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Révision, variabilité, patterns et processus évolutifs des Gassendiceratinae (Hemihoplitidae, Barrémien supérieur)

8.2. Résultats et discussion : reconstruction phylogénétique 1. Cladogramme

8.2.3. Patterns et process évolutifs du genre Gassendiceras

Deux espèces (G. coulletae et G. hoheneggeri) ont été récoltées dans des niveaux condensés polyzonaux des bordures de plateforme et sont pour l’instant inconnues dans les séries dilatées du Bassin. L’opportunité de proposer des hypothèses à propos de leur répartition stratigraphique est une conséquence de la présente analyse cladistique. L’interprétation phylogénique du cladogramme obtenu, en comparaison avec les données paléontologiques, permet aussi de mettre en évidence les patterns ontogéniques/évolutifs dans la lignée phylétique des Gassendiceras du Sud-Est de la France (Fig. 61-62) :

- Gassendiceras multicostatum (partie supérieure de la Sous-zone à Vandenheckei) : l’enroulement est criocône, et la croissance de la coquille est isométrique et harmonique. Les

stades heberti et barremense sont longs (respectivement 30-40 mm et 200 mm de diamètre en moyenne). Le stade barremense est généralement robuste, avec peu de côtes intercalaires inermes, et il se poursuit par le stade à ornementation simplifiée.

- Gassendiceras alpinum (Horizon à Alpinum, base de la Sous-zone à Alpinum) : l’enroulement est toujours criocône, mais il présente une rupture de croissance à D=150 mm qui annonce la tripartition des espèces plus récentes. Les stades heberti et barremense sont plus courts (respectivement 25 mm et 170 mm de diamètre en moyenne). Le stade barremense est plus gracile avec plus de côtes intercalaires inermes. Le stade à ornementation simplifiée est toujours présent à la suite du stade barremense.

- Sur le cladogramme (Fig. 60), Gassendiceras hoheneggeri est positionné entre G.

alpinum et le clade supporté par G. rebouleti. Ceci est cohérent avec ses caractères

morphologiques et ornementaux (Fig. 61-62). L’enroulement devient clairement tripartite (spire-hampe et crosse) avec une hampe relativement droite et une crosse faiblement ouverte. Le stade barremense est toujours plus gracile (avec l’accroissement systématique du nombre des côtes intercalaires inermes) et plus court (D=150 mm). Le stade à ornementation simplifiée est remplacé sur la hampe par un nouveau stade ontogénique : le stade irrégulier. Ce dernier apparaît très progressivement et indistinctement à partir du stade barremense dont il garde un certain nombre de caractères (côtes principales trituberculées séparées par des côtes intercalaires inermes). Mais le stade irrégulier possède aussi déjà certains caractères du stade camereiceras connu chez les espèces plus récentes (section des tours ovale à base plus large et flancs convergents vers le ventre, tubercules plus uniformes et moins puissants, côtes moins clavées).

- Gassendiceras rebouleti (milieu de la Sous-zone à Alpinum) : la coquille tend à se réenrouler. Elle reste tripartite, mais la spire augmente de taille, et la hampe, toujours assez droite, est plus courte. En parallèle, la crosse tend à d’ouvrir. Le stade barremense est toujours plus court (D=140 mm), et le nombre de côtes intercalaires inermes se stabilise à la hausse. Un nouveau stade apparaît à la fin de l’ontogenèse (avant le stade Adulte tardif) : le stade camereiceras.

- Gassendiceras bosellii (milieu de la Sous-zone à Alpinum, mais dans un niveau un peu plus récent que pour G. rebouleti) : la coquille continue à se réenrouler. Elle est toujours tripartite, mais la courbure de la hampe augmente, et la crosse est plus ouverte. Les stades ontogéniques sont un peu plus précoces que chez G. rebouleti (le stade barremense se termine à D=130), et le stade camereiceras devient très caractéristique.

- Gassendiceras quelquejeui (Horizon à Breistrofferi au sommet de la Sous-zone à Alpinum) : la coquille continue à se s’enrouler et devient à nouveau criocône. Le stade heberti semble stabilisé, mais les autres stades apparaissent toujours plus tôt au cours de l’ontogenèse (le stade barremense se termine à D=100 mm).

