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Dans le cadre de cette recherche nous voulons adapter la méthode d’observation Bick-Tavistock à une situation que nous suivons déjà à domicile, en tant que pédagogues en éducation précoce spécialisée dans le cadre du SEI. La recherche se définit en tant qu’étude de deux cas uniques de type qualitative. D’un point de vue théorique l’étude de cas se définit comme étant un objet, une situation, un événement constituant une unité d’analyse (Leplat, 2002). L’auteur inscrit cette unité dans un contexte qui ne peut pas être négligé et il la considère comme une partie découpée de la réalité. Hamel (1997) souligne aussi ce point en déclarant que : « l’étude de cas consiste donc à rapporter un événement à son contexte et à le considérer sous cet aspect pour voir comment il s’y manifeste et il s’y développe » (p.10). Albarello (2011) donne une définition de cas concise : « Nous le définissons en tant qu’ensemble d’interrelations, situé dans le temps et localisé dans l’espace. » (p. 16). L’étude de cas vise à analyser comment l’articulation de différentes conditions produisent les cas : c’est le trait fondamental de l’étude de cas. Pour atteindre ce but il peut faire appel à différentes méthodes ou techniques (observations, entretiens, enquêtes, etc.). Dans notre travail de mémoire, nous avons donc utilisé la méthode d’observation Bick-Tavistock dans deux études de cas et l’avons adaptée à la séance SEI que nous menons en tant que PEPS. Par cette méthode d’observation nous voulons explorer en quoi l’observation modifie la nature et la qualité de présence que l’on a dans la séance SEI, notamment la réceptivité aux états émotionnels de l’enfant et de sa famille. Nous voulons également explorer comment le fait de suivre l’intérêt de l’enfant peut amener la PEPS à adapter sa proposition d’intervention

éducative en restant au plus proche de sa compréhension de l’état émotionnel de l’enfant. A notre avis l’observation Bick-Tavistock, dans le cadre de cette recherche, est à la fois la technique utilisée pour le recueil des données et également l’objet de la recherche.

L’adaptation de la méthode d’observation Bick-Tavistock à notre recherche se réalise comme suit :

1. La recherche de l’enfant et la durée des observations :

L’observation se réalise sur un jeune enfant qui est déjà suivi par la PEPS et avec lequel celle-ci rencontre des difficultés à comprendre les communications et les désirs. L’enfant n’a pas encore accès au langage verbal mais interagit avec son environnement à travers d’autres canaux (regards, gestes, comportements). La chercheuse connait déjà la famille et l’enfant, et elle les suit depuis un temps relativement long (entre six mois et une année). La durée de l’observation se déroule sur huit semaines. Chaque chercheuse réalise huit observations d’une heure et demi, ce qui correspond à la durée d’une séance SEI ordinaire. Avant de commencer à observer, la PEPS rédige un portrait préalable de l’enfant et de sa famille, une « baseline ».

2. L’observation :

Dès que les parents donnent leur accord, les observations peuvent débuter. C’est au cours de la séance SEI que celles-ci se déroulent. L’heure et le jour de la semaine restent fixes, comme d’habitude. Pendant la séance les chercheuses ne prennent pas de notes. L’observatrice est réceptive et prête attention aux émotions qui surgissent au cours de la séance (les siennes, celles de l’enfant et celles des parents). Elle fait preuve d’attention et saisit les discours et les communications non verbales des personnes présentes. Son attention est centrée sur l’enfant, l’entourage, l’environnement et les interactions qui se créent. Au contraire d’une observation Bick-Tavistock classique, où l’observatrice évite toute intervention active et reste à l’écart, dans cette situation la PEPS-observatrice aura un rôle actif dans la séance SEI. Elle continuera à apporter les jeux adaptés au développement de l’enfant et à entretenir des échanges avec l’enfant et son parent, comme elle le fait d’habitude.

3. La prise de notes :

Les observatrices retranscrivent le plus tôt possible et de manière détaillée, en évitant toute sélection, la séance (chronologie du déroulement de la séance). Elles rédigent un texte de mémoire avec autant de précision que possible, en incluant tous les événements, les conversations, les émotions et les activités vécues. Elles évitent toute référence à la théorie pendant la retranscription.

