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I.2.1 La participation : évolution d’une pratique au cœur de l’urbanisme

Depuis que j’ai commencé à m’intéresser à la frugalité, j’ai remarqué que la notion de participation occupait une place de choix dans les multiples projets frugaux que j’ai pu observer et étudier. Si elle n’est pas toujours mise en avant au premier coup d’œil, elle reste tout de même présente et occupe une place importante dans les divers projets.

La participation dans les projets urbains, de quoi parle-t-on ?

Avant d’essayer de comprendre comment cette notion a émergé, il convient de la définir. En effet, c’est un terme qui, de nos jours, est récurent et ce, surtout dans nos métiers, néanmoins son sens n’est pas forcément évident. Pour Luc Carton, philosophe belge et chargé de mission auprès de la Direction générale de la Culture du Ministère de la Communauté française en Belgique, le mot participation ne veut aujourd’hui plus rien dire car celui-ci signifie bien trop de choses à la fois. « Souvenons-nous des fascismes mussoliniens et franquistes qui, eux-mêmes, reposaient sur des formes de participation « corporatiste » dont il ne saurait être question aujourd’hui »23. C’est un

mot qui est aujourd’hui devenu, pour lui, trop vague et qui de part ses usages, anciens

[21] Définition tirée du site internet de l’Assemblé des Communautés de France (AdCF) disponible

sur : www.adcf.org

[22] Définition tirée du site internet du ministère de la transition écologique et solidaire disponible

sur : www.ecologique-solidaire.gouv.fr

[23] Citation tirée d’un entretien présent dans le document « Le cahier du Pavé #2 : La participation »

La frugalité : émergence d’une notion et d’un triptyque <

ou actuels, abrite de nombreuses pratiques aussi diverses que contradictoires.

Mon travail portant sur des thématiques en lien avec les métiers de l’aménagement et donc l’urbanisme, il semble judicieux de se tourner vers les définitions de la participation en lien avec la ville. En effet, si l’on se penche sur l’histoire des villes, on s’aperçoit que les notions de participation et de démocratie apparaissent de façon récurrente. Déjà, pour les philosophes Grecs, l’Homme ne pouvait devenir Homme qu’en s’impliquant dans la vie de la cité et en l’administrant avec ses pairs. Néanmoins, l’histoire a montré que les liens entre urbanisme et participation n’ont pas toujours été évidents, et peuvent même « sembler deux pratiques antinomiques » (ZETLAOUI-LEGER, 2013) si

l’on observe comment l’urbanisme s’est constitué en tant que pratique réservée aux techniciens et à l’état. Il faut donc comprendre quels sont les liens entre urbanisme et participation. Pour cela, certains auteurs ont fait apparaître la notion d’urbanisme participatif. Cette dernière peut avoir deux sens selon Jodelle ZETLAOUI-LEGER. Le

premier : « Démarche de fabrication ou d’aménagement d’espaces habités donnant lieu à un partage (coproduction, codécision) voire à un transfert de responsabilité (autopromotion, autogestion) vis-à-vis d’habitants spontanément mobilisés ou largement sollicités ». Le second : « Générique, désigne toute pratique de fabrication ou d’aménagement d’espaces habités associant des habitants, quel que soit le niveau de cette implication  ». C’est principalement ce deuxième sens, plus générique, qui

permet de mieux comprendre ce qu’est l’urbanisme participatif et ce qu’il implique. Les démarches top-down et bottum-up, deux formes participatives différentes.

Pour l’urbanisme, l’implication des habitants dans les projets répond de manière générale à deux logiques différentes et parfois complémentaires communément appelées le bottom-up et le top-down.

La première répond à une démarche ascendante, c’est-à-dire une démarche qui vient du bas vers le haut, des citoyens vers les décideurs. Lorsque la participation répond à cette logique, elle peut prendre alors la forme « d’une revendication citoyenne, d’une manifestation, d’un rassemblement de citoyens pour défendre leur intérêt ». (HURARD,

2011 p.11)

La seconde démarche, celle du top-down, suit le principe d’une démarche descendante, c’est-à-dire que les décideurs politiques ou les personnes en charge du projet mettent en place un processus qui vise à faire participer les citoyens en mettant en œuvre divers modes participatifs et divers outils. Cette démarche est caractérisée de descendante car les idées, les choix, et le cadre de la participation portent sur des orientations définies en amont.

Par ailleurs, il est important de souligner l’une des spécificités de l’urbanisme participatif : la diversité des actions possibles. En effet, « la participation citoyenne est

caractérisée par la diversité : de ses formes, des acteurs, des échelons territoriaux, ou encore des degrés de participation » (HURARD, 2011 p.4). Pour ce qui est des échelons

territoriaux et des acteurs, il est compliqué voire impossible d’en réaliser une liste exhaustive. Chaque projet étant unique, l’organisation de la participation dépend alors des spécificités de ces derniers et des personnes voulant s’y impliquer et/ou étant invitées à s’impliquer. Pour ce qui est des formes, là aussi elles sont très nombreuses. L’ancienne Scop (société coopérative) du Pavé, aujourd’hui dissoute24, a rédigé un

cahier ayant pour thème la participation. Le point fort de ce cahier repose sur la multitude d’approches, de conseils, de méthodes et de savoir-faire sur la participation dans les projets d’aménagement qui sont réunis et développés. Quant à lui, Philippe Verdier, dans son livre « Le projet urbain participatif : apprendre à faire la ville avec ses habitants », questionne avec justesse le côté inquiétant de ce foisonnement. « On se demande si toutes les expériences, méthodes et théories développées ont été vraiment cumulatives, si l’on ne réinvente pas l’eau chaude ». (VERDIER, 2009).

De la manipulation à la co-construction : une participation très différente. Enfin, un dernier point important

est celui des degrés de participation. Ces derniers peuvent être regroupés en diverses catégories et c’est ce que s’est attelée à faire Sherry Arnstein en 1969 avec la publication de son « Échelle de la participation ».

Cette dernière «  déplorait surtout la faible portée des dispositifs participatifs utilisés dans les années 1960 […] Elle en appelait à des participations plus axées sur le partenariat, la délégation de pouvoir et le contrôle par les citoyens »25.

A Chaque catégorie est associé un certain nombre de pouvoirs dont dispose les participants. Cette échelle permet de

connaître le poids des participants en fonction de l’échelon dans lequel il se situe. Elle distingue 8 échelons. En 2014, l’association internationale pour la participation

[24] La SCOP à l’origine du Cahier du Pavé #2 : La participation, a été dissoute en 2014 pour former

deux nouvelles structures : Le Contrepied et La Trouvaille.

[25] Cette citation reprend les termes de l’association internationale pour la participation du public

qui évoque les dires de S.Arnstein.

Illustration 4 - Échelle de la participation par S. Arnstein

La frugalité : émergence d’une notion et d’un triptyque <

du public s’est basée sur les travaux de S. Arnstein pour publier son «  Spectrum –