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I. CHAPITRE 1: ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE

2. C OMMENT CREER DES REVETEMENTS POLYMERE SUPERHYDROPHOBES ?

2.2.2. Particules de silice colloïdale

La silice colloïdale est généralement synthétisée à partir du procédé Stöber93, lors d’une succession de réactions d’hydrolyse et de condensation d’alkoxydes de silicium en conditions basiques. Le plus courant des précurseurs utilisés est le tétraéthoxysilane (TEOS). En fonction des conditions de synthèse (température, temps, pH,…), différentes tailles de particules de silice sont obtenues, variant entre 10 et 1000 nm. De plus, la population de silice synthétisée est sphérique et monodisperse avec une variation de diamètre de moins de 5%. Par ailleurs, la présence de groupes silanol en surface des particules de silice colloïdale permet de réaliser de nombreuses modifications chimiques. Ces modifications peuvent être apportées pour différentes raisons : améliorer la compatibilité des particules dans le polymère (dispersion), améliorer la durabilité des revêtements en liant de façon covalente les particules à la matrice polymère ou modifier l’énergie de surface du revêtement. Actuellement, un large choix de silice colloïdale (diamètre, chimie de surface, milieu de suspension,…) est disponible commercialement, ce qui permet d’éviter les différentes étapes de synthèse de ces composés.

Différentes voies sont décrites dans la littérature pour développer des revêtements polymère (thermoplastiques ou thermodurcissables) superhydrophobes à partir de l’introduction de silice colloïdale. En effet, la rugosité peut être apportée par une ou deux populations de silice de diamètre différent, la faible énergie de surface peut être établie par le polymère, par la silice (à condition qu’elle soit modifiée) ou par une étape finale de modification de surface, et cela par un procédé de dépôt en une ou plusieurs étapes (revêtement mono- ou multi-couche). Quelques exemples, issus de la littérature, de revêtements polymère superhydrophobes incluant des particules de silice colloïdale et leurs stratégie de développement associées sont donnés dans le Tableau I-4 94–103. Dans la suite de cette partie, au vu de la diversité des stratégies, les exemples les plus différents vont être détaillés en distinguant les revêtements incluant une ou deux populations de silice colloïdale.

Tabl eau I-4 : E xe m pl es d e m at ér ia ux po lym èr e supe rh ydr op ho be s i nc luant de la s ili ce co llo ïdal e et le ur s str até gie s d e d év el op pe m en t a ss oci ée s 94 –103

2.2.2.1. Revêtements incluant une population de silice

Hsieh et al.94 ont développé des revêtements superhydrophobes monocouches à partir d’une matrice polyméthacrylate de perfluoroalkyle (PPFM), intrinsèquement hydrophobe, et de silice colloïdale de diamètre 20 nm non modifiée en surface. Les formulations sont composées d’une solution de PPFM dans l’eau distillée et dans lesquelles différents volumes d’une solution de silice colloïdale ont été introduits (rapports volumiques de 2:1, 1:1, 1:2), sans préciser les concentrations des solutions respectives. Ces formulations ont été mélangées puis déposées par spin-coating sur des wafers de silicium. Ensuite, une étape d’évaporation du solvant à 85°C sous vide pendant 2h a été réalisée. La morphologie de surface des revêtements finaux est donnée Figure I-35.

Figure I-35: Observations par microscopie électronique de la surface de revêtements polyméthacrylate de perfluoroalkyle méthacrylate élaborés par spin-coating à partir de formulations présentant différents rapports volumiques de solution de

polymère et de solution de silice colloïdale: (a) 2:1 et (b) 1:294

Les revêtements présentent une rugosité à l’échelle micrométrique, générée par l’empilement aléatoire des particules lors du dépôt, et une rugosité à l’échelle nanométrique, induite par les nanoparticules de silice. Une double-échelle de rugosité, à l’instar de la feuille de lotus, est donc établie à la surface de ces revêtements grâce à l’introduction de silice colloïdale. L’influence du rapport volumique entre la matrice PPFM et la silice colloïdale sur les propriétés de surface des revêtements finaux est résumée Tableau I-5.

