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Passion et persévérance : L’établissement des microbrasseries au

Dans les années 1980, les pionniers de la microbrasserie au Québec doivent composer avec de nombreuses difficultés pour concrétiser leurs projets. La tâche à accomplir s’annonce difficile en raison des structures législatives inadaptées, du manque de confiance des institutions financières et des stratégies marketing des industriels visant à rapatrier les amateurs de bière artisanale vers leurs produits. La passion ainsi que la détermination des artisans-brasseurs et de leur clientèle permettent néanmoins aux microbrasseries de prendre leur envol et de devenir l’un des secteurs économiques les plus dynamiques et, surtout, compétitifs de la province.

Faux-micro et autres stratégies : Les grands brasseurs faces aux microbrasseries

Dans un éditorial du journal Bières et plaisirs, le biérologue Philippe Wouters écrit : « En 1985, les grandes brasseries Labatt, Molson et O'Keefe voyaient arriver les microbrasseries comme nos grands-parents ont vu arriver les Beatles : une marginalisation du marché et une utopie. »45 Les industriels doivent pourtant rapidement reconnaître le pouvoir d’attraction de ces nouveaux joueurs sur une clientèle qui délaisse progressivement leurs produits aux profits de bières artisanales. Ces nouvelles bières jouissent alors d’un « je- ne-sais-quoi »46, un ensemble de caractéristiques que les grands brasseurs tentent d’identifier et de reproduire. Les années 1980 marquent ainsi le début en Amérique du Nord de ce que l’expert en marketing Allen W. Sneath appelle la beer war. Voulant surfer sur la vague de popularité que connaissent les microbrasseries, les industriels lancent en grande pompe de nouvelles gammes de bières dans l’espoir de tomber dans l’œil d’une clientèle qu’ils ne parviennent toutefois jamais vraiment à comprendre et, par conséquent, à rejoindre. Bières «

45 Philippe Wouters, « Les microbrasseries, un phénomène de mode? », Bières et plaisirs, 2, 6 (2010), p. 4 46 Carroll et Swaminathan, op. cit., p. 12 : Un directeur de la brasserie Miller aux États-Unis affirme en 2000 :

« If we’re to have any credibility and really add appropriate value [to our beer], we have to understand where [it is] coming from and to understand the customer. We’re behind the curve, no question about it. »

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dry » vantant un pourcentage d’alcool plus élevé que leurs lagers classiques, bières « ice » étant supposément le produit d’un procédé brassicole inédit47 et bières légères à prix fort compétitifs se succèdent, non pas sans connaître un certain succès auprès de la clientèle régulière des industriels, mais en ne détrônant jamais les bières de microbrasserie. Toujours dans l’espoir de s’approprier le succès des bières artisanales, les grands brasseurs lancent aussi des produits aux couleurs et saveurs variées plus près de ce qu’on retrouve en microbrasserie, des produits qualifiés de faux-micro dans la littérature anglophone. Mettant l’accent sur leur authenticité, leurs ingrédients et le savoir-faire derrière leur brassage, ces bières sont mises en marché de manière à rompre avec la marque – le branding – des brasseries industrielles qui sont pourtant bel et bien derrière leur conception. À titre d’exemple, Molson et Labatt lancent en 1988 deux nouvelles bières, la Rickard’s Red et la Duffy’s Lager, de manière indépendante en dissimulant volontairement leur lien avec ces dernières48. Ces bières restent en effet pendant quelques mois uniquement disponibles en fûts dans certains restaurants et débits de boissons avant d’arriver sur les tablettes des supermarchés. Si elles connaissent bien un certain succès auprès d’une clientèle appréciant et s’en tenant aux nouvelles saveurs qu’elles offrent, la Rickard’s Red et la Duffy’s Lager ne parviennent ultimement qu’à émuler le goût des produits artisanaux. Les passionnés de bière artisanale, eux, n’y perçoivent que l’avidité des industriels.

