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Révision, variabilité, patterns et processus évolutifs des Gassendiceratinae (Hemihoplitidae, Barrémien supérieur)

6. Paléontologie 1. Introduction

6.2.2. Méthode 1. Matériel

Les spécimens étudiés proviennent de collectes banc par banc effectuées dans les coupes du Sud-Est de la France (cf. supra), en particulier dans le secteur du stratotype du Barrémien de la route d’Angles (près de Barrême). Un total de soixante dix-sept spécimens (pour des coquilles de 25 à 364 mm de diamètre) a été étudié : quatorze spécimens proviennent d’environnements de bordures de plate-forme, et 63 ont été récoltés dans des coupes caractéristiques d’environnements pélagiques plus distaux (bassin). Certains individus ont été toutefois écartés de l’analyse statistique en raison de leur état trop incomplet ou de leur mauvaise préservation, et l’échantillon est réduit à 52 spécimens, pour un total d’environ

population dont il est issu, puisque le seuil critique d’environ 35-40 individus est dépassé (cf.

Tintant, 1963 ; Marchand, 1986). Des spécimens de gisements différents ont été regroupés dans cet échantillon, mais ils proviennent tous d’un banc isochrone (Horizon à Alpinum, base de la Sous-zone à Alpinum, milieu de la Zone à Vandenhekei – Bert et al., 2010) et présentent tous le même degré évolutif reconnu au sein de la lignée phylétique des Gassendiceras (Bert & Bersac, 2013), ce qui les place comme parties d’une même population paléobiologique. Cette origine différentielle des individus a en outre l’avantage d’éviter un manque de représentativité de l’échantillon par rapport à sa population d’origine, en raison d’éventuelles conditions locales différentielles de fossilisation.

Les spécimens types des espèces G. alpinum, L. dolloi, L. mascarellii, S. sauvanae, ainsi que le spécimen proposé comme néotype de « B. barremense » par Vermeulen & Lazarin (2007), ont bien entendu été ajoutés à l’analyse en tant que groupes distincts. Lorsque les spécimens eux mêmes, ou leurs moulages, n’ont pas pu être examinés directement, les mesures publiées dans la littérature ont servi de référence.

6.2.2.2. Les variables testées

H h O D Nt Nit Ni

Figure 27. Morphométrie de la coquille des Gassendiceras. D=diamètre ; H=hauteur du tour ; E=épaisseur du

tour ; O=diamètre ombilical ; h=hiatus spiral ; Nt=nombre de côtes principales trituberculées (par demi-tour) ;

Ni=nombre de côtes intercalaires inermes (par demi-tour) ; Nit=nombre de côtes intermédiaires bituberculées

(par demi-tour).

Une matrice numérique a été réalisée à partir des différentes mesures des caractères quantifiables (variables continues et discrètes) effectuées directement sur les moules internes d’ammonites (plus rarement les coquilles lorsqu’elles sont préservées), et des ratios de certaines d’entres elles. Les paramètres continus testés sont ceux, classiques pour les ammonites, à savoir pour chaque spécimen et en millimètres (Fig. 27) : le diamètre (D), la hauteur de tour (H), l’épaisseur de tour prise entre les reliefs ornementaux (E), le diamètre de l’ombilic (O), et la taille du hiatus spiral (h). Certains spécimens ont pu être démontés, et dans la plupart des cas plusieurs séries de mesures ont été effectuées (à plusieurs diamètres successifs séparés par l’angle α) afin de suivre au maximum le développement ontogénique individuel. Les rapports conventionnels H/D (hauteur relative), E/D (épaisseur relative), O/D (ombilic relatif), E/H (section relative) et O/H ont été calculés. Ce dernier ratio a été recommandé par Marchand (1986) afin de détecter une éventuelle bimodalité associée à un dimorphisme de type sexuel. Chez les ammonites, le dimorphisme est généralement caractérisé par une différence d’enroulement des formes microconques par rapport à leurs macroconques associés : à l’acquisition de la maturité sexuelle, et à diamètre équivalent, ils possèdent en général un ombilic plus ouvert dû à la diminution de la hauteur du tour à partir de son bord dorsal. Les variables discrètes ont été relevées en fonction du diamètre (Fig. 27). Elles concernent le nombre de côtes principales trituberculées (Nt), de côtes intermédiaires

faiblement tuberculées (en général bituberculées) (Nit), et de côtes intercalaires inermes (sans tubercule) (Ni) par demi-tour. Pour les Imerites, qui ne font pas l’objet d’une analyse statistique poussée, le nombre total de côte par tour N, ou par demi-tour N/2, a été noté.