Le matériel récolté et retranscrit fait l’objet de discussions en supervision avec un observateur expérimenté. En ce qui nous concerne les supervisions sont animées par Mme Vijé Franchi, Professeure à l’Université de Genève et formatrice à l’observation d’enfants selon la méthode Bick-Tavistock. Il s’agit d’offrir aux chercheuses un espace d’élaboration où l’on « digère » ce que l’on a observé. C’est à ce moment-là que l’observatrice communique ce qu’elle n’a pas encore compris ; la supervision devient un contenant qui continue et perdure au delà du moment d’observation. Il s’agit de démêler le matériel des observations et d’en sortir des fils conducteurs, des comportements qui sont signifiants dans l’expérience de l’enfant. Ce travail de démêlage continue au-delà des séances d’observation entre les deux chercheuses qui partagent leurs ressentis, opinions, doutes et questions par rapports aux observations. C’est au cours de ce travail oral que l’on introduit des éléments de théorie.

La discussion des observations a pour objectif de mieux voir et comprendre ce que l’enfant communique de ses ressentis, intentions et vécus d’une part. Et d’autre part de développer les capacités d’observation des pédagogues et la qualité de leur présence aux vécus émotionnels de l’enfant et de sa famille.

5. La post-observation :

Les chercheuses rédigent un nouvel état de situation après la phase d’observation. L’intérêt de rédiger une « baseline » (un portrait préalable) avant de débuter avec l’observation et une « post-observation » relève du souhait de réduire au minimum le biais de la subjectivité de l’observation. Ces éléments mettent en évidence qu’il s’agit de la même personne qui est en relation avec l’enfant et ses parents et cela avant, pendant et après la recherche. Le fait que la personne reste la même tout au long de ce processus nous amène à penser que ce qui sera observé comme un changement ou une évolution sera due à l’impact de l’observation sur la pratique de la PEPS et successivement sur l’enfant.

6. L’analyse des données

Les données recueillies par l’observation, retranscrites de manière détaillés et discutées en supervision et entre les deux observatrices font l’objet d’une analyse des données. Pour ce faire les chercheuses se basent sur la méthode de la grounded theory (Strauss & Corbin, 1990). L’expression d’ «analyse par théorisation ancrée » peut être utilisée comme traduction française de cette méthode. Afin d’éclaircir cette démarche qui nous aidera à analyser les données, nous nous basons sur la définition qui a été donnée par Paillée (1994). La démarche de théorisation est ce qui définit à la base cette méthode d’analyse. « Or qu'est-ce que théoriser ? C'est dégager le sens d'un évènement, c'est lier dans un schéma explicatif divers

éléments d'une situation, c'est renouveler la compréhension d'un phénomène en le mettant différemment en lumière » (p.149). Quel que soit le niveau de théorisation que le chercheur veut atteindre, le résultat devra être ancré dans les données recueillies. La demande fondamentale qui sous-tend cette démarche est la compréhension : en relisant les données recueillies le chercheur devient analyste (et vice-versa), le but étant celui de mieux comprendre, cerner, expliciter, théoriser le phénomène observé. Il s’agit d’une démarche progressive qui évolue de manière imprévue et non par rapport à des grilles thématiques préconçues. Les étapes de l’analyse par théorisation ancrée qui organiseront notre analyse sont les suivantes:

-­‐ La codification : la première partie de l’analyse à été celle de relire attentivement toutes les observations rédigées et ensuite de relever et de dégager des moments importants et significatifs sur lesquels portera l’analyse (la codification s’est en partie faite lors des rencontre de supervision).

-­‐ La catégorisation : la deuxième phase consiste à réunir les moments significatifs sous des catégories qui font sens pour la chercheuse et qui permettent d’englober ces événements et ces phénomènes. Une nouvelle lecture du matériel est nécessaire. Ainsi, les catégories émergent du matériel des observations. Ces catégories permettent d’organiser le matériel et deviennent des filtres permettant l’analyse.

-­‐ La mise en relation : une fois que les catégories ont été créées et organisent le sens, les chercheuses procèdent à la compréhension du matériel à travers la théorie de référence. Les théories psychanalytiques de Mélanie Klein et de Wilfred Bion représentent les notions théoriques sur lesquelles s’appuyer pour analyser les observations, ainsi que celles d’auteurs plus contemporains comme Anne Alvarez ou Margot Waddell.

-­‐ L’intégration : la dernière étape de notre recherche consiste à revenir sur l’objet d’étude et à intégrer les composantes de l’analyse des deux chercheuses. Il s’agit d’une mise en commun des éléments principaux des deux situations. A ce moment-là les chercheuses reviennent sur les questions de recherche et essaient d’y répondre à la lumière des analyses effectuées.