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5. 8. Particularité des exotoxines superantigéniques

II. 5. 8. 1. Généralités

Peu d’agents pathogènes ont la capacité de produire des exotoxines superantigéniques (Proft and Fraser 2003). Vingt-et-une exotoxines superantigéniques staphylococciques ont été individualisées à ce jour (Dinges, Orwin et al. 2000; Holtfreter and Broker 2005; Thomas, Chou et al. 2007). Il s’agit de la

toxic shock syndrome toxin-1 (TSST-1 codée par le gène tst) et de 20 entérotoxines

(staphylococcal enterotoxin [SE] ou staphylococcal enterotoxin-like [SEl] lorsque la toxine ne possède pas de propriétés émétiques chez le singe) : SEA, SEB, SEC, SED, SEE, SEG, SEH, SEI, SElJ, SElK, SElL, SElM, SElN, SElO, SEP, SElQ, SElR, SElU, SElU2, SElV codées respectivement par les gènes sea, seb, sec, sed, see,

seg, seh, sei, selj, selk, sell, selm, seln, selo, sep, selq, selr, selu, selu2, selv

(Dinges, Orwin et al. 2000; Holtfreter and Broker 2005; Thomas, Chou et al. 2007). Ces toxines ont une sont composées de deux domaines adjacents (Domaine A et B) séparés par une hélice centrale (Figure 21) (Dinges, Orwin et al. 2000). La construction d’arbres phylogéniques basée sur l’alignement des séquences d’acides-aminés des exotoxines superantigéniques montre une ségrégation en trois groupes monophylétiques, plus la TSST-1 qui est isolée (Figure 21) (Thomas, Chou et al. 2007).

Figure X21. Aspect tridimensionnel de TSST-1 avec ses deux domaines, A et B, et son hélice

centrale (à gauche, d’après Dinges, Orwin et al. 2000). Arbre phylogénétique des exotoxines superantigéniques révélant une ségrégation en trois groupe des entérotoxines (à droite, d’après Thomas, Chou et al. 2007).

Les gènes codant les exotoxines superantigéniques sont tous localisés sur des

éléments génétiques mobiles (plasmides, prophages ou îlots de pathogénicité) (Holtfreter and Broker 2005). Le gène sea et le gène sep ont été détectés sur le bacteriophage PhiSa3, au niveau du même locus. Le gène see semble lui aussi localisé sur un phage, distinct de PhiSa3. Les gènes sed et sej sont localisés conjointement sur le plasmide pIB485 avec le gène bla qui code la résistance à la pénicilline. Le gène selr, récemment découvert, est localisé avec les gènes sed et sej sur pIB485 ou seulement avec sej sur un autre plasmide. Les gènes seg, sei, selm,

seln et selo sont regroupés sur un opéron dénommé egc pour enterotoxin gene cluster. Cet opéron est localisé sur un îlots de pathogénicité (SaPI ; Staphylococcus aureus Pathogenicity Islands) dénommé SaPI3 avec deux autres groupes de gènes

nommés serin protease gene cluster et leucocidin gene cluster (Holtfreter and Broker 2005). Les îlots de pathogénicité sont des segments d’ADN chromosomique de grande taille probablement d’origine phagique qui portent divers gènes de virulence dont au moins un gène codant une exotoxine superantigénique (Novick 2003). Cinq îlots de pathogénicité ont été décrits chez S. aureus (Figure 22) (Novick 2003; Holtfreter and Broker 2005). Quatre d’entre-eux appartiennent à la famille des TSST-1 islands et possèdent les gènes tst ou seb et sont associés à sec, sel, seq ou sek. Ces îlots de pathogénicité peuvent s’exciser et se répliquer de manière autonome (Novick 2003; Holtfreter and Broker 2005). Ils possèdent tous le gène int à une de leur extrémité qui code pour une intégrase nécessaire à l’intégration des TSST-1

Figure 22. Les Îlots de pathogénicité de S. aureus comportant des gènes codant des exotoxines

superantigéniques. En rouge, gène codant les exotoxines superantigéniques ; en jaune, gène de sérine protéase (spl) ; en bleu foncé, gène d’intégrase (int) ; en bleu clair, gène de terminase-like ; en blanc, cadre de lecture ouverts de fonction inconnus ; tnp, gène de transposase ; luk, gène de leucocidine. D’après Holtfreter and Broker 2005.

II. 5. 8. 2. Mécanisme d’action

Toutes ces protéines sont de puissants mitogènes, car contrairement à un antigène classique, elles ne sont ni internalisées, ni dégradées par la cellule présentatrice de l’antigène. Elles se fixent de manière conjointe, en dehors du site de présentation de l’antigène, sur la partie invariable du complexe majeur d’histocompatibilité de type II de la cellule présentatrice de l’antigène et sur la partie variable Vbeta du récepteur T des lymphocytes T. Alors qu’un antigène conventionnel active de manière spécifique 0,01% des lymphocytes T, quelques picogrammes d’un superantigène peuvent activer jusqu’à 40% d’entre eux (Figure 23) (Dinges, Orwin et al. 2000).

