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Partie 3 : Activité locomotrice‐like préservée chez les souris SOD1 G93A

Les réseaux spinaux sont le siège d’activités rythmiques générées par les CPGs localisés principalement au niveau lombaire pour les membres postérieurs (Butt et al., 2002). Ces activités rythmiques sont engagées lors d’épisodes moteurs tels que la locomotion ou le grattage. Au cours de la locomotion, une alternance est observée entre les réseaux moteurs commandant les membres droit et gauche. Cette alternance repose principalement sur des connections commissurales inhibitrices influençant les MNs (Kiehn, 2011). On peut donc penser que si ECl est modifié au niveau des MNs SOD1G93A et que ces mêmes MNs sont hyperexcitables de part leur morphologie, l’efficacité des informations commissurales inhibitrices sera diminuée et la relation de phase des épisodes locomoteurs sera altérée. Afin de vérifier cette hypothèse, nous avons réalisé des expériences d’électrophysiologie consistant à enregistrer des épisodes de locomotion fictive afin d’analyser la relation de phase au niveau des ME d’embryons WT et SOD1G93A au stade de développement E17,5.

1. Locomotion fictive induite par la 5-HT

Dans un premier temps, la locomotion fictive a été induite pharmacologiquement par application de 5-HT (5µM) connue pour activer les réseaux locomoteurs pendant la vie néonatale (Branchereau et al., 2000b) (Nishimaru and Kudo, 2000). Nous montrons que si la 5-HT est capable d’induire de la locomotion fictive stable au niveau de certaines ME E17,5 WT, elle s’avère inefficace au niveau des ME E17,5 SOD1G93A qui ne présentent que des épisodes de locomotion instable (alternance précaire). Il est intéressant de noter que les épisodes rythmiques ont une amplitude plus importante chez les embryons SOD1G93A que chez les embryons WT. Ces deux observations sont en accord avec un déficit dans les inhibitions commissurales et une hyperexcitabilité des MNs SOD1G93A. De plus, parmi les embryons SOD1G93A réalisant de la locomotion instable, un des embryons présente une

qui présentent une relation de phase en anti-phase. Cela pourrait s’expliquer par un problème d’activité inhibitrice qui n’existe plus, entrainant un excès d’informations excitatrices commissurales.

2. Locomotion fictive induite par un cocktail composé de 5-HT, NMDA et DA

Le souriceau ne présente pas de phénotype apparent ce qui laisse penser que ces activités locomotrices sont normales. Afin de mieux révéler les capacités locomotrices des réseaux spinaux chez l’embryon SOD1G93A E17,5, nous avons utilisé un cocktail (5-HT, NMDA, DA) connu dans la littérature comme ayant une efficacité maximale pour activer les CPGs à des stades post-nataux chez la souris (Whelan et al., 2000). En présence de ce cocktail, les ME SOD1G93A sont capables de générer des activités locomotrices fictives très stables comme les ME WT. Ce résultat est en accord avec l’absence de phénotype observé chez le souriceau SOD1G93A et permet de penser que des phénomènes de compensation puissants contrebalancent le déficit en inhibition et l’hyperexcitabilité.

3. Modification de la balance excitation/inhibition ?

La balance excitation/inhibition des informations que reçoit le MN peut être affectée au profit des inhibitions, pour compenser le manque d’efficacité des inhibitions au niveau des MNs. Une modification de cette balance est ainsi décrite à P90 chez la souris SOD1G93A au niveau de MNs de l’hypoglosse (MNs vulnérables) (Sunico et al., 2011). Afin de vérifier si les informations synaptiques excitatrices/inhibitrices sont altérées, nous avons enregistré les courants synaptiques excitateurs AMPA/Glutamate et inhibiteurs GABA/Glycine au niveau des MNs. Etonnamment, nos résultats ne montrent pas de différence significative en condition contrôle, en présence de 5-HT ou de cocktail entre les MNs WT et SOD1G93A. Ce résultat laisse à penser que si il existe un phénomène de compensation, ce n’est pas au niveau de la balance informations excitatrice/inhibitrice qu’il opère. Nos analyses des évènements

