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2.4 Les GPCR, cibles pharmaceutiques de choix

2.4.1 Pathologies associées

Comme cela a été exposé au cours des sections précédentes, les GPCR, chez un sujet sain, sont au centre d’un grand nombre de processus physiologiques. Ainsi, le moindre dysfonctionnement, dû à des mutations, peut être à l’origine de certaines pathologies. A l’heure actuelle, on dénombre plus de trente pathologies associées à des mutations de GPCR [267]. L’effet d’une mutation sur un GPCR peut se manifester à différentes étapes de sa vie :

– Au niveau chromosomique (délétion d’un gène ou mutation au niveau d’un promoteur).

– Altération de la transcription (ARNm instable, mutation non–sens ou faux– sens).

– Défaut d’adressage (mauvais repliement de la protéine, ne passe pas le contrôle qualité du RE).

– Modification de la signalisation (moindre affinité pour le ligand, activité consti- tutive accrue).

Lorsqu’un mutant de GPCR a franchi les trois premières étapes, la mutation peut se traduire de deux manières différentes : soit une perte de fonction du récepteur, soit un gain de fonction. En général, les maladies associées à la perte de fonction sont héréditaires et récessives tandis que les mutations gain de fonction se manifestent au cours de la vie (hérédité très rare à cause du taux de survie faible). A titre d’exemple, la rétinite pigmentaire, maladie visuelle, résulte d’une centaine de mutations perte de fonction au niveau de la rhodopsine. En revanche, une mutation gain de fonction au niveau du même récepteur a pour conséquence la cécité nocturne congénitale. De plus, il a été montré qu’une mutation perte de fonction du récepteur de la vasopressine (AVPR2 est à l’origine du diabète insipide lié au chromosome X. En effet, AVPR2 est exprimé dans le rein et son insensibilité à la vasopressine aboutit à une diminution de la concentration des urines ce qui entraîne des risques de déshydratation. En outre, certaines mutations gain de fonction ont été identifiées comme étant à l’origine de carcinomes ou de tumeurs malignes (cf. tableau 2.4).

2.4.2 Médicaments

Comme le montre la section précédente, les dysfonctionnements liés aux GPCR sont la source d’un grand nombre de pathologies. C’est une des raisons pour laquelle le budget des médicaments prescrits ciblant ces récepteurs représente 60% de celui de tous les médicaments [267]. En considérant la diversité de localisation et de fonc- tion des GPCR, il est logique que les effets de ces molécules thérapeutiques soient assez variés. En effet, parmi ces médicaments, on trouve des anti–psychotiques, des

Mutations gain de fonction

Rhodopsine Cécité nocturne stationnaire congénitale Thyrotropine Hyperthyroïdie, carcinome thyroïdien Follitropine Syndrome d’hyperstimulation ovarienne Lutropine Puberté précoce limitée

Mutations perte de fonction

Rhodopsine Rétinite pigmentaire

Angiotensine (AT2) Retard mental lié au chromosome X

Vasopressin (V2) Diabète insipide Melanocortine (MC4) Obésité

Table 2.4 – Pathologies associées à des mutations gain de fonction ou perte de fonction, d’après Schöneberg et al. [267].

β–bloquants, des anti–histaminiques, des traitements contre l’obésité, des analgé- siques. . . En 2005, environ 30% des médicaments approuvés par la "Food and Drug Administration" (FDA) étaient destinés à agir sur les GPCR [229]. Ces cibles consti- tuent donc un enjeu tant thérapeutique que financier pour l’industrie pharmaceu- tique.

2.5

GPCR étudiés

2.5.1 Récepteur β2 adrénergique

Le récepteur β2 adrénergique est majoritairement couplé Gαs. Cependant, après

activation, la spécificité du couplage peut être déplacée vers Gαi sous l’influence

d’un mécanisme PKA dépendant [61]. Le GPCR humain contient 413 acides aminés. Le récepteur β2 adrénergique de hamster fut cloné en 1986 [71]. Il est activé par

des molécules naturelles telles que l’adrénaline ou la noradrénaline. En outre, de nombreuses molécules synthétiques ciblent ce récepteur dans un but thérapeutique (ex : timolol pour le traitement du glaucome).

Etant couplé Gαs, son activation engendre la stimulation de l’adénylyl cyclase. Le

taux d’AMPc intracellulaire augmente alors, ce qui a pour conséquence l’activation de la PKA. Cette kinase phosphoryle différentes protéines assurant la propagation de la signalisation intracellulaire. Chez l’Homme, le récepteur est exprimé dans de nombreux organes tels que les poumons, les reins, le foie, les yeux, le cœur. . . De par son omniprésence dans l’organisme, le récepteur β2 adrénergique présente des

fonctions très diversifiées. En effet, il est impliqué dans la régulation du rythme car- diaque (augmentation), de la tension oculaire (flux et production d’humeur aqueuse), la relaxation utérine, la diminution de la tension artérielle (hypotension), la bron- chodilation. . . Certaines de ces actions sont dues au fait que l’activation du récepteur

β2 adrénergique entraîne la relaxation des muscles lisses.

