• Aucun résultat trouvé

Les matrices cimentaires sont les matériaux les plus utilisés pour la stabilisation des déchets. C’est pourquoi ce domaine environnemental a généré de nombreux travaux de recherche, notamment sur la lixiviation (dans la stabilisation des déchets ménagers ou industriels [M6] (1993) [C7] (1994) (C8) [2000], nucléaires [M] (1989) [R8] (2000), etc…). Toutefois, cette utilisation des matrices cimentaires est

étrangère à notre problématique sur deux points principaux. Le premier

concerne l’incorporation des métaux lourds qui s’effectue lors du gâchage dans le cas de la stabilisation de déchets, alors que nous étudions le comportement des métaux lourds initialement présents dans les phases anhydres des ciments ; le deuxième est relatif aux quantités de métaux, importantes dans le cadre de la stabilisation (plusieurs pour cent) alors qu’elles sont de l’ordre des traces (20-300 mg/kg) dans les ciments industriels.

Ainsi, à l’inverse des travaux sur la stabilisation, le comportement des métaux en traces dans les ciments et notamment lors de lixiviation, a été relativement peu abordé dans la littérature. SERCLERAT [S7] (1996) a travaillé sur la lixiviation des métaux en traces dans les ciments avec des tests de lixiviation semi-dynamiques, et a notamment montré que les métaux lourds étaient quasi-indétectables dans les lixiviats, même en appliquant ces tests de lixiviation à des ciments dopés à 1000-2000 mg/kg. HILLIER et al. [H3] (1999) ont également étudié la lixiviation des métaux en traces dans les ciments industriels (avec des teneurs en Cr, Pb, Ni et V de l’ordre de 70 mg/kg), les comparant aux données de relargage des principales études menées dans ce domaine ces dix dernières années ([K5] (1993), [R4] ( 1991), [G2] (1993)).

Leurs résultats, comme ceux des études antérieures, montrent aussi que les métaux en traces sont indétectables (avec les tests de lixiviation normatifs) quelle que soit la durée de lixiviation. Le seul élément pour lequel ils ont pu

mesurer des relargages est le vanadium, lorsque le temps de cure des échantillons n’est que de 24 heures (au lieu des 28 jours traditionnels).

Ces conclusions mettent en évidence la difficulté analytique que pose l’étude de la lixiviation des métaux en traces dans les matrices cimentaires. Il s’avère donc que les test de lixiviation normatifs (statiques ou semi-dynamiques sur matériau massif ou broyé), ne permettent pas de suivre le relargage des métaux en traces contenus dans les ciments industriels. Il semble donc que le développement d’un essai de lixiviation permettant la mesure de ces faibles relargages, apparaît donc comme une étape préalable pour l’étude des cinétiques et des mécanismes de relargage.

D’autres travaux se sont orientés sur les mécanismes de rétention des métaux dans les hydrates de ciment. L’analyse des nombreuses études en ce domaine montrent que ces mécanismes sont encore mal connus, d’autant que la forme chimique des métaux (distribution des métaux dans les phases anhydres du clinker [S6] (1996) ou mélangés sous forme de sels solubles lors de l’hydratation) et leurs quantités peuvent modifier ces mécanismes [R9] (2000).

Concernant le Cr(VI), SERCLERAT [S6] (1996) a mis en évidence par Diffraction des Rayons X, l’importance des chromo-ettringites formées par substitution SO42- Cr2O4

dans le piégeage du chrome. Cette observation est aussi mise en évidence dans plusieurs autres études pour le Cr(VI) [K7] (1998). Pour la forme cationique du chrome, Kindness et al. ont montré l’incorporation par substitution Cr(III)⇔Al(III) dans les aluminates de calcium (Afm) et en solution solide dans les hydrogrenats [K8] (1994).

Par contre, pour le vanadium (autre forme oxyanionique en solution) il n’y a pas de données spécifiques concernant le mécanisme de rétention de ces ions dans les hydrates de ciment.

