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4. Résultats et Analyses

4.2.2. Observations et analyses (Alessia)

4.2.2.7. Partage avec la maman

4.2.2.7. Partage avec la maman

Il me semble pertinent d’aborder la relation qui s’est instaurée entre moi et la mère de Alessia au cours de ces huit observations. Dès la première observation, j’ai comme l’impression qu’elle veut partager avec moi ses propres observations, mettre en lumière ce que je ne peux pas voir en dehors de nos rencontres, et cela de manière plus fréquente qu’auparavant. Comme si le fait d’observer pouvait aider la mère à s’identifier dans cette fonction observante. Cela, à mon avis peut jouer un rôle dans l’établissement d’une relation de partenariat, qui est essentiel quand on travaille au SEI.

Obs. 1 p. 5 :

« A ce moment Sa maman me raconte une petite anecdote qui s’est passé la veille à la salle de bain. Pendant qu’elle lui mettait la crème, Alessia jouait avec le pot de crème et son capuchon. Elle essayait de mettre le capuchon sur la crème pour la fermer ; c’est tout nouveau pour Alessia. Sa maman semblait être très fière ! »

Lors de la deuxième observation, on peut comprendre comment la maman utilise ce temps pour « penser ». J’ai comme la sensation qu’elle réfléchit sur son enfant pour ensuite me donner les informations recueillies. Ce qui me permet de connaître mieux Alessia et de saisir mieux son fonctionnement.

Obs. 2, p. 1 :

« Sa maman me raconte que dernièrement Alessia quand il y a une situation qui lui déplaît, pour montrer son mécontentement, elle se passe la main sur le visage en tirant la peau vers le bas, « Comme pour me montrer des larmes qui tombent ! Et là je comprends que ce qu’on est en train de faire ne lui plaît plus ! ». Elle me dit que c’est nouveau et qu’elle le fait souvent. » Obs. 2 p. 2 :

« Sa maman me dit : « Il y a une autre chose qui m’est venue… L’autre jour nous avons réussi à lui donner la cuillère en main et elle a essayé une ou deux fois de la porter à la bouche ! Normalement elle fait comme là, elle lance le contenu de la cuillère derrière elle et puis il y en a partout ! Mais cette fois elle a fait le geste de la porter à la bouche ». Alessia continue à manipuler les pâtes pendant qu’on discute. »

Obs. 2 p. 3 :

« Elle me regarde, puis regarde la bouteille qui va en haut puis en bas. Elle la suit avec le regard. Puis, quand la bouteille est en haut, elle soulève les deux bras pour l’attraper. Quand je la déplace vers le bas elle l’attrape. Et à nouveau elle la met dans la bouche. Elle en prend une dans chaque main et les secoue. Sa maman à ce moment me dit « Elle commence à avoir plus de force dans les mains, elle arrive à tenir mieux les objets ! », puis elle me raconte la façon dont elle arrive à tenir son biberon. Elle n’arrive encore pas à le soulever pour boire, mais elle arrive à le tenir dans sa main et l’apporter à sa bouche. Alessia continue à mettre dans sa bouche les bouteilles. Je continue à discuter avec sa maman, qui me raconte qu’elle a l’impression que Alessia commence à ressentir l’absence de son papa quand il part.»

Je ne pourrais pas dire avec certitude si c’est grâce à l’observation que la maman et moi sommes en train de construire une relation de confiance, de partage et de collaboration. D’autres composantes entrent sûrement en jeu. Cependant, c’est à ce moment que la relation a évolué et que j’ai pu me rendre compte de l’importance de nos échanges au cours de la séance. Je pense qu’il a été en tout cas un élément qui a accéléré et a favorisé l’établissement de ce genre de relation.

Obs. 4, p. 2 :

« Je débute la chanson : « par la fenêtre ouverte bonjour…bonjour… (…) Bonjour Alessia… ». Cette foie elle se retourne avant que je dise « bonjour maman », vers elle, comme si elle anticipait ce qui allait se passer. Elle lui fait un grand sourire et sa maman lui fait un geste avec la main pour la saluer, elle retourne la main vers elle et ferme et ouvre ses doigt en disant : « Hallo Alessia !!! ». Alessia la fixe un moment, puis soulève sa main et imite le geste. Je ne l’avais jamais vue faire ça. Je fais un grand sourire et je dis : « Oui, bonjour maman !! ». Je continue la chanson, c’est mon tour « …bonjour Valentina… », Alessia se retourne vers moi, me regarde comme pour attendre quelque chose. Alors je fais le même geste de sa maman et encore une fois Alessia l’imite. Je dis « Bonjour Alessia ! ». La chanson est terminée et la maman a remarqué ma surprise en voyant l’imitation de ce geste et elle me dit : « Vous avez vu ? Elle imite beaucoup plus ces derniers temps ! ». Je réponds que oui, j’ai vu… que c’est la première fois qu’elle le fait devant moi. Puis la maman me dit : « Vous savez ce qu’elle fait aussi de nouveau ? Elle caresse tout gentiment les cheveux, comme pour faire un câlin. Elle tire moins les cheveux… même si elle les tire encore parfois !! » et rigole. »

La fonction observante que la maman s’est appropriée nous a permis non seulement de construire une relation de partenariat et de partage importante, mais lui a permis aussi de se faire confiance en ce qu’elle pouvait observer, ressentir et comprendre. A mon avis le fait de pouvoir partager cela avec l’observatrice, de verbaliser, l’a aidée à investir le développement psychique de Alessia, de lui prêter plus d’attention et par là de faire confiance à ses capacités à contenir les projections de sa fille. Nous faisons l’hypothèse que cette attention à la communication non verbale de Alessia, à son état interne projeté à l’extérieur devient un outil important pour les parents qui persévèrent dans la compréhension de ses besoins et ses envies. Ce qui leur permet d’y répondre :

Obs. 6 p. 8 :

« A un certain moment je l’entends « râler ». Elle est debout entre les jambes de sa maman et allonge une main vers le biberon. Je ne comprends pas tout de suite ce qu’elle veut… « Elle veut encore boire ! » me dit la maman qui devine ce que je pense ! « Ahh ! Mais oui ! Les mots ne sont pas encore là, mais elle sait très bien se faire comprendre ! » je lui dis. « Ah, oui ça c’est sûr… » dit-elle en rigolant. Nous discutons brièvement de comment elle commence très clairement à s’affirmer et sa maman me raconte que maintenant elle ne veut plus du tout manger avec la cuillère, mais seulement avec une fourchette. Plus question d’utiliser la cuillère. Elle insiste jusqu’à ce que elle obtient se qu’elle veut. La première fois la maman a eu de la peine à comprendre ce qu’elle voulait et Alessia n’a pas lâché, même si elle avait très faim ! »

Pour citer Williams (1998) : « Très souvent, la présence régulière et attentive d’un observateur stimule l’intérêt des parents pour les détails du développement de leur nourrisson. ». Comme je l’ai indiqué auparavant, dès le début des observations j’ai eu une forte sensation que la maman a pu rapidement s’appuyer sur cette fonction observante pour développer ses propres aptitudes d’observation. C’est comme si offrir une fonction contenante à l’enfant permettait en même temps de l’offrir aussi au parent qui est présent lors de la séance SEI et qui partage ce moment avec la pédagogue-observatrice et son enfant. Cela crée un espace sécurisé où l’on peut penser et réfléchir qui peut se rapprocher de l’état de rêverie maternelle, où la mère contient et métabolise les projections de l’enfant. L’hypothèse qui découle de cette analyse est que l’observatrice offre autant à l’enfant qu’à la mère une fonction contenante.