Puis arrivent les bières dites « premium », des produits importés par les brasseurs industriels – et éventuellement brassés ici même en Amérique du Nord – dans le but d’élargir toujours plus leur offre. Les industriels misent alors sur l’exotisme de produits comme la Heineken ou la Corona ainsi que sur la valeur sûre qu’ils représentent aux yeux de consommateurs disposant de connaissances encore limitées en matière de bière pour faire de l’ombre aux microbrasseries49. Selon les industriels, la clientèle répondra de manière positive à l’arrivée de bières brassées depuis plusieurs dizaines, voire centaines, d’années dans leur pays

47 Sneath, op. cit., p. 275 : Le cas de la Labatt Ice témoigne particulièrement bien de la situation d’urgence dans

laquelle les grands brasseurs se trouvent puisque l’histoire autour du lancement de leur produit est montée de toute pièce. Labatt affirme en effet avoir inventé et perfectionné le procédé particulier utilisé pour son brassage alors qu’il provient tout droit de la tradition brassicole allemande au sein de laquelle on retrouve le style Eisbock, une bière dont le nom peut être grossièrement traduit par « bière forte de glace ».

48 Sneath, op. cit., p. 287-289 ; Carroll et Swaminathan, op. cit., p. 14 : La Miller Brewing Company aux États-

Unis va encore plus loin en créant de toute pièce une fausse microbrasserie, la Plank Road Brewery, pour l’associer à une nouvelle gamme de produits « artisanaux » lancée dans les années 1990.

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d’origine, une prédiction s’étant avérée juste avec les années50. La réussite de cette stratégie s’explique alors par le fossé créé entre les bières importées et l’image que les industriels cultivent depuis plusieurs décennies autour de leur marque. En effet, les consommateurs dévalorisent de plus en plus l’aliment transformé industriellement et standardisé, un aliment que Claude Fischler qualifie d’« objet comestible non identifié »51. Or, comme le pointe Frank Appleton, le fondateur de la première microbrasserie au Canada, les industriels produisent jusqu'aux années 1980 virtuellement tous la même bière en valorisant moins le savoir-faire du brasseur derrière les chaudières que l’équipe marketing occupée à trouver le dernier slogan tendance à publiciser52. Au Québec, selon Alain Geoffroy, ces publicités ont de moins en moins de pouvoir d’attraction sur les consommateurs de bière : « Nous au Québec on est curieux et on est près de nos sens, on veut boire pour les bonnes raisons. […] Ce n’est pas parce que tu bois cette bière-là que tu vas être cool et que tu fais partie de ce groupe-là, tu sais, comme c’était le marketing traditionnel des grosses brasseries. […] Rendu à nous dire qu’une bière est bonne parce qu’elle a pas d’arrière-goût, c’est fou! »53 Les bières importées pallient alors ce manque des bières traditionnelles en s’affichant comme des produits non seulement plus goûteux, mais aussi brassés selon un savoir-faire centenaire provenant de la riche tradition brassicole européenne. Présentés ainsi, même les consommateurs les plus avertis peuvent se laisser tenter par ces produits importés. Denis Lavoie, qui possède un bagage de connaissances conséquent en matière de bières et de brasseries, me confie par exemple : « L’été oui, une Coors Light va passer. Mais pas beaucoup. J’opte plus, même si elles sont brassées ici à cause des brevets, pour de la Heineken ou de la Stella Artois. Ce sont quand même des bières d’Europe. »54 Plus que le

50Association des Microbrasseries du Québec, Importance du soutien gouvernemental dans le maintien et le développement du secteur des microbrasseries au Québec, Québec, 15 septembre 2015, p. 9 : Entre 2006 et

2014, les parts de marché des microbrasseries québécoises passent de 5.0% à 7.1% alors que celles des bières importées passent de 9.7% à 14.0%. Sur la même période, les parts occupées par les produits traditionnels des grands brasseurs passent de 73.3% à 63.2%.

51 Fischler, op. cit., p. 189

52 Sneath, op. cit., p. 214 Pour en savoir plus sur les thématiques abordées par les grands brasseurs dans leurs

publicités au 20e siècle au Québec, voir Marc Myre McCallum, Pour boire il faut vendre : les publicités de bière au Québec dans les années 1920 et 1950, mémoire de maîtrise, Université de Montréal, Montréal, 2012,

127 p.

