Chapitre I- Plasticité du muscle squelettique IV. Atrophie musculaire IV.1 Au cours de l’inactivité physique Différents modèles animaux ont été mis en place afin d’étudier les effets de l’immobilisation: l’immobilisation par plâtrage, la dénervation (section du nerf dorsal ou sciatique) et l’apesanteur réelle (vols spatiaux ou vols paraboliques) ou simulée (suspension des membres 18 inférieurs). Dans ces modèles, l’immobilisation ou l’absence d’utilisation des muscles induit de profondes modifications au niveau de la structure des muscles immobilisés. IV.1.1 Altérations structurales L’inactivité physique désigne un état dans lequel les mouvements sont réduits au minimum et la dépense énergétique est quasi égale au métabolisme énergétique de repos. Elle augmente le risque des maladies cardiovasculaires d’un facteur 2 par rapport à des personnes qui pratiquent une activité sportive. L’immobilisation affecte principalement la surface et le diamètre des fibres musculaires, sans réduction du nombre de fibres musculaires (Nicks et al., 1989; Bruusgaard & Gundersen, 2008). En effet, l’aire des fibres musculaires diminue chez l’Homme et l’animal suite à l’immobilisation par plâtrage (Mattiello-Sverzut et al., 2006; Christensen et al., 2008; Psatha et al., 2012; Vazeille et al., 2012), à la suspension (Dudley et al., 1992; Hather et al., 1992; Wang et al., 2006; Oishi et al., 2008; Desaphy et al., 2010), ou encore à l’alitement (Berg et al., 1997; Larina et al., 1997) (Tableau 2). Plusieurs études montrent que l’atrophie induite par l’inactivité physique affecte principalement les muscles à fonction posturale caractérisés par un métabolisme oxydatif rapide comme le soleus. Ce dernier s’atrophie autour de 24% après 8 jours (Vazeille et al., 2008) et de 44% après 3 semaines (Coutinho et al., 2004) d’immobilisation par plâtrage. Cette atrophie atteint 55 à 60% après 9 jours (Taillandier et al., 1996) ou 5 semaines (Desplanches et al., 1990) de suspension. De plus, la position d’immobilisation semble influencer le degré d’atrophie musculaire après une immobilisation par plâtrage. En effet, l’atrophie des muscles immobilisés en position raccourcie est plus importante que celle des muscles immobilisés en position étirée (Goldspink, 1977; Booth, 1982; Vazeille et al., 2008). L’inactivité physique entraîne une redistribution des chaînes lourdes de myosines. En effet, 3 à 4 semaines de suspension chez le rat induisent une baisse du pourcentage (ou du nombre) des isoformes de type I, et une augmentation des isoformes de type IIa, et des IIx (Cornachione et al., 2008; Guillot et al., 2008; Oishi et al., 2008; Cornachione et al., 2011). Une diminution de la proportion ou des niveaux des ARNm codant pour les MyHC de type I est observée chez le rat (Mattiello-Sverzut et al., 2006) ou l’Homme (Hortobagyi et al., 2000) après 2 ou 3 semaines d’immobilisation par plâtrage respectivement. Le comportement des 19 ARNm des MyHC de type IIa quant à lui n’est pas clairement défini dans la littérature. En effet, la proportion ou des niveaux des ARNm codant pour les MyHC de type IIa peut diminuer (Polizello et al., 2011), augmenter (Mattiello-Sverzut et al., 2006) chez le rat ou alors ne pas être modifiée chez l’Homme (Hortobagyi et al., 2000) après 2-3 semaines d’immobilisation. L’aire ou le diamètre des fibres de type I, IIa ou IIx diminue chez le rat (Polizello et al., 2011) ou l’Homme (Hortobagyi et al., 2000) après 2 ou 3 semaines d’immobilisation par plâtrage respectivement (Tableau 2). Enfin, le tissu conjonctif semble aussi être altéré suite à l’inactivité physique. Par exemple, l’immobilisation par plâtrage induit un épaississement du tissu conjonctif dans des muscles de rat ou