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Partage d'informations et performance du mar ché

Les accords d'échange d'informations de type "tout ou rien"

1.4 Partage d'informations et performance du mar ché

Etudions désormais l'impact des accords de partages d'informations sur la qualité du marché financier considéré. Plusieurs critères rendent compte des performances d'un marché financier: (i) l'efficience informationnelle des prix mesurée par Var(v 1p); (ii) la

volatilité des prix mesurée par Var(v - p); (iii) la liquidité du marché mesurée ici par la profondeur du marché

>.-1

et (iv) une mesure des coüts de transaction moyens supportés par les investisseurs demandeurs de liquidité (c'est-à-dire, leur perte attendue mesurée par E

(x

(p -

v»).

Proposition 3 : Les prix de marché sont plus informatifs (Var( v 1p) est plus faible) et

plus stables (Var(v - p) diminue) dès que les deux spéculateurs partagent leurs informa- tions privées.

L'intuition de ce résultat est immédiate. En effet, lorsque les spéculateurs B et S mettent en commun leurs informations, le nombre de spéculateurs traitant sur l'infor- mation fondamentale augmente, ce qui résulte en un flux d'ordres agrégés plus informa- tif. C'est la raison pour laquelle les prix incorporent plus d'information fondamentale et forment des estimateurs plus précis de la valeur finale de l'actif risqué. L'échange infor- mationnel contribue donc à améliorer la découverte des prix.

Examinons désormais l'impact d'un partage d'informations sur la profondeur du mar- ché. Comme en fait état le Lemme 2 , la profondeur du marché se dégrade plus le spécula- teur B transmet une information non fondamentale précise (effet d'aspiration des ordres non informatifs), alors que la profondeur du marché s'améliore plus le spéculateur S ré- vèle une information fondamentale de qualité. Par conséquent, il est difficile de connaître l'impact total d'un partage d'informations sur la profondeur du marché (positif ou négatif suivant que l'effet d'aspiration domine ou non). Le partage d'informations ne survenant que pour un ensemble donné des paramètres, il se pourrait que pour cet ensemble là, l'effet d'aspiration soit tout le temps exclusivement dominé ou dominant. Or, comme nous le montrent les Exemples 2 et 3, ce n'est pas le cas. En effet, dans ces exemples, le couple

(O"~,O"~) est tel que (i) partager les informations privées est profitable conjointement pour

les spéculateurs B et S, (ü) ce partage d'informations détériore la profondeur du marché (Exemple 2) ou l'améliore (Exemple 3). En fait, il est difficile de connaître l'ensemble des paramètres pour lequel le partage d'informations joue positivement (ou négativement) sur la profondeur de marché. Seul le cas où le partage d'informations est de type "tout ou rien" nous permet d'obtenir quelques intuitions sur cet ensemble de paramètres. Pour analyser ces intuitions, définissons

2* 1- h2 (N)

0"0 (N)

=

8h2 (N) _ 3

<

1,

avec h2 (N) = 2 (N

+

2) JNj3(N

+

1)v'N

+

1

<

1.

Proposition 4 : Un accord de partage informationnel total améliore la profondeur du

marché si et seulement si le volume des ordres non intermédiés par le spéculateur B est suffisamment large :O"~ ~ O"~*(N).

Par conséquent, un partage total des informations n'améliore la profondeur du marché que si la part des ordres passés par les investisseurs non informés auprès du spéculateur B n'est pas trop élevée ((7~ ::;1 - O"~*(N». Rappelons que pour qu'un équilibre de partage informationnel total existe, il faut que O"~soit supérieure àla valeur seuil ~ (N). La Figure 1.2 illustre la courbe de O"~*(N) (traits en pointillés) lorsque le nombre de spéculateurs fondamentaux N augmente. Comme on peut le remarquer, il existe des valeurs de O"~ et de N telles qu'un partage total des informations survient et altère la liquidité du marché (toutes les valeurs comprises entre la courbe en pointillés et celle en trait plein située en-dessous)19. On note que la profondeur du marché est ici liée à la fourchette affichée

[Kyle (1985), Madhavan (1996)]. Effectivement, un ordre d'achat de taille qdécale les prix de transaction àla hausse de Àq, tandis qu'un ordre de vente les décale àla baisse de Àq. Par conséquent, l'écart

s (q) =p (q) - p (-q) =2Àq

19Lorsque N devient grand, la distance 100g*(N) - ~ (N)I devient très faible mais est toujours stric-

tement différente de zéro. En conséquence, même pour de très grandes valeurs de N, il existe des valeurs de O'g telles qu'un partage total des informations existe et dégrade la profondeur du marché.

peut être interprété comme étant la fourchette des prix de transaction pour un ordre de taille q. Cette fourchette s'élargit avec À. Par conséquent, l'impact des partages d'infor-

mations sur la taille de la fourchette de prix est ambigu.

Enfin, analysons les effets du partage informationnel sur les coüts de transaction sup- portés par l'ensemble des investisseurs non informés, notés CT. Les coüts de transaction moyens s'élèvent à :

E (CT)

=

E (x (p - v))

=

E (XB (p - v))

+

E (xo (p - v)).

En utilisant le Lemme 1, nous pouvons écrire que

et

E (xo (p - v)) =ÀU~.

En conséquence, on peut encore noter que

9 (u~)

=

(2ut+3u~)

/6

(ut

+u~).

Ce ratio

9 (u~)

est croissant en

u~.