Rapport volumique

PPFM/ silice colloïdale Rapport atomique F/Si θH2O (°) ΔθH2O (°) Rq (nm)

2:1 4,24 155,3 3 99,8

1:1 2,13 168,4 2 114,8

1:2 0,81 165,7 2 123,2

Tableau I-5: Rapport atomique entre le fluor et le silicium (XPS), angle de contact et hystérésis de mouillage avec l’eau et

paramètre de rugosité Rq (AFM) en fonction du rapport volumique entre la solution PFM et la solution de silice colloïdale94

L’augmentation de la concentration de silice colloïdale dans la matrice PPFM diminue la concentration de fluor en surface (rapport F/Si) et augmente la rugosité (Rq). Toutefois, les revêtements présentent tous un comportement superhydrophobe avec des angles de contact avec l’eau supérieurs à 150° et des hystérésis de mouillage inférieures à 10°. Différents couples composition de surface/rugosité permettent donc d’atteindre cette propriété. Des revêtements élaborés dans des conditions identiques mais incluant de la silice colloïdale d’un diamètre de 300 nm au lieu de 20 nm ont également conduit à la superhydrophobie95.

‡ Rq est la rugosité moyenne quadratique sur une longueur ou une surface d’évaluation

Jiang et al.96 ont, quant à eux, élaboré des revêtements superhydrophobes multicouches à partir d’une matrice polyuréthane (PU), hydrophile, et de silice colloïdale modifiée par des groupements triméthylsilyle (-Si(CH3)3), appelée TMS-SiO2 par la suite. En premier lieu, une solution de PU dans le DMF (10% en masse) a été déposée par spin-coating sur un substrat en verre puis le dépôt a été séché pendant 10 min à température ambiante. Ensuite, une solution de TMS-SiO2 dans le toluène (1-5% en masse) a été déposée par spin-coating sur le revêtement PU. Ces différentes étapes ont été répétées deux fois pour obtenir les revêtements finaux. Ce procédé est illustré Figure I-36.

Figure I-36: Illustration de la stratégie suivie par Jiang et al. pour développer des revêtements polymère superhydrophobes

multicouches incluant une taille de silice colloïdale96

Le PU est utilisé ici comme une couche adhésive entre les particules et le substrat. En effet, les particules déposées s’intègrent au revêtement grâce à la présence du toluène. Les propriétés de surface de ces revêtements sont reportées Figure I-37.

Figure I-37: (a) Évolution de l’angle de contact (CA) et de l’angle de glissement (SA) avec l’eau en fonction de la concentration de silice dans la solution de toluène et (b) observation par microscopie électronique de la surface d’un

revêtement PU avec une concentration de 3% en masse de silice dans la solution de toluène96

La superhydrophobie est obtenue à partir d’une concentration de silice de 2% en masse dans la solution de toluène. La morphologie de surface des revêtements montre une rugosité submicronique (100-200 nm) générée par l’agrégation des particules et une rugosité nanométrique apportée par les particules de silice. Puisque la morphologie de surface (i.e. rugosité) des revêtements est quasi-similaire pour toutes les concentrations de silice, l’augmentation de la concentration de silice dans la solution de toluène et donc dans les revêtements PU permet de diminuer leur énergie de surface, via sa modification de surface, et d’apporter la superhydrophobie.

2.2.2.2. Revêtements incluant deux populations de silice

Li et al.100 ont développé des revêtements polymère superhydrophobes monocouches à partir d’une matrice polymère fluorée et de deux populations de silice colloïdale de taille respective de 100 et 500 nm. Pour cela, une émulsion constituée de polysiloxane de perfluorobutyle fonctionnalisé par des groupements époxyde (PFBPSE) dans l’eau (50% en masse), stabilisée par un émulsifiant fonctionnalisé amine, a été préparée en premier lieu. Une combinaison de silice colloïdale de 100 et 500 nm, selon un rapport massique de 2:1, a été ensuite dispersée à différentes concentrations dans une solution eau/éthanol en présence de 3-aminopropyltriéthoxysilane à 60°C pendant 5h. Après l’étape de fonctionnalisation amine des particules de silice, l’émulsion de PFBPSE a été ajoutée à la solution puis l’ensemble a été mis sous agitation. Enfin, les formulations ont été déposées par immersion (dip-coating) sur des substrats en verre puis une étape de réticulation des revêtements, via les réactions d’addition époxy-amine, a été réalisée pendant 24h à température ambiante. Cette étape de réticulation a permis également de former des liaisons covalentes entre la silice modifiée amine et le réseau polymère. Une illustration du procédé d’élaboration des revêtements est reportée Figure I-38.

Figure I-38: Illustration de la stratégie suivie par Li et al. pour développer des revêtements polymère superhydrophobes

incluant deux tailles de silice colloïdale.100

La morphologie de surface des revêtements finaux a été étudiée et est donnée Figure I-39.