de souris (Williams & Goldspink, 1984; Appell, 1990; Jozsa et al., 1990; Lapier et al., 1995; Jarvinen et al., 2002; Mattiello-Sverzut et al., 2006; Polizello et al., 2011). Cet épaississement devient plus important quand les muscles immobilisés subissent un étirement (Mattiello-Sverzut et al., 2006). La majorité des données présentes dans la littérature, étudiant les altérations structurales au cours de l’inactivité physique, s’intéressent principalement à l’étude des fibres musculaires (aire, diamètre, distribution des chaînes lourdes de myosines, etc…). Peu de données existent sur les altérations du tissu conjonctif et encore moins sur l’évolution de celui-ci en parallèle avec les altérations des fibres. Pourtant, les altérations des fibres et du tissu conjonctif pourraient être reliées, et exercer un rôle sur l’évolution des altérations des un(e)s et des autres. IV. 1.2 Altérations cellulaires Les processus inflammatoires et de stress oxydant sont souvent associés aux processus d’atrophie musculaire au cours de l’inactivité physique (Kondo et al., 1993; Andrianjafiniony et al., 2010; Magne et al., 2011). Au cours de l’inactivité physique, l’atrophie musculaire peut être « médiée » par une augmentation d’expression des espèces réactives de l’oxygène (ROS) et une augmentation des cytokines pro-inflammatoires (en particulier le TNF (« Tumor Necrosis Factor »)) (Andrianjafiniony et al., 2010). Ces ROS semblent participer à l’atrophie musculaire au cours de l’inactivité musculaire (Powers et al., 2007; Powers et al., 2012) en activant la protéolyse musculaire. Une augmentation de la quantité de protéines carbonylées 20 (considérées comme un marqueur du stress oxydant) ou de l’expression des ROS est observée dans des muscles soleus ou gastrocnemius immobilisés par plâtrage (Kondo et al., 1993; Magne et al., 2011). De la même manière, la suspension semble induire un stress oxydant dans des muscles de rat ou de lapin, en augmentant l’activité des Cu-Zn superoxyde dismutase, la quantité de lipides peroxydés et en réduisant l’activité des enzymes anti-oxydantes comme les catalases ou les glutathion peroxydases (Lawler et al., 2003; Liu et al., 2005; Lawler et al., 2006; Fujita et al., 2011). L’Homme alité présente également une augmentation du contenu musculaire en protéines carbonylées (Vescovo et al., 2008; Dalla Libera et al., 2009). L’atrophie musculaire génère des dommages cellulaires qui peuvent induire une inflammation locale (Kasper, 1995; McClung et al., 2007). En effet, l’immobilisation par plâtrage de souris par exemple, induit une augmentation des niveaux ARNm codant pour le TNF-α, les IL-6 (Interleukine-6) et IL-1 et pour le marqueur leucocytaire (CD45) (Caron et al., 2009). Au cours de l’inactivité physique, les cellules opèrent une transition métabolique favorisant l’utilisation de la voie glycolytique. L’immobilisation par plâtrage entraine une diminution d’un facteur 3 de l'expression des gènes codant pour des enzymes impliquées dans le métabolisme énergétique oxydatif, en particulier l’ATPase, la cytochrome-C oxydase, la NADH déshydrogénase, et la protéine phosphatase (St-Amand et al., 2001). Chez des rats soumis à une apesanteur simulée, une diminution de la masse musculaire du soleus et de l'expression des gènes codant pour des protéines impliquées dans l'oxydation des acides gras accompagnées d’une augmentation de l'activité glycolytique ont été observées (Edgerton et al., 1995; Stein et al., 2002). IV.2 Pendant la récupération suite à une inactivité physique Dans le document Mécanismes impliqués dans l'atrophie et la récupération musculaire après immobilisation chez le rat : rôle des altérations de la matrice extracellulaire (Page 43-46)