En ce qui concerne les cations métalliques divalents, beaucoup d’études ([M11] (1987), [C9], (1990), [M6] (1993), [O1] (1991), [U1] (1997), [M7] (1999), [Z1] (1999), [J2] (1999), [R9] (2000)) (utilisant pour la plupart des incorporations métalliques lors de l’hydratation sous forme de sels solubles) indiquent une affinité importante de ces métaux pour les CSH. En ce qui concerne les mécanismes de piégeage de ces métaux dans ces phases CSH, les hypothèses divergent. Certains auteurs montrent un piégeage structural (par substitution ou réaction), alors que d’autres envisagent plutôt un piégeage par des forces d’adsorption en surface des feuillets CSH.

Ces études sur les mécanismes de piégeage proposent donc des hypothèses sur la fixation des métaux dans les hydrates de ciment. Toutefois, toutes ces études ont

été réalisé sur des matériaux dopés (majoritairement lors de l’hydratation avec des sels métalliques solubles) et/ou sur des phases pures de clinker hydratées. Le cas particulier des métaux en traces (20-300 mg/kg) distribués dans toutes les phases des ciments n’a pas été étudié, surtout à cause des limites de détection des méthodes d’investigation structurale (RMN en phase solide, EXAFS, spectroscopie Infra-Rouge à Transformée de Fourier,…). Les

hypothèses présentées sur les mécanismes de piégeage ne se vérifient donc pas obligatoirement dans le cadre de notre étude des métaux en traces dans les ciments industriels. C’est pourquoi, une approche de ces mécanismes par l’étude des cinétiques expérimentales de relargage semble donc intéressante.

Chapitre I : Etude bibliographique

A.VI CONCLUSION : OBJECTIFS ET DEMARCHE

SCIENTIFIQUE

L’étude bibliographique présentée montre le manque de données sur les mécanismes et surtout sur les cinétiques de relargage des métaux lourds en traces contenues dans les matrices cimentaires à cause, avant tout, des quantités relarguées si faibles qu’elles sont inférieures aux limites de détection analytiques. Cette difficulté n’invite pas a priori à envisager l’utilisation de tests de lixiviation statiques (à cause des durées de mise en contact trop courte mais aussi parce que la diffusion et donc la dégradation s’arrête très vite) ou semi-dynamiques (basés sur une hypothèse de diffusion pure (sans interactions avec la matrice)), qui permettent d’évaluer le comportement des métaux lourds en traces.

Notre premier objectif sera donc de mettre au point un test de lixiviation permettant d’obtenir des courbes de relargage des traces et ce, dès le tout début de l’expérience. Munis de ces courbes de relargage, il serait alors intéressant d’estimer les mécanismes de relargage des métaux (pas forcément diffusionnels) en utilisant les modèles présentés dans la bibliographie (modèle d’ADENOT, d’HINSENVELD, de BENTZ-GARBOCZI et de COTE et CONSTABLE). Ce dernier modèle, cinétique, est particulièrement intéressant, puisqu’il permet l’interprétation des courbes cinétiques expérimentales en autorisant une interprétation des cinétiques de relargage contrôlées par plusieurs mécanismes.

En parallèle, il nous faudra aussi faire une analyse de la zone dégradée formée, en utilisant des méthodes locales d’analyse du solide (dont l’ICP-MS-Ablation Laser et la Diffraction des Rayons X focalisée) pour essayer d’identifier les mécanismes obtenus par la cinétique, et pour mettre en évidence des zones de repiégeage préférentielles éventuelles des métaux.

Finalement, notre démarche s’appuiera autant sur l’analyse des solutions (lixiviats) que sur celle du solide altéré (zones dégradées). La figure 13 qui suit, décrit notre approche générale.

Analyse des lixiviats cinétiques + modélisation Analyse zones dégradées - ICP-AES - minéralogie phases majeures - localisation Métaux Lourds Mécanismes de relargage et/ou piégeage

des Métaux Lourds traces

- DRX locale

- ICP-MS-LASER ABLATION

Mise au pointdu montage de lixiviation dynamique

CTG-LEACHCRETE

Chapitre II : Développement du montage et caractérisation des matrices cimentaires

B ð CHAPITRE II: DEVELOPPEMENT DU MONTAGE

DE LIXIVIATION ET CARACTERISATION DES