53 Alain Geoffroy, loc. cit.

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bon goût ou la tradition qu’elles représentent, ces bières importées dites « premium » font en fait oublier qu’elles demeurent des produits industriels.

Enfin, les plus récentes initiatives des grands brasseurs en réaction à l’expansion des microbrasseries au Québec brouillent encore plus la frontière entre bières artisanales et industrielles. En effet, Molson Coors et Labatt, en achetant respectivement le Trou du Diable en 2017 et l’Archibald en 2016, ajoutent cette fois à leur catalogue des bières provenant de véritables microbrasseries québécoises. Selon la loi fédérale, une microbrasserie ne doit pas produire plus 300 000 hectolitres de bière annuellement, c’est-à-dire l’équivalent de 3.5 millions de caisses de 24. Ces chiffres sont néanmoins très généreux. Les Brasseurs du Nord par exemple, l’une des plus grosses microbrasseries du Québec, à l’origine de la fameuse gamme de bières Boréale, ne produisent « que » 100 000 hectolitres par année55. La définition de ce qu’est ou n’est pas une microbrasserie se prête ainsi à interprétation et peut prendre en considération divers facteurs, dont les stratégies de mise en marché, le volume de production, l’ancrage local, etc.56 Reste que pour la majeure partie des consommateurs, une bière du Trou du Diable est toujours un produit artisanal qui jouit à ce moment d’avantages non négligeables par rapport à ses semblables, notamment en ce qui a trait à la distribution. Des avantages que les microbrasseries concernées risquent pourtant de payer au prix fort :

« Pour le moment, affirme Sylvain Robitaille, ils s’occupent encore de leur brasserie, de la production, mais avec le temps c’est sûr– quand elles vont arriver, les maisons mères, avec des gros investissements, elles vont commencer à envoyer des gens. […] Ils vont avoir accès à des ingénieurs, donc ils vont améliorer l’efficacité, mais aussi tendre vers une standardisation. Ça va être insidieux, mais ça va arriver. »57

Somme toute, les grands brasseurs réalisent qu’ils doivent retravailler les points focaux de leur marque et arrêter de dresser des écrans de fumée entre eux et les consommateurs. Le

55 Philippe Wouters, « Guide du parfait consommateur », Bières et plaisirs, 4 avril 2018, en ligne,

www.bieresetplaisirs.com/2018/04/04/guide-du-parfait-consommateur/

56 Marc-Antoine Côté, entretien semi-dirigé, Québec, 25 juillet 2018 : À titre d’exemple, Marc-Antoine Côté

semble critiquer fortement la Belle-Gueule des Brasseurs RJ, une microbrasserie au sens de la loi, mais pas selon ses convictions personnelles : « Les premières [bières] de micro que j’ai pris c’était de la Belle-Gueule. Là c’est plus pareil, mais avant ça restait une petite brasserie, ce n’était pas une grosse affaire comme aujourd’hui. Là, ce n’est plus buvable; ça ne rejoint plus mes goûts, mettons. »

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savoir-faire brassicole, la tradition, les matières premières utilisées et l’historicité58 des produits industriels sont ainsi depuis quelques années mis de l’avant par leurs équipes marketing. Au début des années 2010, Molson Coors revampe par exemple l’image d’un de ses produits phares, la Molson EX, en vantant la rigueur avec laquelle elle est brassée « comme le voulait John Molson il y a plus de 200 ans. »59 Au même moment, ils lancent aussi la Molson M, un produit mettant de l’avant un procédé de micro-gazéification unique – on connaît l’histoire… – et dont le nom rappelle curieusement le nom de la Unibroue U, faisant ainsi écho à cette bière classique de la microbrasserie québécoise60. Même les produits « artisanaux » des grands brasseurs ne peuvent plus simplement compter sur leurs goûts, couleurs et textures plus variés. En témoigne par exemple cette publicité pour la Rickard’s Dark – brassée, rappelons-le, par Molson Coors – mettant l’accent sur le style traditionnel de la bière, un porter anglais, sur sa texture crémeuse et même sur l’utilisation de sirop d’érable québécois (illustration 1)61. Une bière brassée en quantité limitée il y a quelques années par Molson Coors consacre enfin la reconnaissance par les industriels de l’existence d’un sous- marché distinct dans lequel ces derniers peinent à faire leur place. Nommée Pale Ale John H.R. Molson & Bros. 1908 et arborant une étiquette des plus rétro, ce produit témoigne d’un véritable travaille d’archives de la part de Molson Coors qui se donne pour mission d’utiliser « différents malts, des houblons patrimoniaux et des techniques de fermentation centenaires » afin de recréer le plus fidèlement possible le goût de la bière qu’ils brassaient au début du 20e siècle62.

