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3. CONCLUSION GÉNÉRALE

3.1. Patrons microchimiques dans les otolithes

La présente étude a essentiellement permis de mettre en évidence trois signatures chimiques distinctes sur la base des profils de quatre éléments obtenus à partir des analyses d'otolithes d’anguilles échantillonnées à travers le Saint-Laurent, le Lac Ontario et le Lac Champlain. Ces signatures se distinguent par les valeurs moyennes de magnésium (24Mg), manganèse (55Mn), baryum (138Ba) et strontium (88Sr). Deux des signatures se caractérisent par des valeurs relativement faibles de strontium tandis qu’une des signatures montre une valeur moyenne plus élevée de cet élément. Cette teneur plus élevée en strontium correspond probablement à une signature caractérisant les eaux saumâtres de l’estuaire du Saint-Laurent. Les deux autres signatures présentant des valeurs plus faibles de strontium correspondent fort probablement à des habitats d'eau douce. Pour ces deux signatures, ce sont les valeurs moyennes de baryum, manganèse et magnésium qui diffèrent. Une des signatures se caractérise par des valeurs relativement élevées de ces trois éléments tandis que l'autre montre des valeurs plus faibles. Cependant, il n’est pas aussi évident de faire un lien entre les signatures chimiques enregistrées dans les otolithes et la signature chimique d’un habitat particulier du système du Saint-Laurent et du Lac Ontario. Le système hydrographique du Saint-Laurent est caractérisé par une importante variabilité spatio-temporelle quant à la composition chimique de ses eaux (Yang et al. 1996 ; Rondeau et al. 2005). En effet, les affluents de la rive nord (Rivière des Outaouais, Rivière Saint-Maurice, etc.) qui drainent les régions du bouclier canadien diffèrent des affluents de la rive sud par la composition chimique de leurs eaux (Yang et al. 1996). Cossa

et al.. (1990) ont observé un pic printanier de la concentration d’ions manganèse au niveau de

l'estuaire fluvial près de la ville de Québec. Ils ont avancé l’hypothèse qu’une plus grande concentration d’ions Mn2+ dans les affluents du Saint- Laurent expliquerait ce pic observé lors de la crue printanière. Une première hypothèse est donc que la signature chimique observée dans l’otolithe ayant des valeurs élevées de manganèse, de baryum et de magnésium corresponde à une signature caractéristique des affluents. Machut et al. (2007) a observé des fortes densités d’anguilles dans les sections avales des affluents de la Rivière Hudson. L’analyse des données de

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concentrations environnementales des quatre éléments du lac Ontario jusqu’au Golfe du Saint- Laurent a aussi montré une variation spatiale le long de l’axe du système. Une zone ayant des concentrations de baryum et de manganèse plus élevées a été mise en évidence entre l’aval de l’île de Montréal et l’embouchure du lac Saint-Pierre. Il est possible que cette particularité soit due aux apports des principaux affluents du Saint-Laurent fluvial (Rivières des Outaouais, Saint- Maurice, Richelieu) qui se jettent dans cette zone en amont du lac Saint-Pierre. Rondeau et al. (2005) ont montré que les eaux vertes en provenance des Grands Lac sont faibles en Mn dissout par rapport aux tributaires de la rive nord mais que ceux de la rive sud étaient semblables aux eaux des Grands Lacs à cet égard. Cela appui davantage l’interprétation que les deux habitats d’eau douce observés dans la présente étude correspondent à l’axe principal du fleuve et aux tributaires. Une autre hypothèse est que ces signatures en eau douce représentent différents habitats caractérisés par des compositions chimiques particulières indépendamment de leur localisation géographique. Ramesh Reddy (2008) suggère qu’une concentration plus élevée d’ions manganèse était caractéristique des eaux des zones humides. D’importantes zones humides côtières existent le long du Saint-Laurent ainsi qu'autour du lac Champlain. Il est donc possible que la signature ayant une concentration élevée en manganèse corresponde à des habitats de ces zones. Le fait que d’importantes aires de zones humides côtières existent dans le Lac Champlain ainsi que le fait que la même signature de manganèse élevé a été observée chez les anguilles échantillonnées à cet endroit appuient cette hypothèse. Cependant, afin de vérifier ces hypothèses, il serait nécessaire d’avoir une connaissance beaucoup plus détaillée de la variation spatio-temporelle des concentrations en ions de ces quatre éléments dans le Saint- Laurent et ses affluents. Néanmoins, malgré les limites de cette méthode d’interprétation des signatures chimiques observées dans les otolithes des anguilles échantillonnées, cette étude est une des premières à exploiter les profils de plusieurs éléments dans le but de reconstruire, de façon rétrospective, les patrons de mouvements de poissons diadromes durant leur vie. Il demeure tout de même important de considérer les multiples hypothèses inhérentes aux études qui visent à retracer des mouvements de poissons à partir de signatures chimiques dans les otolithes (Elsdon et al. 2008). Dans le cas de la présente étude, nous supposons que les signatures enregistrées dans les otolithes d’anguilles représentent des signatures d’une masse d’eau dans laquelle le poisson se trouve à un moment donné. Nous supposons ensuite que des changements de signatures depuis le cœur à la marge de l’otolithe reflètent un mouvement

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effectué par un poisson vers un habitat différent. Il est tout à fait possible qu’un changement dans la signature chimique d’une masse d’eau soit enregistré par l’otolithe d’un poisson sédentaire.

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