Etant donné le type de conservation du matériel (moules internes souvent légèrement comprimés post-mortem dans le bassin), et surtout d’ammonites de conservation différente en fonction de leur origine (bassin versus plates-formes distales), il n’a pas été possible d’utiliser les paramètres de Raup [taux d’expansion spirale Wp, calculé de la manière suivante :

Wp=(R1/R2)2π/θ, où R1 et R2 sont deux rayons successifs séparés par l’angle θ exprimé en radian]. En effet, de part son mode de calcul, Wp peut varier dans des proportions assez grandes pour d’infimes variations de mesures (de l’ordre du millimètre pour des spécimens d’ordre décimétriques, ce qui correspond par exemple à la simple épaisseur de la coquille de l’ammonite, systématiquement dissoute dans le cas du Barrémien vocontien, mais quelquefois présente sur les spécimens de plate-forme).

Etant donné la nature des données, l’analyse quantitative permet de déterminer les relations entre les différents paramètres morphologiques et ornementaux de la coquille. L’analyse elle-même et les tests ont été réalisés sous environnement PAST version 2.17 (Hammer et al. 2001, http://folk.uio.no/ohammer/past/), mais les diagrammes bivariés ont été tracés avec EXCEL qui présente plus de souplesse (en particulier pour matérialiser les ruptures de croissance). Le seuil de significativité des tests de probabilité a été fixé à p=0,05, ce qui représente le seuil habituel pour ce genre d’analyse (Hammer & Harper, 2006, p. 10), et qui est un bon compromis pour contrôler en partie à la fois les erreurs de type I (rejeter l’hypothèse nulle alors qu’elle est vrai) et de type II (accepter l’hypothèse nulle alors qu’elle est fausse). La méthodologie suivie est présentée dans le détail afin d’assurer sa reproductibilité.

6.2.3. Normalité

En sciences en général et en biologie en particulier, il est fréquent de considérer que la distribution des données est « normale » (loi de probabilité pour modéliser des phénomènes naturels issus de plusieurs évènements aléatoires), c'est-à-dire qu’elles se répartissent selon une courbe théorique en cloche, dite courbe de Gauss (Fig. 4) selon l’équation

² 2 ( ² 2 ) ( σ µ πσ = x e n x

n où n est l’effectif de l’échantillon, µ représente la moyenne, et σ l’écart type (Hammer & Harper, 2006). Cette courbe est symétrique, et sa médiane, sa moyenne et son mode sont confondus. Environ 68% des valeurs sont répartis entre µ-σ et µ-σ, et environ 98% entre µ-2σ et µ-2σ. Dans la pratique en paléontologie, comme l’avait déjà reconnu Tintant (1963, p. 43), il n’est pas rare que la distribution des valeurs s’écarte de ce modèle, pour des raisons pas toujours très bien déterminées d’ailleurs. Certaines causes peuvent être invoquées, comme par exemple la conservation souvent imparfaite des fossiles (quelquefois différentielle suivant les gisements ou même au sein d’un même gisement), de légères variations de croissance pas toujours perceptibles entre individus immatures et adultes, les incertitudes de mesures, ou tout simplement parce que la distribution suit un autre modèle théorique. En conséquence, il est important de savoir si les données sont réparties de manière gaussienne ou pas (à l’aide d’un test de normalité), en particulier parce que certains tests statistiques sont paramétriques et qu’ils perdent en robustesse lorsque la distribution des variables n’est pas gaussienne. Les tests utilisés sont le test de Shapiro-Wilk et le Chi² de Pearson, mais seul le résultat du test le plus robuste est donné (le plus souvent le Shapiro-Wilk). Le test de Doornik et Hansen a été utilisé pour les tests de normalité multivariés.

n(x) x µ µ+σ µ-σ Mode Median Mean µ-2σ µ+2σ