Une augmentation du stress oxydant caractérise les muscles au cours de la période de
récupération après une atrophie musculaire. En effet, au cours de cette période, une
augmentation du niveau de peroxydation des lipides, de l’activité de la superoxyde dismutase
et de la catalase a été constatée dans des muscles de rat ayant été suspendus pendant 2
semaines (Andrianjafiniony et al., 2010) ou de lapin ayant été immobilisé par plâtrage
pendant 3 semaines (Liu et al., 2005). En parallèle, la quantité de glutathion peroxydase a été
diminuée (Liu et al., 2005; Lawler et al., 2006). De plus, l’expression des «Heat Shock
Proteins» (HSP), induite en présence d’un stress oxydant, est augmentée dans le muscle
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gastrocnemius au cours de la récupération après 4 semaines d’immobilisation par plâtrage
chez le rat contribuant probablement à la récupération de ces muscles (Venojarvi et al., 2007).
L’inflammation semble également jouer un rôle important au cours de la récupération
musculaire (Stpierre & Tidball, 1994; Nguyen & Tidball, 2003a, b). En effet, une
augmentation de l’expression des cytokines pro-inflammatoires TNF-α, IL-1β et IL-6 est
observée dès le premier jour de récupération chez des rats ayant été suspendus pendant 14
jours. La sécrétion de l’IL-6 jouerait un rôle très important dans les processus de régénération
musculaire et donc de récupération musculaire au cours de la désuspension (Washington et
al., 2011). En effet, cette cytokine permettrait d’induire la prolifération des cellules satellites
(Cantini et al., 1995). De plus, l’IL-6 est décrite dans la littérature comme étant capable de
favoriser l’élimination du tissu endommagé, de synchroniser le cycle cellulaire des cellules
satellites, et d’induire l'apoptose des macrophages après une lésion musculaire (Hawke &
Garry, 2001). L’importance de cette cytokine dans la récupération musculaire a été confirmée
par les travaux de Washington et al. (2011). Ces derniers montrent que l’inhibition de l’IL-6
chez des souris désuspendues induirait une inhibition d’une voie qui contrôle la synthèse
protéique (Akt-mTOR) ainsi qu’une diminution de l’expression des gènes codant pour les
protéines MyoD et myogénine impliquées dans la régénération musculaire.
Peu d’études portant sur les phases de récupération musculaire sont disponibles actuellement
dans la littérature, notamment sur le rôle des altérations structurales (i.e. aire des fibres et du
tissu conjonctif). Pourtant, ces altérations peuvent influencer la durée de récupération ou les
mécanismes impliqués dans le maintien de la masse musculaire au cours de cette période. La
position d’immobilisation semble impliquée dans l’allongement des périodes de récupération
(Vazeille et al., 2008). L’étude de l’impact de la position d’immobilisation sur les altérations
structurales et fonctionnelles des muscles devraient apporter plus d’informations sur les
processus de récupération musculaire. Relier ce type d’information à des données sur le
métabolisme protéique musculaire qui conditionne le maintien de la masse musculaire (Cf.
Chapitre 2) devrait permettre de mieux comprendre les mécanismes impliqués dans les
processus de récupération musculaire.
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Tableau 2 : Altérations structurales pendant l’atrophie induite par l’inactivité physique et la récupération musculaire (aire des fibres, aire du tissu
conjonctif et composition en chaînes lourdes de myosines). CSA : aire des fibres ; TC : tissu conjonctif ; wk : week ; j : jour ; MyHC : Myosin
Heavy Chain ; HU : Hindlimb Unloading ; GA : Gastrcnemius ; TA : Tibialis Anterior ; EDL : extensor digitorum longus.