À partir de la fin des années 1980, une véritable frénésie s’empare ainsi des brasseurs industriels nord-américains désirant rapatrier des consommateurs toujours plus distants. Loin de se laisser déconcentrer par la beer war, les microbrasseries redoublent d’efforts afin de développer leur marché et faire sortir la bière artisanale du cercle d’initiés plutôt restreint qu’elle rejoint initialement. Leurs efforts sont toutefois ralentis par des structures législatives

58 Par historicité, je veux parler du caractère d’excellence et d’authenticité que l’existence de ces bières depuis

plusieurs dizaines d’années leur inculque.

59 Philippe Wouters, « Les microbrasseries, un phénomène de mode? », Bières et plaisirs, 2, 6 (2010), p. 4 60 Valérie Carbonneau, « André Dion, cofondateur de Unibroue : Rendez-vous avec la persévérance », Bières et plaisirs, 2, 4 (2010), p. 14

61 Publicité pour la Rickard’s Dark, Bières et plaisirs, 1, 5 (2009), p. 16

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peu efficaces ainsi que par la réticence palpable des institutions politiques et financières desquelles dépendent grandement leur développement.

D’incompréhension à valorisation : Institutions politiques et microbrasseries au Québec

En 2018, on affirme dans un rapport sur l’impact économique des microbrasseries au Québec que « la lourdeur administrative actuelle rend le secteur peu flexible et [que] le cadre général en place contribue à limiter sa créativité, notamment par rapport à de nouvelles options de mise en marché. »63 Historiquement, l’encadrement législatif autour des brasseries est en effet « orienté sur la restriction plutôt que sur le développement. »64 On pointe par exemple dans le rapport l’existence des deux permis dans l’industrie brassicole québécoise – le permis de brasseur et le permis de producteur artisanal de bière présentés plus tôt – dont les différences alourdissent les tâches quotidiennes des microbrasseries, entravent leur développement et nuisent aux consommateurs. Si cette réalité semble aujourd’hui contraignante, elle se révèle pourtant cruciale au démarrage de plusieurs microbrasseries à la fin des années 1980. À ce moment, Jérôme Denys, le fondateur de la brasserie artisanale du Cheval Blanc, est toujours propriétaire d’une taverne. Le permis de brasseur de l’époque nécessite toutefois que le brassage se fasse dans un local attenant au lieu de consommation. Disposant de ressources financières limitées et ne voulant pas déménager, il demande l’autorisation de brasser dans ses locaux. En s’appuyant sur l’existence d’un permis artisanal pour la production de cidre, le brasseur convainc alors la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) de mettre au point et de lui octroyer un second type de permis brassicole adapté aux petits producteurs désirant vendre sur place.65 Celui-ci tarde toutefois à arriver, si bien qu’à son ouverture, la nouvelle brasserie artisanale ne dispose toujours pas du précieux document : « Le jour venu, je n’ai toujours pas le permis et j’explique aux médias sur place que pour cette raison, je ne peux pas servir ma bière. Le lendemain matin, TVA et The Gazette diffusent la nouvelle ; en après-midi, je reçois le premier permis de brassage artisanal du Québec. »66 La situation exceptionnelle dans laquelle se trouve la RACJ peut à ce moment

63 Groupe DDM, op. cit., p. 94 64 Ibid., p. 95

65 David Sparrow, « Le Cheval Blanc : La taverne qui a révolutionné l’industrie brassicole au Québec » Bières et plaisirs, 4, 2 (2012), p. 14