synaptiques ont été réalisées en absence d’activités rythmiques puisque la préparation in vitro utilisée (préparation ouverte sans méninge) est différente de celle permettant d’obtenir des activités locomotrices fictives (préparation intacte avec racines). Il est nécessaire de répéter cette analyse des évènements synaptiques lors d’épisodes rythmiques afin de mettre en évidence une compensation qui expliquerait la présence de locomotion fictive chez la souris SOD1G93A. Des expériences de simulations informatiques réalisées au laboratoire par Daniel Cattaert montrent qu’il est possible d’inhiber un MN spinal fictif présentent un ECl plus dépolarisé que la valeur standard si on augmente la fréquence des informations inhibitrices (correspondant aux informations GABA/Glycine) (Figure 40). De plus, nous avons montré qu’il y a une augmentation significative de décharge des évènements GABA/Glycine chez les embryons SOD1G93A en présence de 5-HT, NMDA et DA par rapport à la condition 5-HT (* p<0,05, Mann et Whitney) ce qui est en accord avec l’hypothèse que le MN ipsi-latéral reçoit un excès d’inhibition GABA/Glycine lorsque le MN controlatéral est activé, ceci pendant des épisodes de locomotion fictive.

Le MN SOD1G93A recevrait une densité de fibres GABA/Glycine identique au MN WT puisque les fréquences moyennes sont identiques (voir résultats). Le phénomène de compensation que nous envisageons serait plus lié à la modulation de la fréquence des informations inhibitrices (augmentation de la fréquence chez les souris SOD1G93A). Des marquages immunohistochimiques sont nécessaires pour quantifier la densité des afférences GABA/Glycine au niveau de la membrane cytoplasmique des MNs SOD1G93A. Ces marquages pourront être réalisés en combinaison avec des marquages de synapses sur des MNs Hb9-SOD1G93A. La densité des récepteurs GABA/Glycine devra aussi être analysée au niveau des MNs E17,5 ainsi que la densité des courants évoqués par des applications par pression de GABA et Glycine en électrophysiologie. Il a été en effet décrit que la densité des

diamètres > 28 µM) étudiés en cultures dissociées ce résultat n’étant pas retrouvé au niveau de MNs qualifiés de résistants (petits MNs diamètres <28 µM) (Chang and Martin, 2011).

Figure 40 : Simulation de l’effet de la fréquence de décharge des interneurones GABA sur la bascule Excitation/Inhibition. (A) Schéma des neurones simulés. Le neurone enregistré reçoit en permanence des PPSEs excitateurs en provenance d’un interneurone excitateur. Cette commande excitatrice produit une décharge du neurone enregistré (16Hz en moyenne). Après une seconde d’enregistrement, un interneurone GABA est activé soit à fréquence basse (15 Hz) soit à fréquence haute (50 Hz). A part la fréquence de décharge, les caractéristiques de la synapse GABA sont les mêmes dans les deux situations (ECl : -46 mV ; Tau de la synapse alpha : 20 ms ; gGABAmax : 8 nS). (B) Enregistrements (simulés) obtenus avec les deux conditions de décharge des interneurones GABA (basse fréquence (en haut) et haute fréquence (en bas). Alors qu’à basse fréquence, la synapse GABA est excitatrice (la décharge du neurone passe de 16 à 29,4 Hz), l’effet de la synapse GABA devient inhibiteur à haute fréquence (arrêt de la décharge du neurone enregistré). (C) Simulation de l’évolution de la dualité Excitation/Inhibition d’une synapse GABA en fonction de la conductance gGABAmax. Cette fois seule une synapse GABA est simulée sur un motoneurone de type E17,5 avec les caractéristiques suivantes : ECl :-46 mV ; tau synapse alpha : 20 ms ; potentiel de repos : -65 mV. La rhéobase (intensité minimale pour induire un PA) est mesurée tout au long de l’événement synaptique GABA. Lorsque la conductance gGABAmax est de 2 nS, la synapse GABA a surtout un effet excitateur (tracé de gauche) et seule une petite fraction de l’événement est inhibiteur (augmentation légère de la rhéobase, en rouge). Par contre lorsque gGABAmax est augmenté à 6,6 nS, une forte inhibition apparaît en début du PPS (en rouge sur l’enregistrement de droite).