Modèle Immobilisation /
récupération Durée Données Espèce Muscle Référence
Modèle d'immobilisation
par plâtrage
Immobilisation
7 semaines (wk)
↓ CSA fibres
Homme Tendon d'achille Christensen et al., 2008
6 wk Homme TA, GA, soelus Psatha et al., 2012
8 jours (j) Rat GA Vazeille et al., 2012
14 j ↓ aire du TC Rat Soleus Mattiello-sverzut et al., 2006
14 jours ↓MyHCI ↓MyHCII ↓MyHC
hybrides Rat Soleus Mattiello-sverzut et al., 2006
Récupération
4 wk (après 2wk d'immo)
CSA normalisé Homme Muscle du genou Hvid et al., 2010
1 à 3 wk (après 2wk d’immo) Homme EDL Stevens-Lapsley et al., 2010
10 j (après 8j d’immo) CSA reste ↓ Rat GA Vazeille et al., 2012
Modèle de suspension
(HU)
Suspension
-
↓ CSA fibres
Homme quadriceps Dudley et al., 1992
6 wk Homme vastus lateralis Hather et al., 1992 2
16 j Rat Soleus Wang et al., 2006
2 wk Rat Soleus Oishi et al., 2008
14 j Souris Soleus Desaphy et al., 2010
14 j ↔MyHCI, ↓ MyHCIIa, ↑MyHC
IIx et IIb Souris Soleus Desaphy et al., 2010
14 j ↔MyHCI, MyHC IIb, IIx, IIa
Souris
GA
Desaphy et al., 2010
Récupération (R).
9 jours (après 15j HU) CSA normalisé Rat Soleus Widrick et al.,2008
1, 5 et 14 j (après 2 wk HU) CSA normalisé à R14 Rat Soleus Adrianjafiniony et al., 2010
1 et 7 j (après 7j HU)
↓ CSA fibres souris Soleus Dapp et al., 2004
7 j(après 28j HU) Rat Soleus Lawler et al., 2006
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Chapitre II- Rôle de la protéolyse et de l’apoptose dans l’atrophie et
la récupération musculaire
La masse musculaire est maintenue grâce à un équilibre entre la synthèse protéique et
la protéolyse mais également entre les processus apoptotiques et de régénération musculaire.
Cet équilibre peut être perturbé lors de situations pathologiques (cancers, maladies
neurodégénératives,…) et/ou physiologiques (vieillissement, …). Dans ces conditions, la
protéolyse et l’apoptose peuvent être activées (Tisdale, 2002) conduisant à une perte
excessive de protéines et de cellules musculaires non compensée par la synthèse protéique et
la régénération. La protéolyse et l’apoptose semblent donc jouer un rôle très important dans
l’établissement des atrophies musculaires.
I.Rôle de la protéolyse dans l’atrophie et la récupération musculaire
La protéolyse musculaire constitue la principale source d’acides aminés pour l’organisme.
Elle fait intervenir cinq systèmes protéolytiques : la voie lysosomale, la voie ubiquitine
protéasome-dépendante, la voie des caspases, la voie calcium-dépendante et les
métalloprotéases. La dégradation des protéines dans le muscle squelettique est contrôlée par
deux systèmes protéolytiques majeurs, le système ubiquitine protéasome-dépendant et
l’autophagie (Masiero et al., 2009; Paul & Kumar, 2011). Ces systèmes sont activés dans un
grand nombre de situations cataboliques dont le cancer, le SIDA (Syndrome
d'ImmunoDéficience Acquise), le diabète, l'insuffisance rénale ou cardiaque, ou encore
l’immobilisation ce qui contribue à la perte de masse musculaire et à un affaiblissement des
individus.
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I.1 Les systèmes protéolytiques
I.1.1 L’autophagie
L’autophagie, terme provenant du grec signifiant « se manger soi-même », est un processus
majeur de ciblage des constituants intracellulaires vers la voie lysosomale. Les lysosomes sont
des organites cellulaires de 0,2 à 0,5µm, au sein desquels les enzymes (hydrolases) vont
exercer leur fonction protéolytique. Ils sont présents dans le cytosol de toutes les cellules
animales, à l'exception des hématies. L’autophagie participe au maintien de l’homéostasie
cellulaire en permettant la dégradation des protéines ou des organelles non fonctionnelles et
joue également un rôle dans la survie des cellules soumises à des conditions de stress