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justifier la lenteur avec laquelle ils complètent le processus. Pourtant, près de dix ans et une trentaine d’émissions de permis plus tard, la situation ne semble toujours pas s’être améliorée. En 1995, quelques semaines avant l’ouverture de la microbrasserie Saint-Arnould, son propriétaire Serge Vidal doit composer avec une lourdeur toujours aussi contraignante du côté de la RACJ : « C’était Luc Desautels qui était à la RACJ et il était complètement débordé. [...] Ça faisait pas loin de deux ans qu’on travaillait le permis [de producteur artisanal], on avait commencé avant de construire. »67 Devant arriver par la poste quelques jours avant l’ouverture de la brasserie, mais étant retardéà la dernière minute, le document est finalement remis aux brasseurs le lendemain du lancement officiel. Malgré l’accumulation des demandes de permis, la RACJ semble en effet déterminée à faire respecter des normes qui ne s’appliquaient jusqu’à récemment qu’à une poignée de grands établissements industriels, ralentissant par le fait même les procédures : « Luc Desautels nous disait qu’il n'y avait pas assez d’inspecteurs, qu’il y avait trop de nouvelles brasseries68, qu’ils devaient nous inspecter pour qu’on respecte les normes, qu’on ne pouvait pas les suivre, qu’on était trop petit. »69 Si les changements soudains qu’entraîne inévitablement l’arrivée des microbrasseries dans les structures de la RACJ contribuent sans doute à son manque d’efficacité, la manière dont les autorités politiques perçoivent et appréhendent ces nouvelles entreprises semble aussi jouer en leur défaveur.

Vers la fin des années 1990, Serge Vidal entreprend l’expansion de sa microbrasserie en voulant notamment distribuer ses produits dans toute la région. Cette opération nécessite toutefois le second type de permis, le permis de brasseur, document que la RACJ semble réticente à lui remettre :

« Quand plus tard j’ai voulu mon permis industriel pour vendre à l’extérieur, ça, c’était un non catégorique, souligne Serge Vidal. J’avais un dossier ça d’épais, j’avais des lettres, des notes ; eux ne retournaient plus mes appels, ils ne retournaient plus mes lettres postées, ça allait mal! J’ai essayé d’aller là-bas pour les brasser un peu, mais ils m’ont dit qu’un permis industriel c’était dur à avoir, "On ne donne pas

67 Serge Vidal, entretien semi-dirigé, Saint-Jovite, 2 octobre 2018

68 Entre 1987 et 1996, près d’une trentaine de permis tous types confondus sont délivrés par la RACJ. 69 Serge Vidal, loc. cit.

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ça et vous ne pourrez pas respecter les normes" qu’ils disaient. Mais je ne les avais jamais vu ces normes-là! »70

Ce n’est seulement qu’après en avoir parlé avec le député Jacques Léonard, natif de Mont- Tremblant et alors président du Conseil du trésor sous le gouvernement péquiste, que son dossier avance enfin. Serge Vidal lui explique qu’il a besoin de ce permis non seulement pour développer son entreprise, mais aussi pour contribuer à la démocratisation des bières artisanales au Québec : « Je savais qu’on commençait et qu’on allait éventuellement se faire connaître mondialement. J’avais déjà remarqué que les gens qui s’y connaissaient étaient un peu plus marginaux, mais je voulais changer ça. […] Là, Jacques, il m’a catché et il m’a dit "Laisse-moi faire des téléphones..." »71 Serge Vidal apprend alors que le ministère de la Justice, aussi impliqué dans la distribution des permis, présente une posture réticente similaire à celle de la RACJ : « Ils avaient peur qu’on ne respecte pas nos engagements, qu’on vende n’importe comment. Ils nous disaient qu’on devait mettre nos bouteilles dans une salle séparée de celles pour la consommation sur place, clôturée, barrée. […] Et il y avait tellement plus de paperasse à faire, mais ce n’était pas grave, on devait le faire. »72 Par les efforts de Jacques Léonard et du Parti québécois, Serge Vidal obtient finalement son permis de brasseur le 12 avril 2000 et peut dès lors distribuer et faire connaître ses produits dans toute la région de Mont-Tremblant. Les autorités politiques provinciales commençaient alors à comprendre

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