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Partie 2 : La démocratisation et les institutions en Côte d’Ivoire

II. Les institutions ivoiriennes déterminantes pour le succès de la transition démocratique

2) Le Parlement ivoirien

Le Parlement ivoirien est composé d‘une seule chambre, l‘Assemblée nationale, qui compte à ce jour 255 députés. L‘Assemblée nationale est restée un « organe » à part entière du PDCI pendant trente ans, de 1960 à 1990. C‘est la transition démocratique de 1990 qui permet à l‘opposition d‘y accéder pour la première fois189. Dorénavant, les candidats à la députation ne sont plus recrutés par le parti unique. Au cours des trois dernières transitions démocratiques ivoiriennes, 1990, 2000 et 2011, quatre législatures – démocratiquement élues – se sont succédé. L‘article 28 de la Constitution de 1960 définit les compétences de l‘Assemblée nationale : « L‘Assemblée nationale vote la loi et consent l’impôt »190.

Tout comme le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif a l‘initiative de la loi en Côte d‘Ivoire. Les projets de loi émanent du gouvernement, tandis que les propositions de loi sont présentées par les députés de l‘Assemblée nationale. Les projets et les propositions de loi sont au préalable discutés à l‘Assemblée nationale, avant d‘être adoptés en assemblée plénière. Les textes votés à l‘Assemblée nationale sont par la suite promulgués par le président de la République « sous la forme d‘une loi ». Enfin, l‘Assemblée nationale ivoirienne dispose également d‘un « pouvoir financier », dans la mesure où il vote le « projet de loi de finances » et le budget de l‘État191. Ce sont les articles 50 et 51 de la Constitution de 1960 qui fixent les compétences de l‘Assemblée nationale en la matière. L‘article 50 de la Constitution de 1960 prévoit dans ses dispositions que : « L‘Assemblée nationale vote le projet de loi de finances dans les conditions déterminées par la loi »192.

L‘article 51 de la Constitution de 1960 prévoit quant à lui dans ses dispositions que :

189 African Election Database, ―Election In Côte d‘Ivoire‖, op.cit. ; UNION INTERPARLEMENTAIRE,

op.cit. Les députés sont élus au suffrage universel direct, et le scrutin législatif à la différence du scrutin

présidentiel ne compte qu‘un tour.

190 Voir Annexe 3 « Constitution du 03 novembre 1960 » page 163.

191 Francis V. WODIÉ, op.cit., p. 187. L‘auteur considère qu‘il n‘est pas correct de parler de projet de loi

venant du gouvernement, car « le premier ministre ne jouit pas de l‘initiative législative ». Seul le président de la République à l‘initiative de la loi au sein de l‘exécutif.

L‘Assemblée nationale est saisie du projet de loi de finances dès l‘ouverture de la session d‘octobre. Le projet de loi de finances doit prévoir les recettes nécessaires à la couverture intégrale des dépenses. L‘Assemblée nationale vote le budget en équilibre. Si l‘Assemblée nationale ne s‘est pas prononcée dans les soixante-dix jours du dépôt du projet, les dispositions de ce projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance. Le gouvernement saisit, pour ratification, l‘Assemblée nationale convoquée en session extraordinaire, dans un délai de quinze jours. Si l’Assemblée nationale n’a pas voté le budget à la fin de cette

session extraordinaire, le budget est établi définitivement par ordonnance.

Si le projet de loi de finances n‘a pu être déposé en temps utile pour être promulgué avant le début de l‘exercice, le président de la République demande d‘urgence à l‘Assemblée nationale de reprendre le budget de l‘année précédente par douzièmes provisoires193.

Même si le principe de séparation des pouvoirs est intégré dans la loi fondamentale, nous constatons une interférence entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif dans les textes constitutionnels ivoiriens. L‘article 51 illustre cette situation, car le Parlement n‘a en quelque sorte qu‘un droit de regard sur le budget de l‘État. Autrement dit, l‘Assemblée nationale est obligée d‘approuver le budget, faute de quoi le budget sera entériné au terme d‘une ordonnance prise par le chef de l‘État.

