• Aucun résultat trouvé

Partie 1 : Étude bibliographique

A. Généralités

7. Patuline

La Patuline a été identifiée pour la première fois en 1943 dans des cultures d’Aspergillus

clavatus (173), puis isolée pour la première fois à partir de colonies de Penicillium griseofulvum (aussi nommé Penicillium patalum) et de Penicillium expansum (174). Elle reçut

pour cette raison plusieurs dénominations : Clavacine, Claviformine, Clavitine, Expansine, Pénicidine…

Ses propriétés antibiotiques envers les bactéries à Gram négatif et à Gram positif (175) ont conduit la Patuline à être utilisée initialement en médecine humaine et vétérinaire. Son utilisation est aujourd’hui suspendue en raison de sa neurotoxicité.

a. Structure

La Patuline est une lactone hétérocyclique insaturée, de masse molaire égale à 154,1 g/mol. Sa dénomination complète est la suivante (4) : 4,6-dihydro-4-hydroxy-2H-furo[3,2-c]pyrane- 2-one (figure 41) et sa formule brute est C7H6O4.

Figure 41 : Structure chimique de la Patuline (6)

Sa biosynthèse découle de la condensation d’une molécule d’Acétyl-coenzyme A, acteur majeur du cycle de Krebs, et de trois molécules de Malonyl-coenzyme A.

b. Propriétés physico-chimiques

La Patuline se présente sous la forme de cristaux incolores et possède un point de fusion de 111°C (176). Elle est insoluble dans les solvants organiques apolaires comme le benzène ou les éthers de pétrole (mélanges d’alcanes). Sa solubilité est par contre excellente dans l’eau et les solvants organiques polaires tels que les alcools (éthanol, méthanol), l’acétone, les éthers, le chloroforme, l’acétate d’éthyle…

La Patuline est stable en milieu acide mais perd son activité biologique en milieu alcalin (177). En outre, elle est très résistante aux températures élevées et les traitements thermiques ne suffisent donc pas à la dénaturer.

c. Moisissures productrices - Toxinogenèse

La Patuline est issue du métabolisme secondaire de plusieurs champignons appartenant aux genres Aspergillus, Penicillium, Paecilomyces et Byssochlamys, forme téléomorphe de

Paecilomyces spp.

On recense une quarantaine d’espèces productrices de Patuline, dont quatorze appartenant au seul genre Penicillium. Penicillium griseofulvum, P. urticae, P. expansum, P. glandicola, P.

vulpinum (aussi nommée P. claviforme), P. paneum et P. carneum sont les principaux Penicillia responsables de la sécrétion de Patuline. Chez les Aspergilli, Aspergillus clavatus, A. giganteus et A. terreus sont aussi producteurs de Patuline. Chez le genre Byssochlamys, ce

sont Byssochlamys nivea et B. fulva qui sont responsables de la production de Patuline dans le maïs (70).

La présence de « pourriture bleue », provoquée par Penicillium expansum sur les fruits, ne traduit pas obligatoirement la présence de Patuline. Elle a tout de même été détectée dans de nombreux fruits, et notamment ceux de la sous-famille des Maloideae (pomme, poire, coing…). On la retrouve aussi dans les produits transformés de ces fruits (jus de pomme, cidre…) et dans beaucoup d’autres fruits comme les abricots, les bananes ou encore les pêches (178). Les produits céréaliers sont eux aussi touchés par la production de Patuline.

La toxinogenèse de la Patuline, sur des substrats riches en glucides (fruits), est favorisée par des températures comprises entre 20 et 25°C. L’intervalle de températures idéales de production de Patuline est plutôt mince en comparaison de celui nécessaire à la croissance fongique, qui lui est compris entre 0 et 30°C (179). Par ailleurs, la croissance de Penicillium

expansum est largement favorisée par les blessures, chocs ou piqûres d’insectes, subies par

le fruit. Les mauvaises conditions de stockage et de conservation des grains sont aussi des facteurs favorisant le développement du champignon et la production de Patuline.

d. Toxicocinétique

Une étude in situ chez le rat a permis de mettre en évidence que 26 à 29 % de la Patuline étaient absorbés en 55 minutes, après administration par voie orale. De cette part absorbée, 2 à 17 % étaient transférés vers la circulation sanguine, alors que seulement 0,06 à 3 % demeuraient dans le tissu gastrique. La disparition de la majeure partie de Patuline est due à une réaction avec le glutathion intracellulaire, dont la diminution est importante lors de l’exposition à de fortes doses de Patuline (180).

La Patuline est ensuite distribuée dans l’ensemble de l’organisme avec une nette préférence pour le système nerveux central et le tractus gastro-intestinal.

La Patuline est dégradée au niveau hépatique par les cytochromes P450. Le métabolisme aboutit à la formation de composés non cytotoxiques (70).

Elle est finalement éliminée par voie fécale, ou urinaire, dans les 24 heures suivant l’ingestion. Des études ont permis de mettre en évidence, que chez les rats traités per os par une dose de Patuline marquée au 14C, une petite proportion de cette Patuline ingérée était éliminée sous forme de gaz carbonique ou retenue dans le sang et les tissus mous (181).

e. Toxicité

La toxicité aiguë a surtout été étudiée chez le rat. C’est surtout par sa neurotoxicité que l’intoxication aiguë à la Patuline se distingue. Les signes d’une atteinte nerveuse sont peu spécifiques : convulsions, agitation, tremblements, paraplégie, hyperesthésie (70, 76). Une perturbation des sécrétions des hormones thyroïdiennes et stéroïdiennes a aussi été rapportée.

Concernant la toxicité chronique, les études chez les animaux ont permis de mettre en évidence une perte pondérale, des œdèmes pulmonaires associés à une dyspnée, des perturbations rénales et gastro-intestinales.

En plus de ses propriétés neurotoxiques, la Patuline est aussi cancérogène, mutagène, immunotoxique et cytotoxique (76). Ces propriétés sont attribuées au caractère clastogène de la Patuline, c'est-à-dire à sa capacité à provoquer des ruptures dans les brins d’ADN. En revanche, sa cancérogénicité n’est pas établie, elle a été classée dans le groupe 3 du CIRC (70).

Figure 42 : Structure chimique de la Citrinine (6)

f. Mécanisme d’action

Le mécanisme d’action pourrait reposer sur l’affinité de la Patuline envers les protéines et les enzymes (notamment intestinales et cérébrales). La forte affinité de la Patuline pour les groupements thiols ou sulfhydriles (-SH), présents dans les protéines, serait à l’origine de son mécanisme d’action. La Patuline forme généralement des adduits avec les acides aminés soufrés, en particulier la cystéine. Elle inhiberait ainsi le bon fonctionnement de diverses enzymes dont les plus importantes sont les suivantes :

- Les ARN-polymérases et les ADN-polymérases sont responsables respectivement de la synthèse de l’ARN et de l’ADN. Leur altération peut avoir des conséquences sur la transcription et la traduction (182).

- Les pompes ATP-ase Na+/K+-dépendantes permettent, en échange d’énergie (ATP),

le transport membranaire d’ions potassium et sodium contre leur gradient de concentration. Elles jouent un rôle dans la préservation du potentiel de repos des cellules nerveuses, cardiaques et musculaires (183).