- Sur le cladogramme (Fig. 60), Gassendiceras coulletae est placé entre G. quelquejeui et G. enayi. Cette position est en accord avec ses caractères morphologiques et ornementaux (Fig. 61-62), et en particulier le raccourcissement de ses stades ontogéniques (le stade barremense se termine à D=90 mm). Cette position est supportée par l’âge de sa couche-type (SA/25 – Fig. 25), qui, bien que polyzonale, ne dépasse pas la Sous-zone à Provincialis (cf. supra et Bert & Delanoy, 2000).

- Gassendiceras enayi (Sous-zone à Feraudianus, horizons à Feraudianus, Magnini et Bersaci) : le stade barremense (D=85 mm) et le stade irrégulier sont toujours plus courts. Le stade camereiceras montre une atténuation marquée des tubercules comparé aux espèces plus anciennes. Dans l’état actuel des connaissances, les derniers G. enayi semblent disparaître sans descendant du même genre ; alors que les premiers représentants de cette espèce sont probablement à l’origine des Pseudoshasticrioceras (le premier Pseudoshasticrioceras connu – P. quereilhaci – est présent dès l’Horizon à Feraudianus). Les derniers

Pseudoshasticrioceras (P. autrani) donnent naissance aux Imerites (cf. infra), et ce dernier

genre n’a pas de descendant.

A propos de la variation dans la taille adulte au cours du temps, il n’est pas possible de l’interpréter de manière efficace étant donné que le développement complet, et/ou la variation de taille adulte, de certain Gassendiceras n’est pas connue. Mais la taille adulte décroît brutalement entre les Gassendiceras et les Pseudoshasticrioceras, et à nouveau avec les

Imerites.

Figure 61. Patterns ontogéniques et évolutifs des Gassendiceras au cours du Barrémien supérieur (pro parte). Espèces : a : Gassendiceras multicostatum ; b : Gassendiceras alpinum ; c : Gassendiceras hoheneggeri ; d :

Gassendiceras rebouleti ; e : Gassendiceras bosellii ; f : Gassendiceras quelquejeui ; g : Gassendiceras coulletae ; h : Gassendiceras enayi. Stades ornementaux : 1 : stade heberti ; 2 : stade barremense ; 3 : stade à

ornementation simplifiée ; 4 : stade irrégulier ; 5 : stade camereiceras ; 6 : stade adulte tardif.

En résumé, (Fig. 61-62) trois tendances évolutives significatives ont été déterminées pour le genre Gassendiceras : premièrement, le déroulement et le réenroulement de la coquille (criocône, criocône avec rupture de croissance, tripartite strict, tripartite serré, et à nouveau criocône) ; deuxièmement, l’apparition de plus en plus précoce des stades ontogéniques corrélés avec une morphologie toujours plus gracile ; et troisièmement, l’apparition successive de deux nouveaux stades ontogéniques en fin de la croissance.

L’apparition successive de caractères variés en relation avec l’évolution de la séquence ontogénique des Gassendiceras nord-téthysiens, et leur changement au cours du temps, sont modulés par l’interaction de processus complexes d’hétérochronies du développement associés à des innovations (sensu Gould, 1977 et McNamara, 1982, 1986). Le stade camereiceras apparaît plutôt brutalement par innovation tardive, et l’extension centripète des stades ontogéniques au cours de la croissance résulte d’un déplacement accéléré de toute la séquence. Globalement, la succession phylétique des Gassendiceras montre une morphologie de plus en plus innovante et originale des formes dérivées par rapport aux formes ancestrales. Cela correspond à l’expression d’un processus péramorphique de type palingenèse (innovation tardive associée à une accélération de l’ontogenèse). Cependant, l’enroulement tripartite connu à partir de G. hoheneggeri, et l’extension du stade irrégulier sur la hampe, sont interprétés ici comme un processus néoténique local de type post-déplacement qui concerne la zone de rupture de croissance à la fin du stade barremense de G. alpinum.