Wodié considère qu‘il existe un « équilibre apparent » au niveau du partage des compétences, entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Selon l‘auteur, le « jeu des pouvoirs » est équilibré à travers les textes et non dans les faits, étant donné que les initiatives de l‘Assemblée nationale sont limitées194. Nous sommes du même avis que l‘auteur, mais nous pensons que le déséquilibre existe également dans les textes.

En gardant toujours pour exemple l‘article 51 de la Constitution de 1960, nous remarquons que la collaboration entre le législatif et l‘exécutif est à sens unique. La suprématie du chef de l‘État s‘exerce donc sur un pouvoir législatif, qui en théorie, aurait dû contrebalancer le pouvoir exécutif. Pour notre part, la séparation des pouvoirs n‘est pas clairement définie, ce qui permet au président de s‘attribuer les compétences des parlementaires. La transition de 2000 n‘a rien changé en cela, puisque la place du Parlement n‘a pas évolué dans le système

193 Ibid.

77 politique ivoirien par rapport à la transition de 1990. L‘écart entre le poids du pouvoir législatif et celui du pouvoir exécutif s‘est même accentué, ce qui renforce naturellement la prééminence du chef de l‘État en Côte d‘Ivoire.

Assurément, l‘Assemblée nationale a subi quelques changements du fait de la nouvelle Constitution de 2000. Cependant, la fonction législative ne bénéficie toujours pas de pouvoirs étendus, car aucune innovation n‘a été faite dans ce sens. Les textes ont juste été alourdis et les députés n‘ont pas reçu de prérogatives supplémentaires face au pouvoir exécutif195. Contrairement au pouvoir exécutif, il existe un indicateur qui mesure le pouvoir d‘une centaine de parlements nationaux, dont celui de la Côte d‘Ivoire. C‘est le Parlementary Power Index (PPI), créé par les professeurs Fish et Kroenig196.

L‘indice PPI est construit en fonction d‘une base de données qui regroupe 32 variables, censées représenter les différents pouvoirs – plus ou moins importants – d‘un parlement. Il s‘agit de variables concernant l‘influence du Parlement sur l‘exécutif, à savoir par exemple si le gouvernement est responsable devant l‘Assemblée nationale. Ou encore de variables en rapport avec l‘autonomie du Parlement, notamment au niveau du respect de l‘immunité des parlementaires. C‘est donc la somme des pouvoirs que possède un parlement national, divisée par ces 32 pouvoirs, qui donne un score PPI, allant de 0 (le moins puissant) à 1 (le plus puissant). En 2007, le Parlementary Power Index de la Côte d‘Ivoire est de 0,38, tandis que celui d‘autres pays d‘Afrique subsaharienne, tels que le Bénin (0,56) ou l‘Afrique du Sud (0,63) est bien plus élevé197.

Grâce à cet indice du pouvoir parlementaire, nous pouvons confirmer de façon plus objective que l‘Assemblée nationale ivoirienne est une institution qui ne participe pas véritablement à l‘exercice du pouvoir. La Constitution de 2000 a maintenu le « déséquilibre réel » – évoqué par Wodié – entre les organes législatif et exécutif. La période d‘interrègne

195 Voir Annexe 3 « Constitution du 03 novembre 1960 » page 165; Annexe 4 « Constitution du 23 juillet

2000 (extrait) » page 170.

196 Steven FISH et Matthew KROENIG, op.cit.

197 PARLEMENTARY POWER INDEX DATA, [En ligne], http://polisci.berkeley.edu/people/faculty/person

n‘a pas favorisé non plus la fonction législative, dans la mesure où le Parlement n‘a pas été invité aux négociations de sortie de crise. L‘absence d‘élection législative pendant les dix années d‘interrègne a affaibli l‘image de l‘institution dans le système politique ivoirien. Enfin, la forte influence du chef de l‘État a de nouveau été constatée lors de l‘élection anticonstitutionnelle du président de l‘Assemblée nationale, Guillaume soro, en mars 2012198.

Incontestablement, sans l‘intervention du président Alassane Ouattara, Guillaume Soro n‘aurait pas pu occuper la fonction de président du Parlement de la Côte D‘Ivoire. Il existe pourtant un organe chargé de contrôler les entorses à la Constitution : le Conseil constitutionnel. Dans ce système constitutionnel ivoirien, dominé par le pouvoir exécutif, le Conseil constitutionnel parvient-il à jouer son rôle d‘organe régulateur?

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