée mystique à travers les siècles. Louis de Grenade a diffusé sa pensée, Jean de Saint-Samson712 s’en est inspiré, Benoît de

707THERESE, 1949, p. 1034 ; in THERESE 1601 : Et l’âme ne se bouge de ce centre-là & ne perd point sa paix, elle qui en ces autres demeures ne laisse d’avoir temps de guerre & de travaux & fatigues… le Roy est en son palais & néantmoins il y a plusieurs guerres et autres travaux en son Royaume, il ne laisse pas pourtant de se tenir en sa place.

708 THERESE, 1949, pp. 1047 et 1050 ; in THERESE, 1601 : Je suis estonnée de ce que l’âme arrivant icy, perd tous les ravissemens si ce n’est quelquesfois (mais ces ravissemens qui s’ostent et se perdent comme je dis icy c’est quant aux effects exterieurs de la perte des sens) de sorte que les ravissemens cessent et l’ame n’est avec ces ravissemens et vols d’esprit, & si elle en a c’est rarement… Sa Majesté ne nous sçauroit donner une plus grand grâcce & consolation que de nous faire vivre à l’imitation de la vie qu’a menee son fils bien aymé. 709 MARIE, Ecrits, I, p. 160.

710 Les Oeuvres du divin St Denys Aréopagite, traduites du grec en françois, par fr. Jean de St François (Goulu).

Avec une apologie pour les oeuvres du mesme auteur...Paris, J. de Heuqueville, 1608.

711 Actes, chap. 17, v. 34.

712 Célèbre carme (1571-1636) : devenu aveugle à l’âge de 4 ans, il fait profession religieuse au couvent de Dol-

Canfield et Bérulle l’ont lu, après eux le Père Surin s’en inspirera aussi dans ses lettres de direction.

Dans le Traité de l’Amour de Dieu François cite neuf fois le livre sur Les Noms divins attribué à Denys. Il s’appuie sur le chapitre III de cet écrit pour affirmer que l’amour pénètre là où la science extérieure ne saurait atteindre713 ; du chapitre IV il reprend surtout l’affirmation que l’amour est unifique, unissant, ramassant, resserrant et recueillant, qu’il possède donc une vertu unitive, exerçant sur l’âme une action pareille à celle du soleil sur le corps714. Le Pseudo-Denys affirme que toute beauté prend ses racines en Dieu ; que le beau est l’égal du bien, que le beau- et-bien est objet de tout désir amoureux et de tout amour charitable ; que charité et désir sont synonymes ; qu’il ne faut pas craindre en ce domaine de prendre appui sur le sensible pour atteindre la contemplation ; que Dieu est le fondement primitif de tout désir amoureux (ici l’éros grec). Il décrit aussi les trois mouvements de l’âme : circulaire quand elle rentre sur soi, hélicoïdal quand l’illuminent les connaissances divines grâce à la raison discursive, longitudinal enfin quand elle prend appui sur les réalités du monde pour s’élever à des contemplations simples.

La Théologie mystique est le seul ouvrage explicitement nommé dans la Relation de 1633. Marie veut dire alors comment elle « voit » Dieu au cours des visions dont elle est gratifiée : d’une manière qui ne fait pas appel à l’imagination, car elle est toute spirituelle et sans comparaison avec l’illumination corporelle. L’objet de la connaissance est ténèbre, mais l’âme est comme en un état de lumière. C’est alors qu’elle parle du brouillas plus que lumineux. Le texte grec de Denys dit exactement σχοτουσ αχτινα que les premiers traducteurs avaient transcrit en latin par ad supernaturalem illum caliginis divinae radium : un rayon d’épaisses ténèbres divines. Jean de la Croix cite trois fois cette expression fondamentale : dans la Nuit Obscure, la contemplation infuse est appelée un rayon de ténèbre715 ; déjà dans la Montée du Carmel il est dit que la plus haute connaissance de Dieu reste cachée à l’entendement qui la reçoit dans la contemplation mystique comme un rayon de

713 SALES, Pléiade, p. 618.

714 op. cit., pp. 353, 378, 666, 679, 685, 857 et 866. 715 JEAN, Cyprien 1949, p. 551.

ténèbres716 ; enfin dans le Cantique Spirituel à propos du vers c’est le sifflement des vents porteurs de l’amour, la connaissance nue et substantielle accordée à l’âme n’est pas nommée jouissance claire, comme celle dont nous jouirons dans le ciel mais jouissance obscure, encore une fois un rayon de ténèbres717.

Plusieurs pages de Marie suggèrent aussi un rapprochement avec les Noms Divins : ainsi quand Dom Claude nous rapporte qu’elle parloit à Nostre Seigneur, ne l’appelant plus que son amour, son doux amour, son cher amour, son très pur et très chaste amour,718 on pense à cette phrase du Pseudo-Denys : Les saints théologiens célèbrent toujours la divinité en appelant le Seigneur Beau, Beauté, Amour, Aimable etc…719. Que la vie mystique ne soit pas seulement une expérience théorique (théomathe) de Dieu mais d’abord une expérience vécue (théopathe)720, Marie en convient pleinement, surtout depuis la journée cruciale du 24 mars 1620. Dans la vision de Pentecôte 1625, la présentation exemplaire de la Trinité (tellement exemplaire qu’elle dit à nouveau je n’ai point de mots pour le dire) s’achève par une mise en concordance des trois Personnes avec la hiérarchie des anges : le Père avec les Trônes, le Verbe avec les Chérubins, le Saint-Esprit avec les Séraphins721. Or chez Denys les Trônes désignent celui qui est véritablement le Très-Haut Père de tout, les Chérubins représentent l’effusion de la Sagesse (le Verbe), alors que les Séraphins brûlent comme l’Esprit Saint722. Quand Marie se risque à décrire la divinisation de l’âme dans la consommation du mariage mystique, il s’agit de la même réalité que la théosis dont parle le Pseudo-Denys, l’assimilation et l’union à Dieu autant qu’il est permis723.

716 op. cit., pp. 132 et ss. 717 op. cit., pp. 781 et ss. 718 MARIE, Vie, p. 57.

719 Oeuvres complètes du Pseudo-Denys l’aréopagite, trad. M. de Gandillac, Paris, Aubier, 1943, p. 100. 720 op. cit., p. 86 : théopathe signifie ici « qui souffre Dieu », au sens où l’on disait autrefois « souffrez que je

vous rende visite » !

721 MARIE, Ecrits, II, pp. 119-120.

722 Oeuvres complètes du Pseudo-Denys, p. 206. 723 op. cit., p. 249.

Une prière de l’amante.

Dans trois passages de ses écrits nous avons trouvé un résumé, sous une forme presque poétique, des aspirations les plus profondes de Marie : dans le Supplément à la Relation de 1654, dans la lettre CIX de l’été 1647 adressée à son fils, enfin dans l’addition au chapitre XX de la Vie qui traite de son aspiration au mariage spirituel724. Ils représentent comme la quintessence de sa méditation. Nous nous hasardons ici à les resserrer encore, pour assembler le début de chacun des paragraphes, jusqu’à former un poème que l’on pourra comparer à celui qui clôt le chapitre sur Madame Acarie, la première Marie de l’Incarnation :

O le bien-aimé de mon âme, quand vous posséderai-je ? Je vous veux tout entier, mon Amour et ma vie !

Vous êtes en moi, mais vous y avez une demeure qui m’est inconnue.