Figure 23. Activation lymphocytaire en présence d’un peptide antigénique (à gauche, après

internalisation de l’antigène, dégradation et présentation au récepteur T des lymphocytes T par le CMH II entraînant une activation clonale spécifique des lymphocytes T [de l’ordre de 0,01% des lymphocytes T]) et en présence d’un superantigène (à droite, fixation du superantigène sur le CMH II et conjointement sur certains Vbeta du récepteur T des lymphocytes T [ici le Vbeta 6] induisant une activation polyclonale Vbeta dépendante des lymphocytes T [jusqu’à 40% des lymphocytes T activés])

L’activation lymphocytaire est polyclonale, massive et entraîne une production excessive de cytokines pro-inflammatoires de type T helper-1 (Th-1) dont l’IFN-gamma, le TNF-alpha, l’IL-1beta et l’IL-6 (Dinges, Orwin et al. 2000).

II. 5. 8. 3. Signature Vbeta

Chaque exotoxine superantigénique fixe un ou plusieurs des 24 principaux Vbeta d’un individu. Ainsi, chacune d’entre-elle possède théoriquement « une signature Vbeta » caractéristique (Dinges, Orwin et al. 2000; Thomas, Chou et al. 2007). La signature Vbeta de chacune des exotoxines superantigéniques a été déterminée in

vitro (Tableau 1). TSST-1 a pour cible un seul Vbeta, le Vbeta 2, alors que les

entérotoxines ont la capacité de fixer plusieurs Vbeta, par exemple jusqu’à 13 Vbeta différents pour SEA (Choi, Lafferty et al. 1990; Holtfreter and Broker 2005; Lavoie, Dumont et al. 2005; Llewelyn, Sriskandan et al. 2006). Comme aucune des entérotoxines ne peut fixer le Vbeta 2, celui-ci est spécifique de TSST-1. Par contre, aucun Vbeta n’est spécifique d’une entérotoxine, puisqu’un Vbeta ciblé par une

entérotoxine (par exemple Vbeta 14 ciblé par SEB) peut l’être également par une autre (SEC, SEG, SElR, SElU2) (Jarraud, Peyrat et al. 2001; Holtfreter and Broker 2005; Llewelyn, Sriskandan et al. 2006). De plus, selon certains auteurs, les différents Vbeta composant une signature d’une entérotoxine peuvent être considérés comme des Vbeta majeurs ou des Vbeta mineurs, selon l’intensité de leur expansion induite par l’exotoxine superantigénique en question (Holtfreter and Broker 2005; Thomas, Chou et al. 2007). Par exemple, SElN induit une prolifération massive des lymphocytes T positifs pour le Vbeta 9, qui est un Vbeta majeur pour cette toxine alors que SElO n’induit qu’une prolifération minime et inconstante des lymphocytes T positifs pour le Vbeta 9, qui est un Vbeta mineur pour cette toxine (Holtfreter and Broker 2005).

Exotoxines superantigéniq

ues Signature Vbeta obtenue in vitro Références

TSST-1 2 (Choi et al. 1990; Holtfreter et al. 2005; Lavoie et al. 2005) SEA 1, 5.1, 5.2, 5.3, 6.4, 7.2, 8, 9, 16, 18, 21.3, 22, 23 (Holtfreter and Broker 2005; Llewelyn, Sriskandan et al. 2006) SEB 3, 6.4, 12, 13.2, 14, 15, 17, 20 (Holtfreter and Broker 2005; Llewelyn, Sriskandan et al. 2006) SEC 3, 6.4, 12, 13.2, 14, 15, 17, 20 (Deringer, Ely et al. 1997; Holtfreter and Broker 2005) SED 1, 5.3, 6.9, 7.4, 8, 12 (Holtfreter and Broker 2005)

SEJ ND

SEE 5.1, 6.3, 6.4, 6.7, 6.9, 8, 16, 18, 21.3 (Hudson, Robinson et al. 1993; Lamphear, Mollick et al. 1996)

egc locus

SEG 3, 12, 13.1, 13.2, 13.6, 14, 15 (Jarraud, Peyrat et al. 2001; Holtfreter and Broker 2005) SEI 1, 5.1, 5.2, 5.3, 6, 23 (Jarraud, Peyrat et al. 2001; Holtfreter and Broker 2005) SElM 5.1, 5.2, 5.3, 6, 18, 21.3, 23 (Jarraud, Peyrat et al. 2001; Holtfreter and Broker 2005) SElN 5.1, 5.2, 5.3, 9 (Jarraud, Peyrat et al. 2001; Holtfreter and Broker 2005) SElO 5.1, 7.1, 9 (Jarraud, Peyrat et al. 2001; Holtfreter and Broker 2005)

SHE ND

SElP 5.1, 6, 8, 16, 18, 21.3 (Omoe, Imanishi et al. 2005) SElK 5.1, 5.2, 6.7 (Holtfreter and Broker 2005)

SElQ 2, 5.1, 5.2, 6.7, 21.3 (Orwin, Leung et al. 2002; Holtfreter and Broker 2005) SElL 5.1, 5.2, 6.7, 7, 9, 16, 22 (Orwin, Fitzgerald et al. 2003; Holtfreter and Broker 2005) SElR 3, 11, 12, 13.2, 14 (Omoe, Imanishi et al. 2004; Holtfreter and Broker 2005)

SElU ND

SElU2 13.2, 14 (Thomas, Jarraud et al. 2006) SElV 6, 18, 21 (Thomas, Jarraud et al. 2006)

Tableau 1. Signature Vbeta de chacune des exotoxines superantigéniques de S. aureus déterminées

II. 6. Infections graves à S. aureus et implication des facteurs de virulence