Figure I-39: Observations par microscopie électronique de la surface des revêtements PFBPSE incluant différentes concentrations en masse d’une combinaison de deux tailles de silice colloïdale (100 et 500 nm): (a) 0% et (b) 40% en

masse100

Alors que le revêtement n’incluant pas de silice colloïdale ne présente aucune texturation de surface particulière, le revêtement incluant 40% en masse de silice présente trois échelles de rugosité : i) d’une taille de 3-4 µm générée par l’agrégation des particules, ii) d’une taille de 500 nm et iii) d’une taille de 100 nm, ces deux dernières étant générées par les deux populations de silice colloïdale introduites.

Par ailleurs, les auteurs ont mis en évidence par spectroscopie infrarouge, en comparant les spectres obtenus par transmission et ATR, qu’un enrichissement important de la surface en groupements hydrophobes (siloxane et fluoré) se produisait durant l’élaboration des revêtements.

L’évolution de la rugosité et des propriétés de mouillabilité avec l’eau des revêtements PFBPSE sont données dans le Tableau I-6.

%mass. de silice θH2O (°) αH20 (°) Rq (nm) r

0 105 - - -

20 113 - 159,7 1,10

30 146 - 184 1,21

40 159 4 299 3,05

Tableau I-6: Évolution de l’angle de contact avec l’eau (θH20), de l’angle de glissement (αH2O) avec l’eau et des paramètres de

rugosité Rq et r (AFM) en fonction de la concentration de silice colloïdale dans les revêtements PFBPSE100

L’augmentation de la concentration de silice colloïdale (combinaison 100 et 500 nm de diamètre) augmente la rugosité des revêtements, indiquée par le paramètre Rq et r (rapport entre la surface développée et la surface projetée), notamment entre 30 et 40% en masse. Les auteurs ont montré, par imagerie AFM, une évolution importante de la morphologie de surface entre ces concentrations de silice (Figure I-40) : jusqu’à 30% en masse, seules les rugosités à l’échelle nanométrique sont établies (100 et 500 nm) alors qu’à partir de 40% en masse, une rugosité supplémentaire à l’échelle micrométrique apparaît (agrégation des particules).

Figure I-40: Topographie AFM de la surface des revêtements PFBPSE incluant (a) 20% en masse de silice et (b) 40% en masse

de silice100

L’augmentation de la rugosité associée à une faible énergie de surface conduit à l’augmentation des angles de contact avec l’eau en fonction de la concentration de silice colloïdale. En particulier, le revêtement incluant 40% en masse est superhydrophobe, avec un angle de contact avec l’eau supérieur à 150° et un angle de glissement de 4°. Ce résultat met en évidence le rôle majeur ici de la rugosité à l’échelle micrométrique pour apporter la superhydrophobie à ces matériaux. En effet, la double rugosité à l’échelle nanométrique établie par les deux populations de silice (100 et 500 nm de diamètre) n’est pas suffisante pour l’apporter.

Ming et al.102 ont développé des revêtements polymère superhydrophes multicouches à partir d’une matrice époxy-amine et de deux populations de particules de silice colloïdale de taille respective de 70 et 700 nm. Chacune de ces silices a été modifiée en surface respectivement par un alkoxysilane terminé par une fonction amine (3-aminopropyltriéthoxysilane) pour les silices de 70 nm et un alkoxysilane fonctionnalisé époxy (3-glycidoxypropyl triméthoxysilane) pour les silices de 700 nm. Après leur

fonctionnalisation de surface, les deux types de silice ont été mélangés en voie solvant (éthanol) pour que les silices de 70 nm se greffent de façon covalente aux silices de 700 nm, via les réactions époxy-amine, pour former des particules de type « framboise » (Figure I-43). Ensuite, une solution de prépolymère époxy et de durcisseur amine (présentant des fonctions époxyde en excès) dans le toluène a été déposée par enduction sur un substrat d’aluminium. Après réticulation partielle du revêtement époxy-amine à 75° pendant 2h, les particules de type « framboise » en solution dans l’éthanol sont déposées par enduction sur ce revêtement. D’une part, la réticulation partielle permet aux particules de s’intégrer au revêtement et d’autre part, l’excès de fonctions époxyde permet de former des liaisons covalentes entre le réseau polymère et les fonctions amine résiduelles portées par les particules de silice de diamètre 70 nm. Finalement, une modification de surface des revêtements a été réalisée à travers le greffage de deux types de PDMS, terminé époxyde ou amine, aptes à réagir sur les groupements résiduels époxyde et amine présents à la surface du revêtement (silices et réseau polymère). Un récapitulatif du procédé d’élaboration est donné Figure I-41.

