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Des avancées significatives avec la Constitution de

Partie 3 : Des facteurs internes et externes qui freinent les processus de démocratisation

B. La Constitution au service de la transition?

2) Des avancées significatives avec la Constitution de

Comparativement à la constitution précédente, la Constitution de 2000286 met l‘accent sur les droits et libertés des individus. En effet, dans la Constitution de 1960287 les droits et libertés ne sont évoqués que dans le préambule. Tandis que le texte de la Constitution de 2000, en plus d‘un préambule plus volumineux, comprend en son titre premier, vingt-deux articles consacrés aux droits fondamentaux. Les autres titres de la Constitution de 2000 sont consacrés aux institutions ivoiriennes et aux différents rapports qui existent entre ces dernières.

Du point de vue institutionnel, l‘article 32 de la Constitution de 2000 crée une commission électorale indépendante pour organiser et superviser les élections. L‘article 35 de la Constitution de 2000, tant controversé, limite les mandats présidentiels (deux mandats de 5 ans chacun) et oblige les candidats à « déclarer leur patrimoine et en justifier l‘origine »288. Cette dernière disposition est très importante dans un pays où les acteurs politiques confondent souvent biens publics et biens privés. La Constitution de 2000 innove aussi en son article 36, car l‘élection du président de la République est maintenant à deux tours.

En ce qui concerne la vacance du poste de président de la République, l‘intérim assuré par le président de l‘Assemblée nationale est limité à un maximum de 90 jours. L‘article 40 de la Constitution de 2000 vient donc supprimer le caractère monarchique de l‘article 11 de la Constitution de 1960. Dorénavant, le dauphin constitutionnel ne termine plus le mandat du président et des élections sont organisées au bout de quelques semaines pour désigner un nouveau président de la République.

À l‘évidence, des acquis positifs découlent des révisions constitutionnelles de 1990 et 1994289 et de l‘adoption de la nouvelle Constitution de 2000. Néanmoins, il est toujours difficile de mesurer l‘efficacité de ces changements lorsqu‘ils ne sont respectés que

286 Loi nº 2000-513, op.cit. 287 Loi n° 60-356, op.cit.

288 Voir Annexe 4 « Constitution du 23 juillet 2000 (extrait) » page 170. 289 Loi n° 90-1529, op.cit.; Loi n° 94-439, op.cit

partiellement par les dirigeants ivoiriens. S‘agit-il d‘un manque de volonté de la part des acteurs locaux, ou encore du manque « d‘habitude de la pratique de la démocratie »290?

Même les opposants qui accusent les régimes en place d‘être non démocratiques, répètent les actes qu‘ils ont fustigés une fois qu‘ils arrivent au pouvoir. Comme s‘il était question d‘un éternel « changement dans la continuité »291. Tous les acteurs politiques ivoiriens ont besoin cependant de se servir de la loi fondamentale pour justifier leurs actions. Fort heureusement, cette obsession de l‘onction constitutionnelle permet à la Constitution de fournir des résultats positifs. Il est impossible d‘avoir une constitution taillée sur mesure, donc malgré l‘instrumentalisation des acteurs politiques locaux, des progrès en matière de démocratie sont possibles. Les deux aspects du pouvoir politique ivoirien soulignés par Wodié ont sensiblement évolué. Selon l‘auteur, le pouvoir politique en Côte d‘Ivoire était à la fois « formel et démocratique », mais aussi « réel et monocratique »292. Autrement dit, de 1994 à 1999, le pouvoir appartenait littéralement à Bédié, de 1999 à 2000 à Guéi, de 2000 à 2010 à Gbagbo et, enfin, depuis 2011 le pouvoir est entre les mains de Ouattara, mais pas totalement à cause de la nouvelle configuration du paysage politique.

Certes, il ne s‘agit pas de l‘autocratie qui régnait sous l‘ère Houphouët; la libéralisation politique voulue par chaque transition démocratique fait son chemin malgré tout. La légitimité personnelle du temps d‘Houphouët n‘existe plus et ses successeurs sont conscients de la nécessité d‘une « légitimité démocratique » pour mieux gouverner le pays293. De plus, le pouvoir n‘est plus « viager »294, la limitation des mandats présidentiels a fait disparaître cet aspect qui existait sous le président Félix Houphouët-Boigny. À défaut d‘être démocratique, le pouvoir est pour l‘instant polycratique, puisque par défaut, les dirigeants essayent de le partager entre le président de la République, le président de

290 Dankwart A. RUSTOW, op.cit.

291 Pour emprunter les propos de N‘DA ; Paul, N‘DA, op.cit., p. 106. 292 Francis V. WODIÉ, op.cit., pp. 68 - 73.

293 Pierre, ROSANVALLON op.cit. 294 Francis V. WODIÉ, op.cit., pp. 72.

117 l‘Assemblée nationale295, le premier ministre, etc. Ce pouvoir pourrait donc devenir, avec quelques efforts supplémentaires, davantage démocratique, si les acteurs politiques ivoiriens respectaient dans la pratique la Constitution du pays et impliquaient davantage le peuple dans les décisions nationales.

Selon nous, la suprématie du président de la République se dissipe peu à peu depuis la première transition de 1990; et les institutions ivoiriennes disposent d‘un poids de plus en plus considérable aux fils des années – comme le préconisent les néo-institutionnalistes. Le problème majeur, à notre avis, réside dans le fait que les acteurs politiques locaux ne parviennent toujours pas à se détacher du modèle présidentialiste africain des indépendances. Autrement dit, les représentants des institutions déterminantes pour la transition démocratique maintiennent de facto un présidentialisme fort en restant passifs face aux dérives du pouvoir exécutif.

Toujours est-il que l‘examen de certaines dispositions constitutionnelles confirme la thèse selon laquelle la Constitution favorise le processus de démocratisation. La Constitution exerce une influence bénéfique en établissant des conditions essentielles pour la démocratie dans le pays. Bien entendu, pour que cet effet bénéfique soit effectif, les dirigeants ivoiriens doivent cesser de la manipuler dans le but d‘asseoir leur pouvoir. Cela crée des effets pervers qui conduisent à l‘échec du processus de démocratisation, en général et en Côte d‘Ivoire, en particulier. Les démocraties occidentales, les organismes internationaux et les organismes non gouvernementaux l‘ont bien compris. C‘est d‘ailleurs une des raisons pour laquelle ces acteurs interviennent ou non dans les pays en quête de l‘idéal démocratique afin de corriger cette lacune.

Pour autant, en observant les différentes interventions des plus actifs d‘entre eux, en l‘occurrence la France et l‘ONU pour le cas ivoirien, nous constatons que les résultats sont mitigés. L‘échec des transitions démocratiques incomberait-il donc aux seuls acteurs

295 Dans une démocratie libérale occidentales, c‘est l‘Assemblée nationale, c‘est-à-dire l‘ensemble des

députés qui aurait dû « bénéficier » de cette répartition du pouvoir de l‘État, mais en Côte d‘Ivoire c‘est le président du Parlement qui détient seul le pouvoir législatif.

politiques locaux? La démocratie en Côte d‘Ivoire étant également imposée par l‘extérieur, il est intéressant d‘observer l‘influence externe sur les différents processus de démocratisation.

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