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Implication supposée des mycotoxines dans des maladies humaines

Partie 3 : Incidence sur la santé humaine

C. Implication supposée des mycotoxines dans des maladies humaines

1. Maladie de Kaschin-Beck

a. Origine et causes

La maladie de Kashin-Beck (MKB), également connue sous le nom de « Maladie des gros os » (figure 56), est une affection de l’os et du cartilage, entraînant des retards de croissance ainsi que des déformations articulaires. Cette maladie semble être causée par une exposition aux Alternaria spp et Fusarium spp, productrices de TCT. Elle est endémique des populations rurales pauvres de la Chine, de la Corée du Nord et de la Sibérie (4).

L’étiologie précise de la maladie demeure controversée. Néanmoins, il semblerait qu’elle soit multifactorielle ; elle serait liée à de sévères carences nutritionnelles (notamment en sélénium), ainsi qu’à une contamination fongique des céréales. La carence en sélénium serait le facteur primordial qui prédisposerait les chondrocytes (cellules cibles) au stress oxydatif généré par des producteurs de DRO, comme les toxines fongiques.

b. Symptomatologie

La MKB est une maladie ostéo-articulaire permanente, et handicapante, touchant le cartilage de croissance et le cartilage articulaire des os longs. Les signes cliniques se manifestent dès l’âge de 5 ans et évoluent jusqu’à l’âge de 25 ans.

La maladie provoque une arthrose osseuse (218) des chevilles, des genoux, des hanches et des coudes, induisant des douleurs chroniques le plus souvent unilatérales. Surviennent ensuite des déformations articulaires entraînant une perte de mobilité chez l’individu touché (4). Une dégénérescence et une nécrose des chondrocytes (cellules cartilagineuses) apparaissent systématiquement (219). Les cas les plus sérieux sont marqués par un arrêt de croissance des quatre membres. Les patients sont atteints de nanisme et de déformations osseuses.

c. Traitement et prévention

À ce jour, le traitement de la MKB est essentiellement palliatif. Des opérations chirurgicales de correction peuvent être réalisées ainsi que des programmes de kinésithérapie, ceci afin d’alléger la douleur ressentie par le patient et d’améliorer sa mobilité.

La prévention passe par une supplémentation en compléments nutritionnels, riches en vitamines (E et C) et minéraux (sélénium), pour les enfants et familles à risque. Une décontamination des cultures céréalières est aussi mise en œuvre dans les régions les plus reculées.

2. Kwashiorkor

a. Origine et causes

Le Kwashiorkor est une forme de malnutrition protéino-énergétique sévère, qui touche exclusivement les enfants de 3 mois à 3 ans. Le terme, qui signifie « enfant rouge » dans la langue des Ashanti du Ghana, fait référence à la rougeur anormale de la peau des enfants malades. Le Kwashiorkor résulte d’une alimentation hypoprotéique, alors même que les apports caloriques peuvent être suffisants (220).

La pathologie se rencontre uniquement chez les enfants habitant des pays pauvres ou en voie de développement, aux conditions de vie précaires et au bas niveau d’éducation comme : l’Afrique tropicale et équatoriale, la Corée du Nord, l’Inde et, plus rarement, l'Amérique du Sud (220).

La maladie survient généralement au moment du sevrage. En effet, le lait maternel constitue une alimentation riche en protéine. Après le sevrage, l’alimentation des adultes, essentiellement composée de bouillie de céréales et de tubercules pauvres en protéines, ne suffit pas au développement osseux et musculaire de l’enfant. En fait, la maladie est due à un manque de certains acides aminés dits « essentiels » (qui ne peuvent pas être synthétisés par l’organisme). Ces acides aminés sont au nombre de huit : le tryptophane, la lysine, la méthionine, la phénylalanine, la thréonine, la valine, la leucine et l'isoleucine.

De plus, la carence en protéines est souvent associée à un apport insuffisant en minéraux (fer, zinc) et vitamines (220). Les Aflatoxines, produites par Aspergillus parasiticus, sont aussi incriminées car elles entretiendraient la maladie lors de l’allaitement ou du passage à l’alimentation adulte.