Cela signifie

que si le partage d'informations améliore la liquidité du marché, il diminue également les coüts de transaction supportés par l'ensemble des investisseurs non informés : (1) ceux plaçant leurs ordres auprès du spéculateur B et (2) ceux passant leurs ordres sans faire appel à B. Ainsi, lorqu'il y a partage d'informations total, cette situation survient dès

que

u5

E [~(N)

,0'5

(N)].

Lorsque le partage d'informations dégrade la profondeur du marché (augmentation de À), l'impact sur les coüts de transaction espérés par les investisseurs non informés est moins évident. D'une part, la détérioration de la liquidité du marché tend à augmenter les coüts de transaction attendus (intuitivement, la fourchette de prix est plus large). D'autre part, l'échange informationnel accroit la concurrence entre les spéculateurs (ici

B et S) dont les ordres satisfont en partie les besoins de liquidité des investisseurs non

informés. L'échange informationnel réduit donc l'impact en prix des ordres passés par ces investisseurs non informés. En fait, la proposition suivante montre que cet effet de concurrence domine l'effet de dégradation de la liquidité du marché.

Proposition 5 : Les co-o.tsde tmnsaction espérés par les investisseurs non informés sont

toujours plus faibles s'il y a échange d'informations.

Le jeu d'échange est un jeu à somme nulle dans ce modèle (comme dans Kyle (1985), par exemple). Par conséquent, les coüts de transaction attendus par les investisseurs non informés sont exactement égaux àla somme des profits espérés par les spéculateurs. Soit

IIa(O"~, O"~,N), les profits espérés agrégés des spéculateurs. Alors,

IIi(O"~, O"~,N) est le profit espéré par un spéculateur fondamental qui ne fait pas partie

de la ligue informationnelle. En fait, le partage informationnel provoque une diminu- tion des profits agrégés des spéculateurs (rra) et une augmentation de ceux de la ligue

(IIS

+rrB),

condition nécessaire de l'existence du partage informationnel. Par conséquent,

la baisse des coüts de transaction espérés des investisseurs extérieurs et l'augmentation concommitante des profits des spéculateurs B et S sont possibles car l'augmentation des profits de la ligue se réalise au détriment des profits des spéculateurs qui en sont exclus, i = {2, ..., N}. Cet effet ne peut donc pas survenir si le spéculateur S est en monopole

(N

=

1). On peut même montrer que dans ce cas précis, il n'existe aucune valeur des paramètres pour lesquelles un partage informationnel entre B et S pourrait survenir.

Les résultats de cette section montrent que l'autorisation donnée aux participants de partager leurs informations peut améliorer la découverte et la stabilité des prix de transaction et favorise la concurrence entre spéculateurs, ce qui résulte en une baisse des coüts de transaction espérés par les investisseurs extérieurs non informés. Dans notre cadre, favoriser les partages d'informations entre opérateurs permet donc d'améliorer la performance du marché.

En conclusion de cette section, nous mentionnons que nous ne sommes pas en mesure de déterminer si une structure d" échange autorisant les partages d'informations se révèle optimale pour les investisseurs non informés. En effet, la demande des investisseurs non informés étant une variable aléatoire exogène, on ne peut étudier l'impact des partages d'informations que sur les coûts moyens de transaction. Si l'on endogénéisait la demande des investisseurs non informés en les supposant averses vis-à-vis du risque et concurren- tiels [Batthacharya et Spiegel (1991)] ou stratégiques [Spiegel et Subrahmanyam (1992)], la baisse des coûts de transaction provoquée par une exacerbation de la concurrence entre spéculateurs fondamentaux ne garantirait pas que le partage d'informations s'avère socia- lement optimal. En effet, Spiegel et Subrahmanyam montrent qu'une augmentation de la concurrence entraîne, dans ce cadre, une instabilité des prix de transactions au détriment du bien-être des investisseurs non informés.

1.5

Conclusion

Cet essai traite des partages d'informations pouvant survenir entre deux spéculateurs différemment informés, avant que ceux-ci ne transmettent leurs ordres au marché. Plus précisément, cet essai montre qu'il peut être optimal pour un spéculateur détenant une information sur la valeur de l'actif risqué d'échanger cette dernière contre une information non fondamentale (concernant ici des chocs de liquidité affectant transitoirement les prix) qui est détenue par un des spéculateurs concurrents. L'existence de tels accords de partage d'informations a un impact sur la qualité du marché. On montre que, de manière non équivoque, les échanges informationnels facilitent la découverte des prix et contribuent à une plus grande stabilité des prix de transaction. Les investisseurs extérieurs non informés bénéficient également de ces partages d'informations puisque cela réduit en moyenne leurs collts de transaction. En revanche, les accords de partage informationnel ont des effets plus ambigus sur la liquidité et la fourchette de prix du marché.

Notre étude suggère cependant qu'il peut s'avérer intéressant - en termes de perfor- mance des marchés - de créer des plates-formes de négociation qui permettent aux- par- ticipants de partager leurs informations privées entre eux. Etant donnée la prolifération

des systèmes d'échange électroniques sur les marchés d'actions, ce résultat suggère donc que les systèmes devraient inclure des moyens de communication bilatérale, comme les systèmes Reuters Dealing (2000-1 ou 2000-2) sur le marché des changes au comptant20•

2°Reuters Dealing 2000-1 et 2000-2 permettent aux teneurs de marché de communiquer