2.5.2 Récepteur dopaminergique D3

Le récepteur dopaminergique D3 (D3) est couplé aux protéines Gαi/o. Chez

l’Homme, il comprend 400 acides aminés. Il fut cloné pour la première fois en 1990 [285]. Son activation par la dopamine entraîne la stimulation des voies de signalisa- tion classiques des récepteurs couplés Gαi (activation des canaux Kir3.x, de la voie

MAP kinase, inhibition de l’adénylate cyclase). Il existe deux isoformes de D3 (D3L:

forme longue, D3S : forme courte), obtenues par épissage alternatif au niveau de la

boucle ICL3 [83]. D3 est majoritairement exprimé dans le système nerveux central et plus particulièrement au niveau du nucleus accumbens. D’un point de vue physio- logique, D3 est impliqué dans certaines fonctions cognitives telles que l’émotion et la kinésie. Ce rôle en fait, en cas de dysfonctionnement (sur–expression, diminution de la libération de dopamine), un acteur central de certains troubles neuropsychiatriques (schizophrénie) ou neurologiques (maladie de Parkinson) [145]. A titre d’exemple, la recherche de médicaments contre la schizophrénie s’oriente vers la découverte d’an- tagonistes qui se lient préférentiellement à D3 [146].

2.5.3 Récepteur cannabinoïde 1

Le récepteur cannabinoïde 1 (CB1), cloné en 1990 [190], est exprimé dans le sys- tème nerveux central (cortex cérébral, hippocampe, hypothalamus. . . ) mais égale- ment au niveau des terminaisons nerveuses sympathiques, des tissus adipeux. . . CB1 est principalement couplé aux protéines Gαi. Il a en outre été démontré que, suivant

la nature de l’agoniste utilisé, le couplage aux protéines G pouvait varier (au sein du sous–type Gαi) [210]. Lorsqu’il est activé par des composés cannabinoïdes endogènes

(anandamide, 2–arachidonyl glycérol) ou exogènes (∆–9–tetrahydrocannabinol), cela provoque une inhibition de l’adénylate cyclase, des canaux Ca2+voltage–dépendants,

une activation des canaux Kir3.x ainsi que des voies MAP kinases.

Les conséquences physiologiques de son activation fluctuent suivant les tissus dans lesquels il est exprimé. En effet, sa présence au niveau de l’hippocampe lui assigne un rôle important dans le processus d’apprentissage et de mémorisation [87]. Dans l’hypothalamus, CB1 est responsable de la régulation de la prise de nourriture car la sécrétion de composés cannabinoïdes endogènes en période de jeûne entraîne une augmentation de l’appétit et a également un effet anti–émétique. De plus, l’activation de CB1 dans le foie, les adipocytes et les cellules endocrines du pancréas promeut la lipogénèse, le stockage des lipides et la sécrétion d’insuline [320]. Son implication dans ces phénomènes en a fait une cible thérapeutique pour le traitement de l’obésité. En effet, plusieurs médicaments comme le Rimonabant (agoniste inverse) ont été mis

sur le marché puis retirés de la vente à cause des effets secondaires (notamment psychiatriques). Le fait que CB1 soit exprimé dans une multitude d’organes est à l’origine de ce phénomène.

2.5.4 Rhodopsine

La rhodopsine, avec le récepteur β2 adrénergique, représente l’un des GPCR les

plus étudiés. Elle est exprimée dans les cellules qui tapissent la rétine appelées bâ- tonnets qui sont responsables de la vision en faible luminosité. Elle constitue environ 90% des protéines totales de ces cellules. Cette propriété en fait une protéine qui peut être purifiée de manière relativement aisée à partir de tissus natifs et témoigne de sa stabilité. Elle fut clonée en 1982 [228]. La rhodopsine est couplée à un type de protéine G qui est uniquement exprimé dans les cellules visuelles : la transducine (Gαt). Dans l’obscurité, la rhodopsine est liée de manière covalente au retinal 11–cis

qui forme une base de Schiff avec la Lys296. Les bâtonnets sont alors dépolarisés à cause de l’ouverture de canaux cationiques activés par les nucléotides cycliques (CNGC, cyclic nucleotide gated channels). Lorsqu’un photon entre en contact avec le photorécepteur, cela induit la photo–isomérisation du retinal 11–cis en rétinal tout–trans. Par la suite, des changements de conformation au niveau du récepteur se produisent et induisent l’activation de la transducine. Cette dernière active à son tour la GMPc phosphodiesterase (PDE) qui entraîne une diminution du taux de GMPc intracellulaire. Cela a pour conséquence d’inhiber les canaux CNG ce qui provoque une hyperpolarisation de la cellule.

De part son rôle dans le processus visuel, certaines mutations au niveau de la rhodopsine sont à l’origine de maladies affectant la vision, telles que la rétinite pig- mentaire ou la cécité nocturne.