Figure 57 : Enfant atteint d’ascite (6)

b. Symptomatologie

La maladie se caractérise par des symptômes généraux précoces : une apathie, une anorexie, une pâleur, un œdème des membres inférieurs, une lyse musculaire, des troubles digestifs, des troubles psychomoteurs et des lésions cutanées (figure 57). Les analyses sanguines mettent en avant un déficit en albumine et une anémie qui peut être sévère.

Si la carence perdure, des signes plus spécifiques à une hypoprotéinémie apparaissent : croissance retardée voire stoppée, amaigrissement, diminution de la masse musculaire, ascite due à une insuffisance hépatique, hépatomégalie due à une stéatose, insuffisance rénale, immunodéficience, troubles mentaux…

En l’absence de traitement adéquat, l’évolution aboutit rapidement au décès de l’enfant. En effet, l’enfant fragilisé par le déficit en protéines (immunoglobulines comprises) devient très sensible aux infections opportunistes comme la tuberculose, le paludisme ou les diarrhées infectieuses (220).

c. Traitement et prise en charge

Si le traitement est précoce, l’état général de l’enfant s’améliore rapidement. En revanche, s’il est trop tardif, l’enfant peut souffrir de séquelles physiques et intellectuelles. Sans traitement le décès est inévitable (220).

Le traitement vise à réintroduire progressivement des protéines dans l’alimentation. Afin de réadapter l’organisme, les rations doivent être réduites mais fréquentes (toutes les 2 à 4 heures). L’alimentation, initialement riche en glucides, doit être enrichie progressivement en protéines et en éléments essentiels : sucre, lait, sels minéraux, vitamines. L’enfant est considéré guéri lorsque sa masse corporelle atteint 85 % de sa masse normale (220). C’est à ce moment que l’alimentation traditionnelle peut être réintroduite.

3. Quelques autres pathologies pouvant être dues à des intoxications fongiques

a. Onyalai

L’Onyalai est une maladie présente essentiellement en Afrique du Sud. La maladie est caractérisée par des hémorragies des muqueuses (cavité buccale, rhinopharynx, tube digestif) et, plus rarement, de la peau. Ces hémorragies peuvent provoquer un choc cardiovasculaire, puis la mort (221).

Son étiologie est inconnue, mais les toxines fongiques ont été suggérées comme facteur de risque. La pathologie se développerait suite à la consommation de millet contaminé par le champignon Phoma sorghina, producteur de l’acide ténuazonique (222).

Le traitement vise essentiellement à prévenir le risque hémorragique. Les corticoïdes (méthylprednisolone) ont prouvé leur effet bénéfique sur l’augmentation du taux de plaquettes. La splénectomie est requise chez les patients présentant des hémorragies sévères et incontrôlables.

b. Béribéri cardiaque

Le Béribéri est une maladie causée par un déficit en vitamine B1, secondaire à un état de

malnutrition. La Citréoviridine, produite par Penicillium citreoviridae, serait aussi en cause. Le Béribéri était très fréquent au Japon à la fin du 19ème siècle. Il était associé à la consommation de riz moisi (223). De nos jours, ce sont les pays du « Tiers monde » qui sont les plus touchés (Sri Lanka, Est de l’Afrique).

Le Béribéri est à l’origine d’effets neurotoxiques et cardiaques. Chez l’Homme, les symptômes se traduisent par des vomissements, une grande fatigue, des convulsions, des anomalies cardiaques, une paralysie et une baisse de la température corporelle (224).

Le traitement du Béribéri consiste à réduire le déficit vitaminique en administrant au patient de la vitamine B1, d’abord par injection, puis par voie orale. La guérison est alors rapide.

c. Syndrome de Reye

Le syndrome de Reye est une pathologie rare et potentiellement mortelle qui entraîne de nombreux effets néfastes au niveau cérébral et hépatique.

Son étiologie est inconnue, mais un lien avec l’utilisation de salicylés (aspirine), chez des enfants contractant une maladie virale (oreillons, grippe, varicelle…), a été observé. Une autre explication concernerait une exposition chronique aux Aflatoxines dans les pays d’Asie du Sud-est.

La maladie se traduit par des vomissements, des signes de déshydratation, une encéphalopathie, un ictère et une hépatomégalie. La gravité de la maladie tient dans la présence, ou non, d’œdèmes cérébraux. Un décès est observé dans 30 % des cas et les survivants gardent souvent des séquelles neurologiques.

La prise en charge nécessite une hospitalisation, le traitement est alors celui de l’œdème cérébral.