Figure I-41: Procédé d’élaboration des revêtements époxy-amine incluant des particules de silice colloïdale de type

« framboise » (à gauche) et observation par MET des particules de silices colloïdale de type «framboise» (à droite) 102

Différents types de revêtements ont été élaborés par ce procédé, à savoir un revêtement n’incluant pas de silice, des revêtements incluant uniquement une population de silice (70 ou 700 nm) et un revêtement incluant les particules de type « framboise ». Cependant, l’étape finale de fonctionnalisation hydrophobe a été systématiquement réalisée. La morphologie de surface des revêtements incluant les particules de silice de diamètre 700 nm et de type framboise est donnée Figure I-42.

Figure I-42: Topographie AFM de la surface des revêtements époxy-amine incluant (a) une population de silice colloïdale de

Une structuration simple est observée à la surface du revêtement incluant une seule population de silice colloïdale (700 nm) alors qu’une structuration hiérarchisée est observée avec l’introduction de particules de type « framboise ». Ainsi, les particules de type « framboise » apportent une double-échelle de rugosité, de 100 et 700 nm, correspondant à la taille des particules de silice introduites. Les propriétés de mouillabilité avec l’eau et les paramètres de rugosité des différents revêtements élaborés dans ces travaux sont reportés dans le Tableau I-7.

Type de silice θH2O (°) ΔθH2O (°) Rq (nm) r

aucune 107° 40° - -

diamètre de 70 nm 148° 85° - -

diamètre de 700 nm 151° 57° 173 1,45

« framboise » 165° ≃ 2° 185 1,54

Tableau I-7: Angles de contact avec l’eau (θH2O), hystérésis de mouillage avec l’eau (ΔθH2O) et paramètres de rugosité Rq et r

des revêtements époxy-amine fonctionnalisés hydrophobe incluant différents types de silice colloïdale102

Les angles de contact avec l’eau augmentent avec l’introduction de silice colloïdale dans les revêtements époxy-amine. Des angles de contact supérieurs ou égaux à 150° sont observés pour chaque configuration (70 nm, 700 nm et « framboise »), initialement à 107°. Cependant, des hystérésis très élevées sont observées lors de l’introduction d’une seule population de silice. Cette forte adhésion liquide/solide est typique de l’état de Wenzel, décrit précédemment. Seul le revêtement incluant la silice de type « framboise » est superhydrophobe, avec une hystérésis inférieure à 10°. Pourtant, l’augmentation des paramètres de rugosité Rq et r n’est pas significative entre le revêtement incluant des particules de 700 nm et celui incluant les particules de type « framboise ». Selon les auteurs, la structuration multi-échelle de la surface permettrait la création de poches d’air sous le liquide et d’atteindre l’état de Cassie-Baxter. Ainsi, ces travaux montrent la nécessité ici de structurer les surfaces à deux échelles différentes pour obtenir la superhydrophobie.

D’autres travaux, basés sur le même concept (particule de type « framboise »), ont été menés par Tsai

et al.104. Ils ont étudié l’influence du diamètre des « petites » particules de silice (20, 35, 70 et 90 nm), assemblées sur des silices de diamètre 500 nm, sur les propriétés de mouillabilité des revêtements. Dans leur cas, ils ont montré que la superhydrophobie n’est atteinte que pour des diamètres de « petites » silice colloïdale inférieurs à 35 nm. Ces travaux montrent qu’en plus d’une double-échelle de rugosité, la morphologie de celle-ci est également importante.

2.2.2.3. Conclusions

De nombreuses stratégies existent pour obtenir des revêtements polymères superhydrophobes grâce à l’introduction de silice colloïdale, dont l’utilisation d’une ou deux populations de particules. Les différents travaux issus de la littérature montrent l’établissement d’une double échelle de rugosité, généralement à l’échelle micrométrique et nanométrique, structuration qui est nécessaire à l’obtention de la superhydrophobie. Cependant, une double rugosité à l’échelle nanométrique permet également d’accéder à la superhydrophobie pour peu que la morphologie de cette rugosité soit adaptée. Par ailleurs, nous avons vu que le caractère hydrophobe des revêtements peut être apporté soit par la silice, soit par le polymère.